RECOURS POUR EXCÈS DE POUVOIR ÉTENDUE C.E. 17 févr. 1950, MINISTRE DE L'AGRICULTURE c. Dame LAMOTIE, Rec. 110 (droit)
Publié le 10/01/2012
Extrait du document
Cons. que, par un arrêté du 29 janv. 1941 pris en exécution de la loi du 27 août 1940, le préfet de l'Ain a concédé« pour une durée de neuf années entières et consécutives qui commenceront à courir le 1er févr. 1941 au sieur de Testa le domaine de Sauberthier (commune de Montluel), appartenant à la dame Lamotte, née Vial; que, par une décision du 24 juill. 1942, le Conseil d'État a annulé cette concession par le motif que ce domaine n'était pas abandonné et inculte depuis plus de deux ans ; que, par une décision ultérieure du 9 avr. 1943, le Conseil d'État a annulé, par voie de conséquence, un second arrêté du préfet de l'Ain, du 20 août 1941, concédant au sieur de Testa trois nouvelles parcelles de terre, attenantes au domaine;
Cons. enfin que, par une décision du 29 déc. 1944, le Conseil d'État a annulé comme entaché de détournement de pouvoir un troisième arrêté, en date du 2 nov. 1943, par lequel le préfet de l'Ain, en vue de retarder l'exécution des deux décisions précitées du 24 juill. 1942 et 9 avr. 1943, avait réquisitionné au profit du même sieur de Testa le domaine de Sauberthier; ...
«
340 LES GRANDS ARRÊ:TS ADMINISTRATIFS
4 oct.
1946, mais qu'il y a lieu, d'autre part, pour le Conseil d'État, de
statuer comme juge de l'excès de pouvoir sur la demande en annulation
de l'arrêté du préfet de l'Ain du
10 août 1944 formée par la dame
Lamotte;
Cons.
qu'il est établi
par les pièces du dossier que ledit arrêté,
maintenant purement et simplement la concession antérieure, faite au
profit du sieur de Testa, pour une durée de neuf ans,
« à compter du t•r févr.
1941 » ainsi qu'il a été dit ci-dessus, n'a eu d'autre but que de
faire délibérément échec aux décisions susmentionnées du Conseil
d'État statuant au contentieux, et qu'ainsi, il est entaché de détourne
ment de pouvoir; ...
(Annulation).
OBSERVA TI ONS
La loi du 27 août 1940 prescrivait aux maires de dresser la liste des exploitations abandonnées ou incultes depuis plus de deux années, et permettait au préfet de concéder, sans même attendre les résultats de cet inventaire, pour mise en culture
immédiate, toute parcelle abandonnée ou inculte depuis plus de
deux ans.
C'est l'application de cette loi qui a donné lieu au liti_ge Ministre de l'agriculture c.
Dame Lamotte.
Le Conseil d'Etat avait dû annuler le 24 juill.
1942 et le 9 avr.
1943 deux
concessions de terres appartenant à la dame Lamotte, faites par le préfet de l'Ain au sieur ,Testa.
Le préfet réquisitionna alors le domaine et le Conseil d'Etat annula la réquisition.
Nullement
découragé, le préfet prit le 10 août 1944 un nouvel arrêté de concession, mais entre temps la loi du 23 mai 1943, pour briser la résistance des juges, avait supprimé toute possibilité de recours contre les actes de concession.
Le rappel de la législation et de ces faits était nécessaire, car le caractère exorbitant du droit commun de la législation sur les
concessions, le conflit auquel elle a donné lieu entre l'adminis tration et les juges (qui fait pressentir le conflit du même ordre
auquel donneront lieu les réquisitions de logement), la violation par l'administration de la chose jugée par le Conseil d'État, la suppression par voie législative de tout recours juridictionnel
créent le climat de l'affaire et expliquent la solution, à première
vue surprenante, donnée par le Conseil d'État dans cet arrêt.
En l'espèce, la volonté du législateur ne pouvait faire aucun doute, puisque l'art.
4 de la loi du 23 mai 1943 disposait : « l'octroi de la concession ne peut faire l'objet d'aucun recours administratif ou judiciaire ».
La Haute juridiction n'en a pas moins considéré que ce texte ne pouvait avoir pour effet
d'exclure ce recours destiné à « assurer conformément aux
principes généraux du droit, le respect de la légalité)), Cette jurisprudence hardie, qui fait du recours pour excès de pouvoir un instrument général du contrôle de la légalité, que seule une loi tout à fait expresse peut exclure, a été confirmée plusieurs
fois depuis lors
(C.E.
17 avr.
1953, Falco et Vidaillac*, à.
»
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