RECOURS EN CASSATION C. E. 2 févr. 1945, MOINEAU, Rec. 27
Publié le 27/09/2022
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«
RECOURS EN CASSATION
C.
E.
2 févr.
1945, MOINEAU, Rec.
27
(S.
1946.3.9, note L'Huillier;
D.
1945.269, note Colliard)
Cons.
qù'il ne ressort pas des pièces du dossier au vu duquel a statué
la chambre de discipline de !'Ordre national des médecins que sa
décision soit fondée sur des faits matériellement inexacts;
Cons., d'autre part, que l'appréciation que la chambre de discipline
a faite de la valeur de certaines méthodes pratiquées par le ·sieur
Moineau échappe au contrôle du juge de cassation;
Cons.
enfin que, compte tenu de cette appréciation souveraine, les
actes reprochés au requérant étaient de nature à motiver le refus de son
inscription au tableau de l'Ordre des médecins;...
(Rejet).
OBSERVATIONS
I.
- Le sieur Moineau avait, sous l'empire des lois de Vichy,
qui réservaient l'exercice des professions médicales aux mem
bres de l'Ordre des médecins, institué par la loi du 7 oct.
1940,
sollicité son inscription au tableau de cet Ordre.
Le conseil
régional refusa de l'inscrire, estimant qu'il ne remplissait pas
les conditions de moralité professionnelle qui devaient être
exigées, et le refus fut confirmé par la chambre de discipline du
conseil national de l'Ordre.
,Le sieur Moineau attaqua cette·
décision devant le conseil d'Etat, conformément à l'art.
38 de
la loi du 10 sept.
1942 qui prévoit ce recours,, et le qualifie de
recours pour excès de pouvoir.
Le conseil d'Etat avait déjà été
appelé à se · prononcer sur des recours formés contre des
décisions émanant du conseil supérieur de l'Ordre des médecins
et avait traité ces recours comme des recours pour excès de
pouvoir (2 avr.
1943, Bouguen*).
Mais alors qu'en vertu de la
loi du 7 oct.
1940, il appartenait aux conseils départementaux
de l'Ordre, sous le contrôle du conseil supérieur, de se pronon
cer sur les demandes .d'inscription, la loi du 10 sept.
1942 avait
confié cette mission aux conseils régionaux dont les décisions
pouvaient être frappées d'appel devant la chambre de discip!ine
composée de médecins, mais présidée par un conseiller d'Etat
et devant laquelle était organisée une proc_édure contradictoire
garantissant les droits de la défense.
La composition de l'orga
nisme et la manière dont il statuait lui ont donné, aux yeux du
Conseil d'État, le caractère d'une juridiction (cf.
nos observa-
1
tions sous l'arrêt d'Aillières*, 7 févr.
1947);- depuis lors est
intervenu un arrêt dë Bayo du 12 déc.
1953 (Rec.
544;
R.
P.
D.
A.
1954.3, concl.
Chardeau; A.
J.
1954.II.138, note de
Soto; A.
J..
1954.II bis.2, chr.
Gazier et Long) qui fait relever
du recours pour excès de pouvoir toutes les décisions prises en
matière d'inscription au tableau; mais l'arrêt Moineau demeure
important, parce que dans ses trois paragraphes d'une brièveté
et d'une clarté remarquables le Conseil d'Etat a défini la nature
et l'étendue de ses pouvoirs de juge de cassation.
En effet, la - chambre de discipline s'était fondée sur les
méthodes suivies par le docteur Moineau, en matière de diagnostic, pour refuser de l'inscrire au tableau de l'Ordre.
Le Conseil d'État a d'abord accepté de vérifier, d'après les,
pièces du dossier, la matérialité des faits retenus à l'encontre du
docteur Moineau (cf.
C.
E.
5 juill.
1929, Commune de Relizane,
Rec.
679, concl.
Josse).
Par contre, il ne s'est pas reconnu de contrôle sur l'apprécia
tion donnée de ces faits par les juges du fond.
Mais, partant de cette appréciation souveraine, il a estimé ,
devoir vérifier si les faits ainsi appréciés par le juge du fond
étaient de nature à mçtiver la décision attaquée.
Ainsi le Conseil d'Etat se réserve-t-il un double contrôle sur
l'existence matérielle des faits et sur leur aptitude légale à
justifier l'acte, mais se refuse-t-il à vérifier l'appréciation portée
sur eux par le juge du fond.
· Si l'on observe que la Cour de Cassation ne vérifie pas
l'existence matérielle des faits - sous réserve de leur dénatura
tion - mais se fait juge de leur qualification, l'on doit
constater que l'arrêt Moineau - et tous les arrêts dont il est
issu ou qui l'ont suivi - révèle l'existence d'une doctrine de la
, cassation propre au droit public.
II.
- Le recours pour excès ,de pouvoir et.Je recours en
cassation devant le Conseil d'Etat ont une même origine
législative : la loi des 7-\4 oct.
1790 qui faisait porter les
réclamations pour incompétence devant le roi, chef de l'admi
nistration· générale.
La distinction entre les deux recours a été
consacrée définitivement par la loi du 18 déc.
1940, reprise
d'ailleurs sur ce point.par l'ordonnance du 31 juill.
1945.
Aux
termes de )'art.
32 de l'ordonnance du 31 juill.
1945 : « le
Conseil d'Etat connaît des recours en cassation dirigés contre
des décisions des juridictions administratives en dernier res
sort ».
La distinction entre les deux pourvois revêt une impor
tance pratique considérable depuis le Jer janv.
1954, date
d'entrée en- vigueur cJe la réforine du contentieux administratif
inscrite dans le décret du 30 sept.
1953 : en vertu de ce décret,
en effet, le recours en cassat!0n doit toujours être porté directe
ment devant le Conseil d'Etat, et non devant les tribunaux
administratifs régionaux, et, d'autre part, il ne peut être pré
senté, sauf exceptions prévues par la loi, que par .ministère
d'avocat.
Si les deux recours se distinguent ainsi par leur forme, leur
évolution a été parallèle et s'est marquée par l'accroissement
des pouvoirs de contrôle du juge.
Les deux recours ont même
paru si proches que la doctrine a dénoncé l'agonie du ·recours
en cassation.
Il existe cependant encore des différences essen
tielles entre le recours pour excès de pouvoir et le recours en
cassation, tant en ce qui concerne leur recevabilité qu'en ce qui
concerne l'étendue du contrôle du juge et les effets de sa
décision.
1) Le recours en cassation n'est recevable que contre les
jugements qui ont été rendus en dernier ressort par une juridic
tion administrative, et à l'égard desquels aucune autre voie de
recours, notamment celle de l'opposition, ne reste ouverte
(C.E.
12 oct.
1956, Desseaux, Rec.
364; D.
1956.758, note
Drago; R.
D.
P.
1957 .144, concl.
Lasry).
Il doit être en règle
générale présenté par le ministère d'un avocat au Conseil d'État
(cf.
C.E.
31 janv.
1958, Brunet, Rec.
54; R.
D.
P.
1958.752,
concl.
Tricot; A.
J.
1958.II.91, chr.
Fournier et Braibant, à
propos du recours contre la décision d'un conseil de révision).
Enfin il ne suffit pas pour l'intenter de justifier d'un intérêt
personnel à l'annulation du jugement : il faut en outre avoir été
partie ou représenté à l'instance dans laquelle la décision
attaquée a été rendue (C.E.
16 févr.
1951, Delaville, Rec.
99; 12 mars 1954, Ministre de la santé publique, Rec.
158; 12 nov.
1954, Ministre de la santé publique, Rec.
593; A.
J.
1955.II bis.4, chr.
Long).
2) Les moyens de cassation sont l'incompétence, le vice de
forme et la violation de la loi.
Le moyen tiré du détournement
de pouvoir ne peut être invoqué en· cassation (C.E.
6 mars
1953, Abbé Giloteaui, Rec.
117, concl.
Chardeau; D.
1954.148,
note Morange; - 15 oct.
1954, Société financière de France,
Rec.
536; R.
D.
P.
1955.385, note Waline; A.
J.
1954.II.461,
concl.
Laurent).
a) L'incompétence est un moyen as�ez rarement invoqué, qui
ne peut guère soulever de difficultés que lorsque la juridiction
se compose de plusieurs sections....
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