Le juge administratif et les normes internationales
Publié le 20/04/2012
Extrait du document
«
L'article 55 de la constitution dispose qu'un traité, une fois régulièrement approuvé, ratifié, et
réciproquement appliqué par les parties au traité, a une valeur normative supérieure à celle de la loi
internet votée par le parlement.
On peut alors facilement imaginer qu'il reviendrait au conseil
constitutionnel d'assurer cette hiérarchie.
Il n'en est rien.
En effet dans son arrêt CC 74-54 DC
interruption volontaire de grossesse du 15 janvier 1975 le conseil constitutionnel affirme qu'il n'est
pas juge de conventionalité.
Dans cet arrêt le conseil considère en effet, étrangement au regard de
l'article 55, qu'une loi contraire à un traité n'est pas forcément contraire à la constitution.
Le conseil
constitutionnel refusant de faire ce contrôle, il revient aux juridictions ordinaires de faire un tel
contrôle.
Si la cour de cassation s'est vite pliée à cela avec son célèbre arrêt Jacques Vabres ou elle
reconnait la supériorité des traités sur les lois, l'ordre administratif a été beaucoup plus réticent.
En
effet la date charnière est la date à laquelle a été rendu l'arrêt Nicolo, le 20 octobre 1989.
Avant cet arrêt, le conseil d'état a mis en place des palliatifs pour éviter de faire ce contrôle.
En effet,
il a d'abord refusé d'interpréter les traités et il renvoyait au ministre des affaires étrangères le soin
d'apporter du sens à une disposition d'un traité.
Le conseil justifiait cela en arguant ne pas vouloir
s'immiscer dans les affaires étrangères de la France.
Mais assez vite, on s'est rendu compte qu'un
procès ou l'état était juge et partie contrevenait à l'article 6 de la CEDH.
Le conseil d'état utilisait
aussi la théorie de l'acte clair, théorie selon laquelle le juge disait ne pas avoir besoin d'aide à
l'interprétation.
Le conseil d'état a aussi utilisé les principes de règlements des conflits de normes dans le temps.
Par
cette technique le juge administratif a fait passer le traité au dessus de la loi national, non pas au
sens de la hiérarchie des normes, mais en revenant au principe de lex posterior derogat priori.
Dans
un cas ou la loi nationale est postérieure au traité il revenait au principe de la loi général ne
l'emporte pas sur la règle spéciale.
Ainsi le juge administratif a évité d'établir une hiérarchie : il arrivait bonnant malant à placer les
traités au dessus.
Le conseil d'état a donc refusé de voir la vérité de l'article 55.
Dans son arrêt Conseil d'Etat, sect.
1er
mars 1968, Syndicat nationale de fabriquant des semoules de France, le juge administratif a refusé
d'écarter une loi pour contrariété à une disposition européenne.
Il argumente tout d'abord qui est le
serviteur de la loi et non son juge et il considère ensuite qu'il n'a pas à faire le contrôle de
constitutionnalité, or la contrariété d'une loi à une disposition européenne viole l'article 55, ce qui
est une violation de la constitution.
Et c'est jusqu'en 1989 que le Conseil d'Etat va persister contre le conseil constitutionnel, contre la
cour de cassation et contre la CJCE qui affirme que les juridictions ordinaires doivent appliquer le
droit communautaire (CJCE, 9 mars 1978, société anonyme Simmental).
Le revirement a lieu le 20 octobre 1989 (Conseil d'état Ass., 20 octobre 1989, Nicolo) dans le célèbre
arrêt Nicolo.
Dans cet arrêt le juge administratif reconnait sa compétence de contrôle de conformité
de la loi aux traités.
Mais il est intéressant de noter qu'il ne s'agit pas la d'un arrêt de principe et c'est
l'arrêt rendu par le Conseil d'Etat 16 ans plus tard, Conseil d'Etat, 5 janvier 2005, Deprez et Bayard,
dans lequel le juge administratif s'incline devant l'article 55.
Il convient de rappeler, que même si le
Conseil d'Etat a enfin céder, le contrôle qu'il opère est plus un contrôle de compatibilité, plus qu'un
contrôle de conformité.
Peut être convient il de rappeler que la supériorité du droit originaire sur les actes administratifs a
tout de suite été affirmé dans l'arrêt du Conseil d'Etat du 30 mai 1952, l'arrêt Kirkwood.
Si la question de la hiérarchie entre loi et traité a enfin été tranchée par le juge administratif, celui-ci
est beaucoup plus réticent à prendre parti quant au conflit constitution / traité, entre les deux
sources supra législatives, au sommet de la hiérarchie..
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