RECOURS POUR EXCÈS DE POUVOIR - RÈGLEMENTS D'ADMINISTRATION PUBLIQUE - C. E. 6 déc. 1907, COMPAGNIE DES CHEMINS DE FER DE L'EST ET AUTRES, Rec. 913, concl. Tardieu (commentaire d'arrêt)
Publié le 17/01/2022
Extrait du document
(S. 1908.3.1, note Hauriou, concl. Tardieu; D. 1909.3.57, concl. Tardieu; R.D.P. 1908.38, note Jèze)
Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre des travaux publics et tirée de ce que le décret du le' mars 1901, étant un règlement d'administration publique, ne serait pas susceptible d'être attaqué par la voie du recours pour excès de pouvoir : Cons. qu'aux termes des lois des 11 juin 1842 (art. 9) et 15 juill. 1845 (art. 21), des règlements d'administration publique déterminent les mesures et dispositions nécessaires pour garantir la police, la sûreté, la conservation, l'usage et l'exploitation des chemins de fer; que les conclusions des Compagnies de chemins de fer tendent à faire décider que les dispositions édictées par le règlement d'administration publique du 1er mars 1901 excèdent les limites de la délégation donnée au Gouvernement par les lois précitées : Cons. qu'aux termes de l'art. 9 de la loi du 24 mai 1872 le recours en annulation pour excès de pouvoir est ouvert contre les actes des diverses autorités administratives;
«
matière coloniale (C.
E.
29 mai 1908, Colonie du Sénégal, Rec.
578; S.
1909.3.26, note Girault; — 22 déc.
1933,Maurel, Rec.
1226; S.
1934.3.57, note Roques; D.
1936.3.17, note Gros : « en vertu de l'art.
18 du sénatus-consulte du 3 mai 1854, les colonies...
sont régies par décrets; si le régime ainsi établi comporte le droit pour le chefde l'État de régler des questions qui, dans la métropole, ressortissent au domaine de la loi, ces décrets n'enconstituent pas moins des actes administratifs, susceptibles...
d'être déférés au Conseil d'État par la voie durecours pour excès de pouvoir »).
Le Conseil d'État a étendu cette solution :— sous la Ille République, aux décrets-lois (C.
E.
25 juin 1937, Union des véhicules industriels, Rec.
619; S.1937.397, note P.
de F.R.; D.
1937.333, note Rolland; R.D.P.
1937.501, concl.
Renaudin, note Jèze);— sous la Ive République, aux décrets pris en vertu de la loi du 17 août 1948 tendant au redressement économiqueet financier (C.
E.
15 juill.
1954, Société des Établissements Mulsant, Rec.
481; A.
J.
1954.11.459, note Long), etaux décrets pris en vertu des lois d'habilitation spéciale (C.
E.
16 mars 1956, Garrigou, Rec.
121; D.
1956.253,concl.
Laurent; A.
J.
1956.11.199, note J.
A.; A.
J.
1956.11.220, chr.
Fournier et Braibant);— sous la Vo République, aux mesures prises par le Gouvernement dans le cadre du pouvoir réglementaire autonomeque lui reconnaît l'article 37 de la Constitution (cf.
C.
E.
26 juin 1959, Syndicat général des Ingénieurs-Conseils , etnos observations), aux décisions de caractère réglementaire prises par le président de la République dans l'exercicedes pouvoirs exceptionnels prévus par l'article 16 (C.
E.
2 mars 1962, Rubin de Servens ), enfin aux ordonnancesprises soit en vertu d'une loi parlementaire conformément à l'article 38 de la Constitution (C.
E.
24 nov.
1961,Fédération nationale des Syndicats de police, Rec.
658; S.
1963.59, note Hamon; D.
1962.424, note Fromont; A.
J.1962.114, note J.
T.), soit en vertu d'une loi référendaire (C.
E.
19 oct.
1962, Canal).
Toutefois, dans cettedernière hypothèse, le législateur a fait échec à la décision du Conseil d'État : selon l'article 50 de la loi du 15janvier 1963 relative à la Cour de Sûreté de l'État, « les ordonnances prises en vertu de l'article 2 de la loi n° 62-421 du 13 avril 1962 ont et conservent force de loi à compter de leur publication ».Depuis 1907, d'innombrables arrêts ont admis la recevabilité de recours dirigés contre des règlementsd'administration publique.
Sans doute leur annulation est-elle moins fréquente qu'en ce qui concerne les décretssimples, l'intervention des formations administratives du Conseil d'État dans leur élaboration constituant une garantieassez sérieuse de légalité, et les pouvoirs du gouvernement étant plus larges dans l'édiction d'un règlementd'administration publique que dans celle d'un décret simple (cf.
C.
E.
12 déc.
1953, Union nationale des associationsfamiliales, Rec.
545; S.
1954.3.45, note Tixier; D.
1954.511, note Rossillion).Le caractère administratif des règlements d'administration publique une fois reconnu, il en découlait que legouvernement n'épuise pas ses pouvoirs par le premier règlement fait en exécution de la loi et qu'il peut toujours lemodifier ou l'abroger par un règlement ultérieur.
D'autre part, le gouvernement peut répartir entre plusieursrèglements d'administration successifs les mesures à prendre pour l'application de la loi (C.
E.
20 nov.
1953,Fédération nationale des déportés et internés résistants et patriotes, Rec.
511).Le commissaire du gouvernement Tardieu avait rappelé dans ses conclusions, comment s'était développé au coursdu XIXe siècle le contrôle de la légalité des actes administratifs par le Conseil d'État : à l'origine, la Haute assembléeconsidérait comme irrecevable tout recours dirigé contre un acte de caractère réglementaire et général; puis, versle milieu du siècle, elle commença à accueillir les recours contre les actes réglementaires, à l'exception toutefois desdécrets portant règlement d'administration publique; enfin, à partir de 1872, elle accepta de vérifier la légalité deces décrets à l'occasion des applications individuelles qui en étaient faites.
La décision Compagnie des chemins defer de l'Est est une nouvelle étape sur la voie de cette extension du recours pour excès de pouvoir : désormais lesrèglements d'administration publique, les décrets coloniaux, les décrets-lois et les « règlements autonomes » de laVe République vont tour à tour pouvoir être attaqués directement.
Cet élargissement progressif et continu de soncontrôle, opéré de façon purement jurisprudentielle, est un exemple caractéristique de la méthode du Conseil d'État.Il constitue l'un des traits les plus frappants de l'évolution du droit administratif depuis le début du XIXe siècle.Seules, aujourd'hui, les lois, émanant du Parlement souverain, ou de l'autorité investie à un moment donné dupouvoir législatif, échappent à tout contrôle juridictionnel, dans l'état des institutions positives françaises.
LeConseil d'État s'est ainsi refusé à apprécier la validité :— des lois votées par le Parlement (6 nov.
1936, Arrighi, Rec.
966; S.
1937.3.33, concl.
Latournerie, note Mestre;D.
1938.3.1, concl.
Latournerie, note Eisenmann; R.D.P.
1936.671, concl.
Latournerie);— des lois édictées par le Gouvernement de Vichy (22 mars 1944, Vincent, Rec.
417; S.
1945.353, concl.
Detton,note Charlier);— des ordonnances du Comité français de libération nationale et du Gouvernement provisoire de la Républiquefrançaise (22 févr.
1946, Botton, Rec.
58; S.
1946.3.56, note P.
H.);— des ordonnances prises en vertu de l'article 92 de la Constitution du 4 octobre 1958 (12 févr.
1960, Société Eky,Rec.
101; S.
1960.131, concl.
Kahn; D.
1960.236, note L'Huillier; J.
C.
P.
1960.11.11629 bis, note Vedel);— des décisions de caractère législatif prises par le président de la République en vertu de l'article 16 de laConstitution de 1958 (Rubin de Servens , précité)Le juge exerce toutefois son contrôle sur le caractère législatif de ces actes, en recherchant s'ils émanent bien del'autorité habilitée à exercer le pouvoir législatif (C.
E.
1er juill.
1960, F.
N.
O.
S.S.
et Fradin, Rec.
441; S.
1961.69,concl.
Braibant; C.
1960.690, concl.
Braibant, note L'Huillier; A.
J.
1960.1.152, chr.
Combarnous et Galabert)..
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