Place et rôle du conseil constitutionnel dans les Institutions de la Ve République
Publié le 03/09/2012
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Dans l’ordre interne, la Constitution est donc la norme suprême (CE 1998 Sarran et Levacher, CC, 19 novembre 2004, Traité établissant une Constitution pour l'Europe). Pourtant, dans les contentieux, cette suprématie est presque dépourvue de juge et donc de sanction. Dès lors, il y a pour le justiciable une incitation à se tourner non plus vers la Constitution, mais vers la norme internationale (communautaire ou européenne). Ce développement du contrôle de conventionnalité a fait de la Cour de Luxembourg, et plus encore de celle de Strasbourg, l’arbitre de ces contentieux. « Il n’est pas sain que le contrôle de conventionnalité, et donc les traités, prenne dans l’ordre interne plus de place que le contrôle de constitutionnalité et donc que notre Constitution. « JL Debré 2- Néanmoins, l'introduction de la question prioritaire de constitutionnalité lors de la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 redonne au Conseil constitutionnel une place essentielle en créant une proximité inédite entre les justiciables et la norme suprême. Longtemps proposé et envisagé, en 1989 par Robert Badinter et par le Comité Vedel en 1993, le contrôle de constitutionnalité par voie d'exception a finalement vu le jour lors de la dernière révision constitutionnelle du 23 juillet 2008. L'article 61-1 dispose que « lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé «. L'objet ici n'est pas de rappeler dans le détail la procédure décrite dans la LO du 10 décembre 2009 et précisée par la décision du Conseil constitutionnel du 3 décembre 2009 : on peut cependant rappeler le principe de la saisine indirecte, à l'occasion d'un litige devant un juge ordinaire, et un double filtrage par soit le CE soit la Cour de cassation (la question ne doit pas être dépourvue de caractère sérieux, la disposition législative en cause est applicable à l'affaire et elle n'a pas été déjà déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et dispositif d'une décision du CC) pour éviter l'encombrement du Conseil et éviter les recours dilatoires.
«
Largement ouvertes aux électeurs, les saisines du Conseil en matière électorale ont vu leur nombre considérablement augmenter à la suite du vote de la législationorganisant et contrôlant le financement des dépenses électorales dont le Conseil est juge pour les candidats aux élections législatives et présidentielles (en appel).• Mission consultative
− Rend des avis pour constater certaines situations
Le Conseil constitutionnel émet un avis lorsqu'il est consulté officiellement par le Chef de l'État sur la mise en œuvre de l'article 16 de la Constitution etultérieurement sur les décisions prises dans ce cadre.
Il vérifie si les conditions de mise en œuvre sont toujours réunies soit à la demande d'un président d'assembléeou 60 députés ou 60 sénateurs au bout de 30 jours, soit de plein droit au bout de 60 jours et au-delà à tout moment.
Ces dispositions ont été modifiées par la révisiondu 23/07/2008.Par ailleurs, le gouvernement consulte le Conseil sur les textes relatifs à l'organisation du scrutin pour l'élection du Président de la République et le référendum.
Leslois organiques et les règlements intérieurs des assemblées sont également soumis au contrôle de conformité du Conseil.
B/ Au début des années 1970, des évolutions, jurisprudentielles et constitutionnelles, transforment profondément le Conseil constitutionnel et déplacent le barycentrede l'équilibre institutionnel français
1- Des infléchissements jurisprudentiels et constitutionnels majeurs constituent un tournant institutionnel, au début des années 1970, tant ils altèrent la physionomieet l'influence du Conseil constitutionnel.
Si l'action du Conseil dans les années 1960 n'est pas négligeable (il commence à accorder au Parlement le pouvoir de légiférer au-delà du domaine délimité parl'énoncé de l'article 34), force est de constater que le législateur constitutionnel l'a placé dans une position de faiblesse : simple régulateur de l'activité des pouvoirspublics, sur saisine limitée.La décision du 16 juillet 1971 sur la liberté d'association est donc fondatrice en ce qu'elle rompt avec la tradition historique du droit français, et en particulier lasouveraineté de la loi.
Suite à l'annulation par le TA de Paris de la décision de refus du Préfet de police de Paris de délivrer, comme il aurait dû, au fondateur del'Association « les Amis de la Cause du peuple » un récépissé de la déclaration des statuts, le gouvernement fait adopter une loi modifiant la loi de 1901 permettantun contrôle a priori des associations par l'autorité judiciaire sur initiative du Préfet.
Alain Poher, Président du Sénat, défère cette loi au Conseil constitutionnel devantl'émoi provoqué parmi les sénateurs.
Le Conseil se réfère, pour la première fois dans l'exercice de son contrôle, au Préambule de la Constitution de 1958, et ipsofacto à la Déclaration de 1789 et au Préambule de 1946.
Ce raisonnement n'est pas inédit : le CE l'avait fait en 1956 dans une décision du 11 juillet (Amicale desAnnamites de Paris), mais désormais le principe a valeur constitutionnelle.
Dans la mesure où le principe de liberté d'association n'est pas consacré dans le corps même de la Constitution, le Conseil était contraint de rechercher ailleurs, dansle Préambule, les fondements textuels de sa décision.
Il intègre donc le Préambule, et par ricochet les textes mentionnés en son sein, au « bloc de constitutionnalité »pour utiliser une expression de Claude Emeri (RDP, 1970) et popularisée par le Doyen Favoreu.
Cette décision pose l'acte de naissance du Conseil constitutionnelmoderne exerçant un contrôle interne (portant sur le contenu même de la loi), a priori, abstrait.
C'est un saut qualitatif important (voir ci-dessous les différentsexemples).
Le CC change de rôle et ainsi s'exprime Jean Rivero dans l'AJDA la même année : « Quelle majorité se réclamant de la tradition libérale oserait, après ce coupd'éclat, supprimer une institution dont l'efficacité pour la défense des droits de l'homme vient de s'affirmer ? ».
Les normes de référence du contrôle comportent désormais un catalogue des droits et libertés fondamentaux : celui issu de la Déclaration des droits de l'homme et ducitoyen de 1789 (droits dits "de la première génération"), ainsi que celui issu du Préambule de la Constitution de la IVème République, adoptée en 1946 (droits dits"de la seconde génération").En s'appuyant, de façon jugée souvent prétorienne sur les termes de la Déclaration de 1789 ou sur ceux du Préambule de la Constitution de 1946, le Conseilconstitutionnel a été conduit, dès 1971, à dégager des principes "particulièrement nécessaires à notre temps" (protection de la santé), des objectifs à valeurconstitutionnelle (pluralisme des courants d'expression, continuité du service public, maintien de l'ordre public), des "principes fondamentaux reconnus par les lois dela République" (liberté d'association, droits de la défense, liberté de conscience), et plus généralement, à reconnaître la valeur constitutionnelle de diversescomposantes de la liberté individuelle (mariage, intégrité de la personne humaine, protection de la vie privée, dignité de la personne humaine), complétant etmodernisant ainsi la panoplie des droits et libertés énoncés par des textes antérieurs.
Secondement, cette inflexion prétorienne majeure – que rien n'empêchait au regard des textes ! - a été amplifiée par les effets de la révision constitutionnelle du 29octobre 1974 à l'initiative du Président Giscard d'Estaing qui modifie l'article 61 de la Constitution et ouvre le droit de saisine du Conseil à 60 députés ou 60sénateurs.
Cette modification permet donc à une minorité parlementaire de porter une loi devant le Conseil.A noter en outre que le projet de révision initial comportait une seconde disposition : la faculté pour le Conseil de se saisir lui-même « des lois qui lui paraîtraientporter atteinte aux libertés publiques garanties par la Constitution ».
Ce fut rejeté par l'opposition et la majorité – la peur de voir le Conseil se transformer en unesorte d'organe-tuteur du Parlement prévalant toujours.
Ces deux évolutions essentielles se traduisent quantitativement et qualitativement.Quantitativement d'abord : si, de 1958 à 1974, seules neuf lois ordinaires avaient été déférées au Conseil constitutionnel, de 1974 à 1989, pendant une même durée(25 ans), ce sont 166 lois qui ont été soumises à l'examen du Conseil constitutionnel.
Presque vingt fois plus.Qualitativement : désormais, toutes les branches du droit sont affectées par la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
On a ainsi pu parler d'une« constitutionnalisation généralisée des différentes branches du droit » (Favoreu).
Par ailleurs, le débat parlementaire se trouve prolongé du fait de la saisine, ce quichange nécessairement la donne politique.
2- Régulateur du processus législatif et acteur de la régulation du jeu démocratique, le Conseil constitutionnel est devenu une institution suprême, clef de voûte dusystème institutionnel.
Sous l'effet de la jurisprudence Liberté d'association, de la dynamique de la réforme de 1974 et de la transformation de la vie politique française inscrivant sonrythme dans une logique d'alternance à partir de 1981, le Conseil est devenu une institution majeure placée dans une position suprême, clef de voûte du systèmepolitico-institutionnel.
D'une part, c'est un organe essentiel du processus de fabrication des lois.
La volonté du législateur n'est plus sans bornes, mais elle est subordonnée au respect desprincipes constitutionnels.
Le Parlement se trouve donc soumis à un réseau de contraintes, issues de la jurisprudence constitutionnelle, suffisamment dense pour pesersur l'activité législative.
DC 16 janvier 1982 : « si l'art 34 place dans le domaine de la loi les nationalisations d'entreprises et les transferts d'entreprises du secteur public au secteur privé,cette disposition ne saurait dispenser le législateur, dans l'exercice de sa compétence, du respect des principes et des règles de valeur constitutionnelle qui s'imposentà tous les organes de l'Etat » + sur le recours à l'erreur manifeste : « l'appréciation portée par le législateur sur la nécessité des nationalisations décidées par la loisoumise à l'examen du Conseil ne saurait, en l'absence d'erreur manifeste, être récusée par celui-ci ».
Ce pouvoir du Conseil peut être qualifié de « pouvoir d'amendement irréfragable » (Dominique Rousseau) en ce qu'il peut supprimer des dispositions législatives,déclarer certaines dépourvues de portée normative, définir des interprétations ; et que ces amendements ne peuvent pas être contestés, ignorés, dans la mesure où.
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