Le juge administratif et le droit de l'union européenne
Publié le 08/03/2023
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Le juge administratif et le droit de l’Union européenne
Le dualisme juridictionnel, très particulier au système français, voit
deux ordres de juridiction, avec un juge judiciaire et un juge administratif.
Ce dernier ayant toujours eu une réticence à l’égard du droit de l’Union
européenne, un droit « venu d’ailleurs », selon l’expression du doyen Jean
Carbonnier, qui désigne le système juridique issu de l’organisation
politique de l’union européenne.
En effet, par définition, le droit de l’Union Européenne constitue, selon
l’expression de la Cour de Justice de l’Union Européenne, un ordre
juridique à part entière qui s’intègre aux ordres juridiques nationaux des
États membres.
Contrairement au droit interne et international, le droit de
l’Union Européenne est un ordre juridique spécifique.
Le juge administratif, quant à lui, est chargé de connaître des litiges
opposant les particuliers à l’administration et des litiges opposant les
administrations entre-elles.
Il s’agit là de sa compétence à l’échelle
nationale puisque le juge administratif a également un devoir d’insertion
du droit de l’Union Européenne dans le droit interne, mais cette fonction
est considérablement gouvernée par le droit de l’Union européenne.
Jusqu’en 1946, les règles de droit international devaient être respectées
par l’État.
En revanche, les règles de droit international ne s’appliquaient
pas directement aux autorités administratives autres que l’État.
Avec la
Constitution de 1946, cela change.
Les article 26 à 28 de cette
Constitution de 1946 ont prévu que les accords internationaux et les
traités, régulièrement introduits dans l’ordre juridique interne, ont « force
de loi ».
Depuis, les règles de droit international sont devenues une source
de droit administratif.
La Constitution de 1958 réserve une place
particulière aux traités signés par le France
De nos jours, le droit de l’Union Européenne influence alors désormais des
secteurs de plus en plus diversifiés des législations des états-membres.
Cette influence qu’opère l’Union Européenne sur ces différents secteurs
qui concernent la législation des états-membres qui la composent se
réalise alors par l’intermédiaire du juge administratif.
Ce qui nous intéresse alors tout particulièrement dans ce sujet est
l’influence d’un droit supranationale, le droit de l’Union européenne, sur
un droit national et notamment sur le juge administratif.
Nous devons alors naturellement nous demander si le droit de l’Union
européenne remet-t-il en cause le rôle du juge administratif ?
A partir de ce point nous serons amenés en amont à tout d’abord se
pencher sur la primauté du droit européen sur le droit interne (I.), avant
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de voir en aval l’application par le juge administratif du droit de l’Union
européenne (II.).
I.
La primauté du droit européen sur le droit interne
En nous penchant sur la hiérarchie des normes représentée par la bien
connue pyramide de Kelsen, nous pouvons affirmer que le droit
international possède une autorité supérieure à celle des lois internes (A.),
cependant cette primauté présenta alors des difficultés à être contrôlée
(B.).
A.
Un droit international ayant une autorité supérieure à celle des
lois
Dans un but de cohésion et d’unification des états internationaux la
constitution de 1958 atteste de la supériorité des normes internationales.
En effet, l’article 55 de la Constitution de 1958 dispose que « Les traités
ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication,
une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord
ou traité, de son application par l'autre partie ».
A cet article nous pouvons alors aisément relever de la supériorité des
traités et accords sur les lois, de plus, ce principe ayant valeur
constitutionnel le juge ne peut s’y déroger et placer le droit national audessus des normes européennes, il devra alors toujours placer la norme
supranationale au-dessus du droit interne.
Mais en plus de poser ce principe pour les juges de droit interne, cette
supériorité du droit internationale est également importante pour le
justiciable.
En effet, dans l’arrêt Van Gend Loos du 5 février 1963, la Cour
de Justice de l’Union Européenne énonce que toute personne peut
invoquer directement des normes communautaires devant les juridictions
nationales et européennes.
Les dispositions de l’Union Européenne
permettent alors aux particuliers de bénéficier de droits et obligations
qu’ils vont ensuite pouvoir faire valoir devant leur juridiction nationale.
En
invoquant devant leurs juges nationaux les règles d’effet direct, les
particuliers auront la possibilité de former des recours pour éliminer des
normes contraires mis en place par leur Etat.
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On remarque alors une supériorité indéniable du droit européen sur le
droit interne à laquelle le juge administratif devra se plier et respecter
tous les traités au profit des lois françaises, de plus, cette primauté sera
confirmée par l’arrêt Niccolo, rendu 20 octobre 1989 par le Conseil d’état,
dans lequel le juge administratif français a accepté de contrôler la
compatibilité d'une loi, même postérieure, avec les stipulations d'un traité,
en application de l'article 55 de la Constitution.
Cette jurisprudence
concerne alors l’ensemble du droit international.
Cette primauté du droit internationale alors à priori indéniable vis-àvis de la constitution et de la jurisprudence européenne ainsi que
française, cette dernière fût tout d’abord longtemps contesté par le
Conseil constitutionnel.
B.
Un contrôle de la primauté du droit de l’Union européenne
difficile à exercer
La question de l’examen de la conformité des lois aux traités s’est
posée devant le Conseil constitutionnel lorsque ce dernier a été saisi en
1975 à propos de la loi autorisant l’IVG.
À l’occasion de cette saisine, le
Conseil constitutionnel était invité à examiner la conformité de la loi par
rapport à la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme
ratifiée par la France.
Le Conseil constitutionnel s’est prononcé dans une
décision IVG du 15 janvier 1975.
Dans cette décision, le Conseil
constitutionnel précise qu’il n’entre pas dans sa compétence de contrôler
la conformité de la loi par rapport aux engagements internationaux de la
France.
Il affirme qu’« une loi contraire à un traité ne serait pas pour
autant contraire à la Constitution ».
Il ajoute qu’« il ne lui appartient pas
d’examiner la conformité d’une loi aux stipulations d’un traité ou d’un
accord international ».
Le Conseil est alors catégorique sur le fait qu’une loi peut être contraire à
un traité mais sans pour autant l’être par rapport à la constitution.
Mais
sachant que la constitution est supérieure aux traités internationaux dans
la hiérarchie des normes alors une loi conforme à la constitution devrait
rester en vigueur même si elle est contraire à un traité.
Le Conseil constitutionnel argumente alors sa décision avec une précision
importante, lorsque le Conseil constitutionnel déclare une loi contraire à la
constitution, la décision que rend le Conseil constitutionnel est une
décision définitive et absolue.
Or, si cela ne pose pas de difficulté de
rendre des décisions définitives lorsqu’il s’agit d’examiner la conformité
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des lois par rapport à la Constitution dans le sens où cette dernière est
stable, en revanche, on ne retrouve pas la même stabilité s’agissant des
traités et accords internationaux.
Les traités et accords internationaux
auraient donc alors une moins grande stabilité que les textes internes.
La décision du Conseil constitutionnel de janvier 1975 a alors été
interprétée comme étant une invitation faite à la fois au juge judicaire et
au juge administratif de se saisir de ce problème....
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