POLICE - LIBERTÉ DE RÉUNION: C. E. 19 mai 1933, BENJAMIN, Rec. 541 (S. 1934.3.1, concl. Michel, note Mestre; D. 1933.3.354, concl. Michel)
Publié le 03/10/2011
Extrait du document
Cons. que les requêtes susvisées, dirigées contre deux arrêtés du
maire de Nevers interdisant deux conférences, présentent à juger les
mêmes questions; qu'il y a lieu de les joindre pour y être statué par une
seule décision;
En ce qui concerne l'intervention de la Société des gens de lettres : -
Cons. que la Société des gens de lettres a intérêt à l'annulation des
arrêtés attaqués; que dès lors son intervention est recevable;
Sur la légalité des décisions attaquées; - Cons. que s'il incombe au
maire, en vertu de l'art. 97 de la loi du 5 avr. 1884, de prendre les
mesures qu'exige le maintien de l'ordre, il doit concilier l'exercice de ses
pouvoirs avec le respect de la liberté de réunion garantie par les lois du
30 juin 1881 et du 20 mars 1907;
«
seurs de l'école publique, les syndicats, les groupements de
gauche.
Le maire de Nevers prit, à la suite de cette campagne, un arrêté interdisant la conférence de René Benjamin.
Le syndicat d'initiative fit alors paraître dans la presse un commu
niqué annonçant la substitution à la conférence publique d'une
conférence privée.
L~ maire l'interdit encore.
René Benjamin
déféra au Conseil d'Etat les deux arrêtés d'interdiction, invo
quant à la fois la violation des lois du 30 juin 1881 et du 28 mars 1907 sur la liberté de réunion, et le détournement de
pouvoir.
L'examen du premier moyen supposait que fût préalablement
définie la
«réunion publique».
Le commissaire du gouverne
ment Michel la distingua de la manifestation, de l'association,
de la conférence et du spectacle, et la définit comme
« un
groupement momentané de personnes formé en vue d'entendre
l'exposé d'idées ou d'opinions, ou de se concerter
pour la
défense d'idées ou d'intérêts».
Il n'était dès lors pas douteux
que la conférence littéraire de René Benjamin fût juridiquement
une réunion publique, qu'elle fût ou non déguisée sous le nom
de conférence privée.
Or, la liberté de réunion était l'une des mieux garanties par la loi : la loi du 30 juin 1881 se bornait à exiger des
organisateurs une simple déclaration, et la loi du 28 mars 1907 avait même supprimé cette exigence.
Le législateur a donc
expressément exclu toute mesure de police préventive qui
pût être de nature à entraver la liberté de réunion.
Il faut cepen
dant concilier le respect des textes garantissant la liberté de
réunion avec le devoir qui incombe à l'autorité municipale, en
vertu de l'art.
97 de la loi du 5 avr.
1884, de maintenir l'ordre
public.
Il en résulte que si l'autorité municipale ne dispose
véritablement, pour assurer le maintien de l'ordre, d'aucun
autre moyen efficace que l'interdiction préventive, celle-ci sera
licite, mais il faudra que la menace pour l'ordre public soit
exceptionnellement grave, et que le maire ne dispose pas des
forces de police nécessaires pour permettre à la réunion de se
tenir tout en assurant
le maintien de l'ordre.
Or, en l'espèce, le maire aurait pu, en faisant appel à la
gendarmerie et à la garde mobile, éviter tout désordre, tout en
laissant René Benjamin donner sa conférence.
C'est pourquoi
le Conseil d'État annula les décisions attaquées, réservant la
question que soulevait le requérant en arguant du détournement
d~ pouvoir et en soutenant que le maire avait été plus inspiré par le désir de satisfaire ses all)iS politiques que par celui de
maintenir l'ordre.
Le Conseil d'Etat a ensuite jugé que le maire
avait commis une faute lourde en interdisant la réunion et que
sa décision engageait la responsabilité de la ville
(3 avr.
1936,
Syndicat d'initiative de Nevers et Benjamin, Rec.
453; S.
1936.III.l08, concl.
Detton)..
»
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