PROCÉDURE - SURSIS A EXÉCUTION C. E. 12 nov. 1938, CHAMBRE SYNDICALE DES CONSTRUCTEURS DE MOTEURS D'AVIONS, Rec. 840 (S. 1939.3.65, concl. Dayras; D. 1939.3.12, concl. Dayras)
Publié le 27/09/2022
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PROCÉDURE - SURSIS A EXÉCUTION
C.
E.
12 nov.
1938, CHAMBRE SYNDICALE
DES CONSTRUCTEURS DE MOTEURS D'AVIONS, Rec.
840
(S.
1939.3.65, concl.
Dayras; D.
1939.3.12, concl.'Dayras)
Sur la demande de sursis : Cons.
qu'il résulte de l'examen du
pourvoi que le caractère sérieux des moyens développés à §Ofl appui ne
saurait être contesté; que, d'autre part, l'application de l'arrêté attaqué
aurait pour conséquence immédiate l'institution, dans l'industrie que
représente la Chambre syndicale requérante, d'un état de fait qui
entraînerait des changements importa,nts dans les conditions actuelles
de fonctionnement de ladite industrie et qu'il serait pratiquement très
difficile de modifier de nouveau au cas où l'arrêté dont s'agit viendrait
à être ultérieurement annulé; que, dans ces circonstances, il y a lieu
d'accueillir les conclusions aux fins de sursis susvisées; ...
(Jusqu'à ce
qu'il ait été statué sur la requête présentée par la Chambre syndicale
des constructeurs de moteurs d'avions c(pntre l'arrêté du 5 août 1938 du
ministre du travail, il sera sursis à l'exécµtion dudit arrêté).
OBSERVAT/ONS
I.
- La Fédération des métauxjavait signé le 14 avr.
1938
une convention collective avec l'Unlion syndiëale des industries
,aéronautiques, pour régler les rapports entre les employeurs et
le personnel des entreprises travaillant exclusivement pour la
fabrication de cellules et de moteurs d'avions.
La Chambre
syndicale des constructeurs de moteurs d'avions - qui groupait
90 % des constructeurs de moteurs d'avions - protesta contre
cette convention qui n'avait pas été signée par l'organisation
syndicale la plus représentative.
Le ministre rendit cependant,
par arrêté du 5 août 1938, la convention obligatoire pour tous
les employeurs, employés et ouvriers des professions sur le
.territoire de la France métropolitaine.
La Chambre syndicale
avait attaqué cette décision et demandé en même temps au
Conseil d'Etat d'ordonner le sursis à son exécution.
Le commissaire du gouvernement rappela les conditions
posées par la jurisprudence pour que le sursis puisse être
accordé : « il faut toujours, en premier lieu, que le pourvoi soit
fondé sur des motifs sérieux»; d'autre part,,« le principe général
d'après lequel le recours au Cons{!il d'Etat n'a pas d'effet
suspensiffléchit lorsque son application à un litige donné risque
rait d'entraîner pour le requérant un préjudice grave, ou de créer
une situation difficile à modifier...
».
Le commissaire estima que le moyen tiré de ce que la
convention n'avait pas été signée par l'organisme le plus
représentatif était très sérieux.
Après un examen minutieux de
la requête, il établit que l'exécution immédiate de la mesure
aurait pour effet d'augmenter les charges des entreprises et de
diminuer la production d'une industrie vitale pour les besoins
de la défense nationale.
Il proposa donc d'accorder le sursis; le Conseil d'État le
suivit, par un arrêt qui vint ainsi s'insérer dans la jurispru
dence, peu nombreuse mais importante, relative au sursis à
l'exécution de la décision attaquée.
Il.
- C'est un principe fond!lmental de notre droit public
que l'administration dispose du privilège du préalable, en vertu
duquel ses décisions, contrairement à celles des particuliers,
·sont exécutoires par elles-mêmes.
Ce principe a pour corollaire
que les recours devant les juridictions administratives contre les
décisions des collectivités publiques n'ont point d'effet suspen
sif, afin que les intéressés ne puissent, par un simple pourvoi,
paralyser l'action de l'adminii;ttation.
,.
Il a néanmoins été considéré comme nécessaire d'appo�er à
la rigueur de ces principes un tempérament : le Conseil d'Etat,
juge administratif suprême, a reçu le pouvoir d'ordonner qu'il
soit sursis à l'exécution de la décision attaquée, par une
disposition qui figurait déjà dans le décret du 22 juill.
1806 et
qui a été reprise à _l'art.
48 de l'ordonnance du 31 juill.
1945.
Mais le Conseil d'Etat n'a usé que rarement de la prérogative
qui lui était accordée, marquant ainsi sa réticence à l'égard
d'une procédure qui risque d'aboutir à la paralysie des collecti
vités publiques et _substitue le juge à l'administrateur.
Le Conseil d'Etat exige en effet traditionnellement, pour
ordonner le sursis, la réunion de deux conditions, qu'il entend
"strictement et qui sont rarement réunies : il faut que la requête
\,au fond s'appuie sur des moyens sérieux et que l'exécution
�mmédiate de la décision attaquée soit de nature à causer aux
:requérants un préjudice grave,.
sinon irréparable.
1° C'est dans l'arrêt Chambre syndicale des constructeurs de
moteurs d'avions que l'expression de « moyens sérieux» appa
raît pour la première fois; mais il suffit de se reporter aux
conclusions prononcées par les commissaires du gouvernement
sur les affaires antérieures de sursis pour constater que, cette
notion a toujours été prise en considération {C.
E.
23 nov.
1�88, Sœurs hospitalières de !'Hôtel-Dieu de Paris, Rec.
874,
concl.
Jagerschmidt; - 17 juill.
1936, Mouvement social fran
çais des Croix de feu, Rec.
789; S.
1937.3.7, concl.
Detton).
Cette condition répond au souci de refuser le privilège du
I sursis aux requérants qui forment des recours purement dilatoi
res ou manifestement mal fondés et de le réserver à ceux dont
"\.'
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J
I
{
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1,
le pourvoi révèle que l'annulation de la décision attaquée est
probable, sinon certaine, et qu'il est ainsi dans l'intérêt de(
l'administration elle-même que cette décision ne soit pas exécu-,
tée.
Par moyens seneux, il faut entendre des moyens qui, en
quelque sorte, sont, au premier examen.
de nature à faire naître
le doute dans l'esprit du juge; mais, comme le rappelle le
commissaire du gouvernement Dayras, le juge n'a pas, à ce
stade de la procédure, à se prononcer sur la valeur de l'argu
mentation du requérant et à examiner au fond l'affaire, qui
n'est d'ailleurs pas encore complètement instruite.
Ainsi la
décision sur le sursis ne préjuge pas de la décision sur le fond,
et il est eff�ctivement arrivé qu'après avoir ordonné le sursis le
Conseil d'Etat ait finalement rejeté la requête (27 nov.
1936,
Mouvement social français des Cro� de feu, Rec.
1039).
Toute
fois, la jurisprudence du Conseil d'Etat paraît être aujourd'hui,
sur ce point, plus rigoureuse; elle parle de « moyens de nature
à justifier une décision de sursis», et entend par là des moyens
qui peuvent être considérés, avec une quasi-certitude, comme
fondés (v.
par ex.
C.
E.
17 juin 1955, Ministre de l'industrie et
du commerce c.
Association pour la sauvegarde du parc des
sports A.
Rondenay, Rec.
339; A.
J.
1955.
I I.288; concl.
Laurent,
note Copper-Royer; A.
J.
1955.I I bis.
20.
chr.
Long; - 11 oct.
1963, Aguzou, Rec.
485; A.
J.
1963.626 et 630, chr.
Fourré et
Mme Puybasset, concl.
Braibant).
La condition relative au caractère sérieux des moyens n'est
pas exigée, cependant, dans le cas des recours formés par les '1t
collectivités publiques, ou les institutions chargées de la gestion
d'un service public, ou les concessionnaires de services publics,
contres les jugements les condamnant à des réparations pécu
niaires; cette solution, qui crée un véritable privilège au profit
des personnes publiques ou des personnes privées participant à
la gestion des services publics, dans le but de protéger leurs
intérêts financiers, avait été admise implicitement dès 1938
(C.E.
1er avr.
1938, Ville de Bône, Rec.
337; - v.
également
18 mai 1945,, Compagnie générale française des tramways,
Rec.101; - 26 juill.1946, Ville de Paris c.
Mauger, Rec.223); elle
parut ensuite abandonnée (C.E.
19 nov.
1948, Chambre des
métiers de la Nièvre, Rec.
436); mais elle a été reprise par une série
de décisions rendues au profit de l'État, d'un établissement public,
d'un ordre professionnel (C.E.12 juin 1959, Ministre desfinances
et des affaires économiques c.
Société « Affinerie havraise»,
Rec.
365, et 15 juill.
1959, Association syndicale de reconstruction
d'Orléans, Rec.
468; A.
J.
1959.I.159, chr.
Combamous et
Galabert; - 4 mars 1960, Conseil national de !'Ordre des médecins
c.
Grunberg, Rec.
177).
En pareil cas, le sursis est accordé dès lors
que le bénéficiaire de la condamnation apparaît insolvable et
serait ainsi incapable de.
rembourser les indemnités reçl.!-es si le
jugement était ultérieùrement annulé.
Seule est donc prise en
considération, dans cette hypothèse, la deuxième condition, tirée
de la nature du préjudice qui résulterait de l'exécution immédiate
de l'acte attaqué.
2° Il ne suffit pas, pour que le sursis soit ordonné, que les
moyens invoqués à l'appui de la requête soient sérieux..
Encore
faut-il que le préjudice qui - résulterait de l'exécution de la
décision attaquée revête une certaine gravité.
Sur la nature et le
degré de cette gravité, la jurisprudence n'est pas absolument
nette.
Certains arrêts anciens parlent de « préjudice irréparable» (2 nov.
1880, Jugy, Rec.
874), ou bien d'une privation
·« définitive et irrévocable» d'avantages prévus par la ·'loi
(7 mars 1913, Abbé Lhuillier, Rec.
323; S.
1914.3.17, riote
Hauriou).
D'autres font allusion à l'atteinte portée à un intérêt
public (Sœurs hospitalières de l'Hôtel-Dieu,de Paris, précité; 28 déc.
1917, Dadolle, Rec.
883), ou parlent de la « paralysie
du fonctionnement d'œuvres sociales» (17 juill.
1936, Mouve
ment social français des Croix de feu, précité), du « trouble
irréparable» apporté au fonctionnement d'une clinique mutua
liste (13 mai 1949, Roùssel; Rec.
221).
Les décisions de ,sursis
rendues sur les recours pécuniaires des collectivités publiques
font état de la « perte définitive» de sommes d'argent (v.
les
décisions citées à !',alinéa précédent).
La décision Chambre
syndicale des constructeurs de.
moteurs d'avions déclare que
l'application de la décision attaquée aurait pour conséquence
l'institution d'un état de fait qui entraînerait des « changements
importants» _dans le fonctionnement d'une branche d'industrie
et qµ'il serait « pratiquement très difficile de modifier de
nouveau» en cas d'annulation ultérieure.
Deux autres arrêts
(27 juin 1930, Fenaille, Rec.
668, et 27 déc.
1938, François
Richepin, Rec.
985) font état de modifications apportées à l'état
des lieux, qui seraient « de nature à nuire gravement à.
la ·
conservation du site�> , il s'agissait dans l'affaire Fenaille de
sauver le site parisien constitué par l'avenue Gabriel et les
jardins y attenant et qui était menacé par l'autorisation accor
dée par l'administration d'y construire un immeuble et d'y
détruire des arbres centenaires, et dans l'affaire François Riche
pin, de protéger le site de l'île Tristan contre des travaux
d'agrandissement du port de Douarnenez.
On peut dégager de ces formules disparates les conclusions
suivantes : le préjudice résultant de l'exécution de la décision
attaquée n'est pas nécessairement, contrairement à ce que l'on a
cru parfois, un intérê� général, public, collectif ou social : il
peut être le simple intérêt particulfer du·· requérant, tel que
l'atteinte à la liberté résultant de l'expulsion ou de l'extradition
d'un étranger (24 janv.
1908, Solari, Rec.
85; � 3· févr.
1956,
·Petalas, Rec.
44; J.
C.
P.
1956.II.9184, note Vitu; - 18 juin
1976, Mf>ussa Konaté, Rec.
321, concl.
Genevois; D.
1977.38,
,._
1
note Pacteau: A.
J.
1_976.582);.
si l'acte attaqué porte atteinte,
plus ou moins directement, à un intérêt de caractère général, la
gravité requise est moins importante, et son importance varie
en fait av�c celle de l'intérêt général en jeu;· par exemple, le
Conseil d'Etat a ordonné le sursis à• l'exécution d'un décret de
dissolution d'un conseil ' ip.unicipal, qui �nstitue une atteinte
aux libertés locales -(C.E.
23 déç.
1976, Per.rault et autres,
Rec.
577; A.
J.
1977.132, chr.
Nauwelaers et Fabius).
' L'ensemble de cette jurisprudence a été codifié, et sur certains points modifié, par l'article 54 du décret n° 63-766 du '
30 juillet 1963 relatif à l'organisation et au fonctionnement du
Conseil d'État.
Aux termes de ce texte, « le sursis peut être
ordonné...
si l'exécution de la décision attaquée risque d'entraî-'
ner des conséquences difficilement réparables, et....
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- RESPONSABILITÉ- RISQUE C. E. 3 juin 1938, SOCIÉTÉ « LA CARTONNERIE ET IMPRIMERIE SAINT-CHARLES» Rec. 521, concl. Dayras (D. 1938.3.65, note Appleton; S. 1939.3.9, concl. Dayras; R. D. P. 1938.375, note Jèze; Dr. Soc. 1938.241, concl. Dayras)
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