POUVOIRS DE GUERRE ET CIRCONSTANCES EXCEPTIONNELLES C. E. 28 févr. 1919, Dames DOL et LAURENT, Rec. 208 (S. 1918-1919.3.33, note Hauriou; R. D. P. 1919.338, note Jèze)
Publié le 22/09/2011
Extrait du document
Cons. que, par ses arrêtés en date des 9 avril, 13 mai et 24 juin 1916, le préfet maritime gouverneur du camp retranché de Toulon a interdit, d'une part, à tous propriétaires de cafés, bars et débits de boissons, de servir à boire à des filles tant isolées qu'accompagnées et de les recevoir dans leurs établissements; d'autre part, à toute fille isolée de racoler en dehors du quartier réservé, et à toute femme ou fille de tenir un débit de boissons ou d'y être employée à un titre quelconque; qu'il a prévu comme sanctions à ces arrêtés le dépôt au « violon « des filles par voie disciplinaire ainsi que leur expulsion du camp retranché de Toulon en cas de récidive et la fermeture au public des établissements où seraient constatées des infractions auxdits arrêtés;
«
Cons.
que les limites des pouvoirs de police dont l'autorité publique
dispose pour le maintien de l'ordre et de la sécurité, tant en vertu de la législation municipale que de la loi du 9 août 1849, ne sauraient être les
mêmes dans le temps de paix et pendant la période de guerre où les
intérêts de la défense nationale donnent au principe de l'ordre public une
extension plus grande et exigent pour la sécurité publique des mesures
plus rigoureuses; qu'il appartient au juge, sous le contrôle duquel s'exer
cent ces pouvoirs de police, de tenir compte, dans son appréciation, des ·nécessités provenant de l'état de guerre, selon les circonstances de temps
et de lieu, la catégorie des individus visés et la nature des périls qu'il
importe de prévenir;
Cons.
qu'au cours de l'année 1916 les conditions dans lesquelles les
agissements des filles publiques se sont multipliés à Toulon ont, à raison tant de la situation militaire de cette place forte que du passage
des troupes à destination ou en provenance de l'Orient, présenté un
caractère particulier de gravité, dont l'autorité publique avait le devoir
de se préoccuper au point de vue tout à la fois du maintien de l'ordre,
de l'hygiène et de la salubrité, et aussi de la nécessité de prévenir le danger que présentaient pour la défense nationale la fréquentation d'un
personnel suspect et les divulgations qui pouvaient en résulter; qu'il est
apparu que les mesures faisant l'objet du présent pourvoi s'imposaient
pour sauvegarder d'une manière efficace tout
à la fois la troupe et
l'intérêt national;
Cons.
que si, dans
ce but, certaines restrictions ont dû être apportées à la liberté individuelle, en ce qui concerne les filles, et à la liberté du
commerce, en ce qui concerne les débitants qui les reçoivent, ces
restrictions, dans les termes où elles sont formulées, n'excèdent pas la
limite de celles que, dans les circonstances susrelatées, il appartenait au
préfet maritime de prescrire; qu'ainsi, en les édictant, le préfet maritime
a fait un usage légitime des pouvoirs à lui conférés par la loi; ...
(Rejet).
OBSERVATIONS
A Toulon, en 1916, la galanterie vénale sévissait avec une
ampleur inquiétante.
Les militaires qui partaient pour le front
d'Orient ou qui en revenaient devaient être protégés contre la
tentation d'acheter des plaisirs qui risquaient non seulement
d'avoir des conséquences fâcheuses pour leur santé, mais
encore de
les transformer, par la.
voie des confidences d'alcôve,
en agents inconscients de l'espionnage ennemi.
C'est pourquoi
le préfet maritime de Toulon décida d'interdire aux débitants
de boissons de servir à boire à des filles publiques et de les recevoir dans leurs locaux, sous peine de fermeture de leurs
éLablissements, et aux filles elles-mêmes de racoler en dehors du
quartier réservé et de tenir un débit de boissons, sous peine
d'internement ou d'expulsion du camp retranché.
L'arrêté pré
fectoral fut déféré au Conseil d'État par deux personnes
« se
disant filles galaqtes ».
Le Conseil d'Etat avait déjà eu l'occasion de connaître de
l'application de la loi du 8 août 1849 sur l'état de siège à.
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Liens utiles
- RESPONSABILITÉ FAUTE PERSONNELLE ET FAUTE DE SERVICE C. E. 26 juill. 1918, EPOUX LEMONNIER, Rec. 761, concl. Blum (S. 1918-1919.3.41, concl. Blum, note Hauriou; D. 1918.3.9, concl. Blum; R. D. P. 1919.41, concl. Blum, note Jèze)
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