Le déclin du principe de légalité
Publié le 14/11/2022
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«
LE DÉCLIN DU PRINCIPE DE
LÉGALITÉ
« Nullum crimen sine lege, nulla poena sine lege », en français, pas de crimes, pas de
peines sans loi.
Le droit pénal moderne, tel que l'a pensé la Déclaration de 1789 par ses articles
7 et 8 inspirée par la philosophie pénale de Beccaria, est un droit pénal qui croit en l’homme.
Ce
principe est la règle cardinale, la clef de voûte du droit pénal, un tel principe ne peut se
développer que dans un État de droit qui connaît au surplus le principe de la séparation des
pouvoirs.
Ce principe est aujourd’hui réaf rmé par le Code Pénal à son article 111-3 « Nul ne
peut être puni pour un crime ou pour un délit dont les éléments ne sont pas dé nis par la loi ou
pour une contravention dont les éléments ne sont pas dé nis par le règlement ».
Ce principe a
donc valeur législative, constitutionnelle mais aussi supra nationale car il est af rmé par des
traités internationaux, dont l’article 7.1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme.
Ce principe de légalité est justi é tout d’abord par un élément psychologique, la loi doit avoir
un effet préventif, ensuite d’un élément politique, elle doit pouvoir s’opposer à l’arbitraire qui
trouve sa dé nition la plus complète dans les articles 5, 7 et 8 de la Déclaration de 1789 et en n
d’un élément institutionnel où ici on accorde au pouvoir législatif une compétence exclusive
pour dé nir les infractions.
En vertu de l’article 111-3 du Code Pénal, ce principe de légalité doit s’étendre à dé nir les
infractions, des sanctions mais aussi des mesures de sûretés, ces derniers doivent être dé nis
par la loi et les contraventions par les règlements.
Ce principe impose un caractère de clarté et
de précision et de prévisibilité dans la dé nition des incriminations, ces exigences sont
renforcées par la Cour Européenne des Droits de l’Homme dans un arrêt du 10 octobre 2006
nommé Pessino contre France.
Ce principe emporte quatre conséquences, qu’il n’y a ni infraction, ni peine sans texte légal,
ensuite qu’il doit avoir une interprétation stricte de la loi pénale et de la territorialité de cette loi,
et en n la non rétroactivité de celle-ci.
Au sens strict du principe de la légalité, la loi est l’unique source de droit pénal, cependant
aujourd’hui ce principe est dérogé par l’acceptation d’autres sources au droit pénal.
Le principe
de textualité peut-être maintenue mais la question d’un déclin du principe de légalité peut être
posé.
Malgré son importance pour la préservation des libertés et en dépit de nombreuses
consécrations dont il a fait l’objet le principe de légalité est en déclin tant du point de vue
politique que sur le plan juridique.
Une place de plus en plus large à d’autres sources de la loi pénale suf t-elle réellement à
mettre en cause le principe de la légalité.
Ainsi nous étudierons dans une première partie la réalité du déclin du principe de la
légalité pénale en tant que source de droit pénal français (I), a n, par la suite, de comprendre
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que ce déclin n’est pas systématiquement synonyme in ne d’un effacement de cette source (II).
I.
Un incontestable déclin du principe de légalité pénale face à de nouvelles
sources du droit pénal
A.
Un affaiblissement du principe de légalité du point de vue politique : les
sources écrites supérieures à la loi
• Pour les philosophes du xvième siècle, le principe de légalité se traduisait par une
double nécessité.
Nécessité d'un texte car il fallait, pour en nir avec l'arbitraire des
juges de l'ancien régime et l'incertitude des règles coutumières, que les règles
pénales soient écrites.
Nécessité d'un texte de loi car seule la loi, qui est l'expression
de la volonté générale, peut limiter la liberté des citoyens.
• Le terme de loi était évidemment pris au sens formel d'acte voté par les
représentants du peuple au sein du Parlement.
La Constitution du 27 octobre 1946
respectait parfaitement cette exigence de légalité formelle puisqu'elle interdisait,
dans son article 13, le recours aux décrets lois.
• Mais depuis la Constitution du 4 octobre 1958, notre système juridique est passé de
l'exigence d'une légalité formelle a celle d'une simple légalité matérielle.
C'est la
que réside le déclin politique du principe de légalité.
L'infraction suppose toujours
l'existence d'un texte, mais il ne s'agit pas toujours d'un texte de loi.
• À vrai dire, la solution a été d'une gestation lente et dif cile en raison d'une querelle
d'interprétation des articles 34 et 37 de la Constitution de 1958.
On sait que l'article
34 énumère, limitativement, les matières qui sont du domaine de la loi.
Or.
dans
cette énumération gure seulement « la détermination des crimes et des délits ainsi
que les peines qui leur sont applicables ».
Rien n'est dit des contraventions.
• Quant à l'article 37, il dispose que « les matières autres que celles qui sont du
domaine de la loi ont un caractère réglementaire».
Fallait-il en déduire la compétence
du règlement en matière de contraventions?
• La question n'était pas seulement théorique puisque sous l'empire de l'ancien Code
pénal, les contraventions étaient justiciables de peines d'amende de trente à douze
mille francs et de peines d'emprisonnement d'un jour à deux mois.
Pouvait-on
admettre que des peines privatives de liberté soient établies par décret?
• Dans l'arrêt Société Eky du 12 février 1960, le Conseil d'État af rma la compétence
du règlement en matière de contraventions, en retenant une interprétation littérale
des articles 34 et 37 de la Constitution.
• Dans sa décision du 23 novembre 1973, le Conseil constitutionnel tenta de limiter
cette compétence aux seules contraventions ne prévoyant pas «de mesures
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privatives de liberté ».
Mais, cette solution, pourtant raisonnable, n'eut aucun écho.
• Et, dans l'arrêt Schiavon, la chambre criminelle de la Cour de cassation adopta, en
1974, la position du Conseil d'État.
À titre exceptionnel, il est admis que le Parlement
puisse légiférer en matière de contraventions, mais c'est a la condition que le
pouvoir réglementaire, qui détient la compétence de principe en la matière, ne s'y
oppose pas (Cons.
const.
30 juill.
1982).
• Cette solution est dif cilement acceptable.
Comment admettre, dans un système
démocratique, qu'un ministre puisse, au mépris du principe de séparation des
pouvoirs, créer des infractions pénales et les assortir de peines privatives de liberté?
• À vrai dire, le Code pénal de 1994 a atténué les inconvénients de la solution en
supprimant les peines d'emprisonnement en matière de contraventions.
Reste que,
du point de vue théorique, la compétence de l'exécutif en matière pénale parait
singulièrement dépourvue de légitimité.
Elle est pourtant con rmée a l'article 111-2
du Code pénal.
Le déclin politique du principe légaliste est donc net.
• Il s'y ajoute un très regrettable déclin juridique.
B.
Un abaissement du principe de légalité du point de vue juridique : un
accroissement des imprécisions des textes
• En dépit de l’obligation, qui est faite au législateur de légiférer par des textes précis,
il arrive parfois que le législateur recoure à des expressions très vagues en
incriminant « toutes infractions aux dispositions » de telle ou telle loi, ou encore en
punissant « tout acte par lequel » l'agent aura obtenu tel ou tel résultat.
• Cette technique législative où la paresse le dispute à la recherche d'une ef cacité
accrue de l'incrimination n'est pas conforme au principe légaliste.
De ce point de
vue, le record est sans doute détenu par l'article 82 de l'ancien Code pénal qui
incriminait « tous les actes de nature à nuire à la défense nationale».
Ce texte a fort
heureusement été abrogé et il faut reconnaître que le Code pénal de 1994 s'est
efforcé de dé nir plus précisément les infractions.
• Mais cet effort n'a pas toujours été couronné de succès, et on note de regrettables
contre-exemples.
Ainsi, le harcèlement sexuel réprimé par l'article 222-33 du Code
pénal n'avait-il fait l'objet d'aucune dé nition.
• L'imprécision des textes répressifs atteint parfois aussi les sanctions.
La prévisibilité
de la loi pénale suppose que la peine puisse être déterminée, avant tout passage à
l'acte, avec la plus grande précision.
Or.
plusieurs facteurs se conjuguent en sens
contraire.
• D'une part, le maximum des peines d'amende est parfois très élevé.
A titre
d’exemple, l'escroquerie et l'abus de con ance sont punis d'une amende dont le
montant maximum est de 375000 € (C.
pén., art.
313-1, 314-1).
• D'autre part, la suppression des minima par le législateur de 1994 rend la
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détermination de la peine encore plus imprévisible.
• En n, il arrive que la peine soit déterminée de manière encore plus abstraite au
moyen d'amendes dites proportionnelles.
Ainsi, en matière de publicité
mensongère, l'amende maximale est-elle de la moitié du budget publicitaire engagé
par le délinquant.
De même, en matière de délit d'initiés, l'amende maximale peutelle s'élever au décuple du montant du pro t éventuellement réalisé dans
l'opération boursière.
• Autant de formules qui ne permettent pas, avant d'agir, d'avoir une perception
précise de la sanction pénale.
Faudra-t-il changer un jour le requiem du principe de
légalité ? Il ne faut pas l'espérer car la disparition du principe de légalité sonnerait le
glas de nos libertés.
II.
Une fonction législative rasant active : une atteinte au monopole du
législateur par le juge
A.
Une extension des pouvoirs du juge dans l'application des incriminations
et des peines
• La question du déclin du principe de légalité reste d’actualité pour plusieurs raison
• Affaiblissement plus net si l’auteur de la norme légale est en dessous du législateur.
• Le domaine contraventionnel est con é au pouvoir réglementaire : article 37 de la
Constitution.
• La....
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