RESPONSABILITÉ COLLABORATEURS OCCASIONNELS DES SERVICES PUBLICS C.E. 22 nov. 1946, COMMUNE DE SAINT-PRIEST-LA-PLAINE, Rec. 279
Publié le 27/09/2022
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RESPONSABILITÉ
COLLABORATEURS OCCASIONNELS
DES SERVICES PUBLICS
C.E.
22 nov.
1946, COMMUNE
DE SAINT-PRIEST-LA-PLAINE, Rec.
279
(S.
1947.3.105, note F.
P.
B.;
D.
1947.375, note Blaevoet)
Sur la recevabilité des requêtes : Cons.
que le maire de la commune
de Saint-Priest-la-Plaine a produit un extrait d'une délibération du
conseil municipal, en date du 9 déc.
1945, l'autorisant à interjeter appel
devant le Conseil d'État des arrêtés susvisés du conseil de préfecture de
Limoges; qu'ainsi, les pourvois formés pour la commune contre lesdits,
arrêtés sont recevables;
Sur la responsabilité de la commune : Cons.
qu'il est constant que les
sieurs Rance et Nicaud, qui avaient accepté bénévolement, à la
demande du maire de Saint-Priest-la-Plaine, de tirer un feu d'artifice à
l'occasion de la fête locale du 26 juill.
1936, ont été blessés, au cours de
cette fête, par suite de l'explosion prématurée d'un engin, sans qu'au
cune imprudence puisse leur être reprochée; que la charge du dommage
qu'ils ont subi, alors qu'ils assuraient l'exécution du service public dans
l'intérêt de la collectivité locale et conformément à la mission qui leur
avait été confiée par le maire, incombe à la commune; que, dès lors,
celle-ci n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le conseil de
p:éfecture l'a condamnée à réparer le préjudice éprouvé par les intéres
sés;
Sur le recours incident des ayants droit du sieur Rance : Cons., d'une
part, qu'il résulte de ce qui précède que la commune est entièrement
responsable du dommage subi par le sieur Rance; qu'ainsi, c'est à tort
que le conseil de préfecture a limité aux deux tiers sa part de
responsabilité; que la commune ne conteste pas l'évaluation qui a été
faite par les premiers juges du montant du dommage; que, dès lors, il y
a lieu de faire droit aux conclusions du recours incident tendant à ce
que l'indemnité soit portée à 22 500 F;
Cons., d'autre part, que les héritiers du sieur Rance ont droit aux
intérêts de la somme susmentionnée à compter du 8 juill.
1937, date de
l'introduction de la demande devant le conseil de préfecture :
Cons.
enfin que, dans les circonstances df l'affaire, les dépens de
première instance afférents à la réclamation du sieur Rance doivent
être mis entièrement à la charge de la commune; ...(Décision en ce
sens).
OBSERVATIONS
I.
----:- Deux habitants• d'une petite ville, qui avaiént accepté
bénévolement, à la demande du maire, de tirer un feu d'artifice
à l'occasion d'une fête locale, avaient été blessés par l'explosion
prématurée d'un engin dans des conditions telles qu'aucune
faute ne pouvait être relevée ni à leur charge ni à la charge des
autorités communales.
Ils se retournèrent néanmoins contre la
commune et obtinrent satisfaction devant le conseil de préfec
ture de Limoges.
Sur appel de la commune, le Conseil d'État
confirme la décision de première instance : « les sieurs R.
et
N., qui avaient accepté bénévolement, à la demande du
maire..., de tirer un feu d'artifice...
ont été blessés...
sans
qu'aucune imprudence puisse leur être reprochée; la charge du
dommage qu'ils ont subi, alors qu'ils assuraient l'exécution du
service public dans l'intérêt de la collectivité locale et conformé
ment à la mission qui leur avait été confiée par le maire,
incombe à la commune...
».
IL - Cet arrêt est le point d'aboutissement d'une longue
évolution tendant à accorder aux collaborateurs des services
publics le droit d'obtenir réparation des préjudices subis par
eux au cours de l'accomplissement de leur mission, alors même
• qu'aucune faute ne peut être reprochée à l'administration.
Cette
application remarquable de la notion de socialisation des ris
ques avait été inaugurée par l'arrêt Cames* ç_lu 21 juin 1895,
qui accordait une indemnité à un ouvrier de l'Etat victime d'un
accident du travail non imputable à une faute de l'administra
tion.
Privée de ses effets pratiques, en ce qui concerne les
collaborateurs permanents des services publics, par la législa
tion sur les pensions d'invalidité et les accidents du travail, Ja
jurisprudence Cames a été peu à peu appliquée par la Conseil
d'État aux collaborateurs purement occasionnels de l'adminis
tration.
Pendant un certain temps seuls les requis pouvaient en
bénéficier (C.
E.
5 mars 1943, Chavat, Rec.
62 : le requérant
avait été blessé alors qu'il avait été requis par la gendarmerie
pour lutter contre un incendie); les collaborateurs volontaires et
bénévoles ne pouvaient, au contraire, obtenir une indemnité
qu'en prouvant une faute de l'administration (22 oct.
1943,
Sarda, Rec.
232 : conseiller municipal blessé alors qu'il avait
bénévolement accepté de tirer un feu d'artifice, considéré par la
jurisprudence comme un service public communal).
Par la suite
la notion de réquisition devait être étendue de plus en plus
largement : obtinrent .ainsi une indemnité le particulier blessé
en luttant contre un incendie, alors que, sans avoir été requis, il
« avait été alerté par le tocsin, dont la sonnerie présente le
caractère d'un appel à l'ensemble des habitants » (C.E.
30 nov:
1946, Faure, Rec.
245; S.
1946.3.37, note Bénoît), et la per
sonne à laquelle des agents de police ont demandé de leur
prêter main-forte pour empêcher une tentative de suicide (C.E.
15 févr.
1946, Ville de Senlis, Rec.
50).
L'arrêt Commune de
Saint-Priest-la-Plaine achève cette évolution, en admettant la
responsabilité de la commune à l'égard d'un collaborateur
bénévole dans une affaire identique à celle qui avait donné
lieu, en 1943, à une décision en sens contraire (22 oct.
1943,
Sarda, précité).
III.
- La portée de l'arrêt Commune de Saint-Priest-la
Plaine a été précisée par la jurisprudence ultérieure, notamment
par deux décisions importantes de 1957, Compagnie d'assuran
ces « L'Urbaine et la Seine» (C.E.
22 mars 1957, Rec.
200;
A.
J.
1957.Il.185, chr.
Fournier et Braibant), et Commune de
Grigny (C.E.
11 oct.
1957, Rec.
524; R.
D.
P.
1958.306, concl.
Kahn; R.
D.
P.
1958.298, note Waline; D.
1958.768, note Luc
chini� A.
J.
1957.11.499, chr.
Fournier ·et Braibant).
D'une part, le collaborateur bénévole a été assimilé à l'agent
public non seulement pour les dommages qu'il subit, mais
encore pour ceux qu'il cause ( Compagnie d'Assurances « ['Ur
baine et la Seine», précité, a contrario : accident provoqué par
un particulier se rendant au feu à l'agpel du tocsin).
Mais, d'autre part, le Conseil d'Etat a fixé des limites au
champ d'application des principes qu'il avait lui-même déga
gés; ces limites tiennent à la....
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