L'applicabilite des normes internationales par le juge administratif
Publié le 14/11/2016
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L'applicabilité des normes internationales par le juge administratif L'importance grandissante des actes juridiques internationaux, de la jurisprudence des cours européennes, ainsi que les dispositions prévues par les différentes Constitutions dont la France s'est dotée au cours du XXe siècle, ont amené le juge administratif à reconnaitre le rôle conséquent joué par les normes internationales et à les prendre en compte dans ses décisions. C'est en effet la Constitution de 1946 qui introduit pour la première fois dans le droit interne l'idée que les traités internationaux \"ont force de loi\". Cette reconnaissance a cependant été progressive. Le juge administratif refusait ainsi à l'origine de s'émanciper de plusieurs autres organes publics sur ces questions. L'expression \"normes internationales\" peut être entendue ici largement. Elle renvoie à toutes les règles juridiques qui incluent un élément d'extranéité organique. Le juge administratif renvoie à la juridiction administrative en son ensemble, même si sur cette question, c'est le Conseil d'État qui a posé les principes fondamentaux. La notion d'applicabilité des normes internationales fait référence à la vocation pour ces normes à régir une situation juridique donnée, cette aptitude à gouverner cette situation restant à établir en cas de pluralité de rattachement possibles. Il s'agit donc ici d'étudier les critères utilisés par le juge administratif pour établir si une norme internationale est apte à être invoquée puis utilisée à l'appui d'un recours, et le cas échéant, la façon dont cette norme sera traitée par celui-ci. Avec l'accroissement du rôle des normes internationales, il devenait de plus en plus difficile pour le juge administratif d'y voir clair dans cet enchevêtrement complexe de normes souvent contradictoires. En effet, le juge administratif se trouve face à deux ordres juridiques à éventuellement devoir appliquer lors des litiges se présentant devant lui. Ainsi, savoir dans quelle mesure il pouvait appliquer ces normes supranationales lors des recours introduits devant lui, devenait une question urgente pour le juge administratif. Le rapport du juge administratif aux normes internationales sous la Ve République est différent de celui qu'ils entretenaient sous la IVe République, qui connaissait un légicentrisme important. Le rôle du juge administratif en la matière a été grandissant, alors qu'il partait de rien. Il convient alors d'entrevoir comment il s'est approprié cette question des normes internationales, d'étudier si les développements récents de la jurisprudence administrative ont remis en cause la place des normes internationales dans l'ordre juridique interne français, et de comprendre la façon dont le juge administratif a petit à petit procédé, à travers sa jurisprudence, pour intégrer et appliquer les normes internationales à l'occasion des recours dont il est saisi, et de préciser la place qu'il donne à ces normes dans la hiérarchie des normes en droit français. Une meilleure intégration des traités internationaux a conduit le juge administratif à reconnaître une place aux normes internationales dans le bloc de légalité, en soumettant toutefois leur applicabilité à certaines conditions (I), et en précisant, au fil de sa jurisprudence, la valeur respective que ces normes internationales avaient par rapport aux autres normes de droit interne (II). I. L'applicabilité conditionnée des normes internationales par le juge administratif Afin que le juge administratif puisse appliquer les normes internationales, celle-ci doivent être entrée en vigueur régulièrement, selon les termes de l'article 55 de la Constitution de 1958 (A). C'est un point que le juge administratif va progressivement accepter de contrôler. Cependant, les règles internationales, même entrées régulièrement en vigueur dans l'ordre juridique français, doivent produire un effet direct selon le juge administratif pour pouvoir être invoquées devant lui (B).
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I.
L'applicabilité conditionnée des normes internationales par le juge administratif
Afin que le juge administratif puisse appliquer les normes internationales, celle -ci doivent être
entrée en vigueur régulièrement, selon les termes de l'article 55 de la Constitution de 1958 (A).
C'est
un point que le juge administratif va progressivement accepter de contr ôler.
Cependant, les règles
internationales, même entrées régulièrement en vigueur dans l'ordre juridique français, doivent
produire un effet direct selon le juge administratif pour pouvoir être invoquées devant lui (B).
A) Le contrôle de l'intégration régul ière des normes internationales en droit interne
Pour produire des effets juridiques sur le territoire français et être considérés comme des sources
du droit administratif, les traités internationaux doivent respecter les conditions posées en ce sens par
la Constitution de 1958.
Selon cet article, le traité international doit avoir été ratifié ou approuvé
régulièrement, il doit avoir été publié, et doit faire l'objet d'une application réciproque par l'autre
partie au traité.
Ainsi d'abord, la ratification du traité international doit être régulière.
Le Conseil d'État refusait
traditionnellement de contrôler le respect de la procédure de ratification, considérant cette dernière
comme un acte de gouvernement (CE Ass. , 1956, "Villa ").
Il considérait que les a ctes administratifs
relatifs à la ratification ou à l'approbation d'un traité international étaient trop politiques pour qu'il en
connaisse : c'est la théorie des "actes du gouvernement".
Cependant, d epuis l 'arrêt CE Ass., 1998, "SARL du parc d 'activités de Blotzheim ", le Conseil d'État
opère un revirement de jurisprudence et accepte de vérifier le respect de la procédure de ratification
à travers le contrôle du décret de publication du traité.
Néanmoins, dans l'arrêt CE Sect., 2004,
"Commune de Porta", le Conseil d'État s'est refusé à contrôler les actes de ratification lorsqu'ils
prennent la forme d'une loi : le Conseil d'État n'est pas le juge de la loi.
Pour être en vigueur en droit interne, une autre condition est posée par l'article 55 de la
Constitution : la condition de réciprocité.
Cette considération relevant de la pure politique, il n 'est pas
étonnant que le juge administratif se refuse initialemen t à contrôler l 'existence de cette condition.
C'est la raison pour laquelle il renvoie au ministre le soin de la vérifier et s 'estime lié par cet avis ( CE
Ass., 1981, "Rekhou") .
Cette décision est contestée, mais le Conseil d'État maintient sa jurisprudence
dans la décision CE Ass., 1999, "Chevrol -Benkeddach".
Or, la requérant e dans cette dernière affaire a
saisi la CEDH, qui a condamné cette attitude, comme violant le principe du procès équitable
(indépendance et impartialité) dans la mesure où le juge s'estime lié ( CEDH, "Che vrol c/ France" , 2003 ).
Le Conseil d' État était ainsi appelé à changer sa jurisprudence sur ce point.
Il décide de cesser de
s'en remettre à l'avis du min istre des affaires étrangères pour la vérification du respect de la condition
de réci procité prévue à l'article 55 de la Constitution (CE Ass., 2010, "Mme Cheriet -Benseghir ").
Dans
l'affaire "Cheriet -Benseghir ", le Conseil d' État modifie sa jurisprudence p our se reconnaître le pouvoir
d'apprécier lui -même le respect de la condition de réciprocité posée à l'article 55 de la Constitution de
1958 .
Le juge administratif est donc aujourd'hui compétent pour vérifier que les conditions posées par
l'article 55 de la Constitution sont bien remplies.
On peut soulever devant lui des moyens relatifs au
non -respect de ces conditions.
S'ils respectent ces cond itions, les normes internationales sont
considérées comme régulièrement entrées en vigueur en droit interne.
Se pose logiquement la
question de leur invocabilité devant le juge administratif à l'appui d'un recours..
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