l'affaire Omar Raddad
Publié le 06/01/2014
Extrait du document
«
Bref, il dénonce un procès inéquitable, et fustige les tentatives des représentants de l’accusation
d’empêcher toute révision du jugement.
Grâce à ce livre, et aux efforts conjoints de ses avocats et de son comité de soutien, Omar Raddad finit
par obtenir une grâce présidentielle partielle en 1998.
Il est libéré, mais pas innocenté.
Aux yeux de la loi, il est toujours un criminel…
Depuis cette date, l’homme continue inlassablement à demander que son cas soit rejugé, pour que son
innocence et son honneur soient rétablis.
Jusqu’à présent, toutes ses demandes ont été rejetées.
C’est pourquoi Rachid Bouchareb (producteur) et Roschdy Zem (réalisateur) ont décidé de porter cette
histoire à l’écran.
En choisissant d’adapter deux livres à décharge dans cette affaire, celui de Jean-Marie Rouart et celui
d’Omar Raddad lui-même, ils prennent ouvertement parti pour le condamné.
Une décision qui risque bien de leur valoir les attaques de tous ceux qui sont persuadés de la
culpabilité du jardinier marocain…
Cependant, il faut bien préciser que le film ne cherche pas à prouver de manière irréfutable
l’innocence d’Omar Raddad.
Il s’agit juste de montrer que les éléments le disculpant du meurtre sont
aussi nombreux que ceux qui l’incriminent.
En d’autres termes, qu’il y a un doute et que l’affaire doit
être révisée.
Peut-être Omar Raddad est-il coupable de ce meurtre.
Mais peut-être ne l’est-il pas.
Dans ce cas, il a
été injustement emprisonné et a vu sa vie brisée par le drame.
Et il convient alors de le réhabiliter…
Le film se concentre sur le côté humain de cette tragédie.
Il montre un homme plongé en pleine
tourmente judiciaire et médiatique, bien dérisoire face au rouleau-compresseur de la justice.
Un
coupable idéal jeté en pâture aux renards des prétoires et aux meutes de journalistes…
On ne peut qu’éprouver une certaine empathie vis-à-vis de ce personnage jugé hâtivement, jeté en
prison et séparé de sa femme, de ses parents, de ses enfants pendant plusieurs années pour un crime
qu’il n’a probablement pas commis.
Mais Roschdy Zem se garde bien de tout sentimentalisme ou de misérabilisme déplacé.
Il reste
toujours à bonne distance de son protagoniste principal, se gardant bien de trop montrer ses
convictions personnelles sur l’homme et sur l’affaire.
De toute façon, ce drame individuel lui sert surtout à aborder, de manière plus générale, le sort réservé
à des milliers d’immigrés installés en France et stigmatisés de par leur origine ethnique, leur classe
sociale souvent défavorisée – du fait d’une intégration compliquée – leurs spécificités culturelles.
Il
faut voir le juge affirmer, d’un ton condescendant, “ Vous dites, Madame, que votre mari ne ferait pas
de mal à une mouche, et pourtant, il égorge bien des moutons ”, laissant bien entrevoir les relents de
xénophobie qui ont pesé sur les délibérations du jury et qui continuent de se propager dans certaines
régions de France…
Le cinéaste montre aussi qu’une des principales barrières de l’intégration est la difficulté à parler
correctement le français.
Il insiste sur cette différence de maîtrise de la langue en opposant le français
approximatif, balbutié, de Raddad au style flamboyant de ses défenseurs, la plaidoirie virtuose de
Jacques Vergès et la prose alambiquée de Vaugrenard/Rouart lors de son admission à l’Académie
Française.
Et si, finalement, le seul tort d’Omar Raddad était de n’avoir pas pris la peine de mieux maîtriser le
français au cours de ses six premières années passées sur le sol français ? S’il avait été jugé
uniquement sur son incapacité à se faire comprendre?.
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