Étude des constitutions françaises : Introduction : La France a connu 15 constitutions en 180 ans. Toutes les constitutions n’ont pas le même contenu, on va rappeler le système à la fin de l’Ancien Régime. La constitution est régie par les lois fondamentales et les coutumes. La plus essentielle des lois fondamentales concernait le pouvoir royal, elle était théocratique et affirmait que la loi régnait par la grâce de Dieu. Elle tenait donc son pouvoir de Dieu lui-même. Mais cette conception a été contrariée par des conceptions religieuses. Le fondement même du pouvoir était donc remis en question. Le roi pouvait consulter les représentants non de la nation mais des 3 ordres : noblesse, clergé et tiers état. Le problème à cette époque est la convocation de ces 3 ordres : aucune loi n’assure la périodicité de la réunion des états généraux. Il n’y a pas de loi non plus pour le mode de désignation, ni de procédure de vote pour les députés. L’administration royale est donc irrationnelle, elle ne correspond pas à l’unité car les structures sociales sont basées sur la division de la population en ordres caractérisé par des privilèges, et sous ces ordres se sont formées des classes sociales. C’est la raison pour laquelle petit à petit ces institutions vont être critiquées comme les philosophes critiquent ces institutions archaïques. A la suite de JJ Rousseau, la conclusion d’un Contrat Social est réclamée. L’exemple des différents états composant les Etats-Unis qui ont adopté des constitutions à partir de 1776 montre qu’une constitution écrite rationnelle est applicable. L’exemple américain a donc été suivi en France. Les philosophes rédigent des projets de constitutions. A la fin du 18e siècle, l’idée d’une constitution écrite apparait indispensable pour donner à la France une organisation politique, administrative, sociale, économique en harmonie avec le progrès des Lumières. A cette époque des mouvements se soulèvent dans les idées politiques. En 1789, le seul espoir pour que cette constitution écrite voit le jour apparait être une révolution. L’immense majorité des personnes qui avait rédigé les cahiers de doléance était en train de réfléchir à la rédaction d’une constitution. Il y avait donc 2 courants qui s’opposaient : pour les révolutionnaires ou patriotes, il s’agissait de construire un état nouveau conforme à la raison et de donner aux citoyens le maximum de droits et d’abolir tous les privilèges / l’autre courant, c’est-à-dire les conservateurs, voulait mettre par écrit dans un ordre aussi logique que possible les lois fondamentales du Royaume mais sans changer leur nature. Le concept d’état existait sous l’Ancien Régime mais souvent il s’identifiait avec la personne même du souverain. Louis XIV avait prononcé sa célèbre phrase : « L’Etat c’est moi ». On parlait aussi de la chose publique ou la république du Royaume pour désigner les intérêts supérieurs permanents qui ne se confondaient pas avec la personne du Roi. Cette notion d’état, de chose publique, de couronne permettaient le développement de la théorie de la continuité du pouvoir, c’est-à-dire que le pouvoir du roi ne disparait pas à sa mort. A la seconde moitié du 18e siècle, le concept d’Etat devient plus important. L’Etat est > aux gouvernants et aux gouvernés. La question posée est : Que représentent les gouvernés ? Sous l’Ancien Régime pour parler de nation, on désignait l’ensemble des ordres et des corps avec leurs libertés, leurs franchises, leurs privilèges. Pour les philosophes et les disciples de Rousseau, la nation est composée d’individus égaux qu’on appelle citoyens. La nation de l’Ancien Régime est subordonnée au roi, au contraire pour Rousseau ou Diderot puis l’abbé Sieyès la nation est > au roi. C’est donc la nation qui devra rédiger la future constitution. La constitution représente la volonté nationale qui émane de la souveraineté nationale qui doit s’imposer au roi. D’où la première devise : « La nation, la loi, le roi ». Le roi est simplement chargé de veiller à l’application de la constitution. La constitution doit être établie par les représentants de la nation. Les députés aux états généraux représentent la souveraineté nationale, ils doivent rédiger la constitution sans aucune autre participation et notamment celle du roi conformément à la théorie de la supériorité du pouvoir constitutionnel exposée surtout par Sieyès. La constitution devra avant tout : régler les rapports entre les pouvoirs qui composent l’état et que Montesquieu a estimé au nombre de 3 : pouvoir exécutif, législatif et judiciaire. Mais elle devra fixer aussi les droits et les devoirs du citoyen. Certains droits vont être considérés comme inhérents à la personne donc imprescriptibles et opposables à la volonté générale. La conception de droit de l’homme existant à priori, et qu’en conséquence il n’y a pas à constater mais à déclarer. • Cette conception des droits apparaît dans l’Antiquité Grecque. Elle est reprise au Moyen-Age par St Thomas d’Aquin et surtout par Jean Bodin. Mais c’est à partir de la fin du 17e siècle avec John Locke et avec les philosophes du 18e siècle, que la notion du droit de l’homme atteint son paroxysme. Cette déclaration précèdera la plupart des constitutions françaises. Le droit public de l’Ancien Régime ne l’ignorait pas mais c’est en 1789 que la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen donnera sa coloration particulière à la première constitution française, et c’est par rapport à cette déclaration que toutes les autres constitutions vont se classer. On pourra dire que les constitutions de tous les autres pays du monde peuvent se distinguer selon l’importance qu’elle donne à la déclaration des droits. CHAPITRE 1 : LA CONSTITUTION DE 1791 Le 5 mai 1789, les états généraux se réunissent à Versailles. Ces états généraux étaient composés de députés élus par le Clergé, la noblesse, le tiers état (ce dernier est égal en nombre aux représentants des ordres privilégiés). La dernière réunion des états généraux datait de 175 ans. Lors de cette réunion les députés étaient munis de cahiers de doléance rédigés par leurs électeurs. Les cahiers de doléance estimaient que le malaise politique, économique, social dont la France souffrait était la conséquence du fait qu’elle ne possédait pas de constitution. C’est le régime monarchique qui fonctionnait. Il fonctionnait sous certaines normes fixaient par une série d’ordonnances qui se superposaient voire parfois se contredisaient. Or, les philosophes du 18e expliquaient qu’une constitution devait être rationnelle. Montesquieu, après John Locke en Angleterre, avait développé l’idée que la Constitution devait distinguée trois pouvoirs. Voltaire par ailleurs, demandait que la constitution réduise la puissance des parlements et du clergé. JJ Rousseau souhaitait que la constitution ou le contrat social assure le bonheur des citoyens en leur garantissant une égalité. Les rédacteurs des cahiers vont s’inspirer de ces idées, la plupart les suivront puisqu’elles reflètent ce qu’il s’est passé en Amérique. La rédaction de la constitution mettra du temps à se réaliser puisque pendant près de 2 mois les états généraux furent troublés par un conflit entre le Tiers Etat et le roi, soutenu par la majorité des députés de la noblesse et par la plupart des membres du haut clergé. Problème : le roi voulait que les états délibèrent par ordre alors que les députés du tiers demandaient que l’on vote par tête. Cela assurait la majorité au tiers car ils étaient aussi nombreux que les privilégiés. Le 17 juin, les députés du tiers se proclament en assemblée nationale constituante. Cette assemblée ne put se mettre au travail qu’après la résistance. C’est donc seulement le 6 juillet que l’Assemblée a pu élire un comité chargé de rédiger la nouvelle constitution. Ce comité était constitué de 30 membres. 8 jours après la formation de ce comité le peuple s’emparait de la Bastille, l’insurrection parisienne était suivie de la Grande peur et d’un soulèvement général des paysans contre le régime féodal. Dans l’espoir d’apaiser la révolte, la constituante décide de travailler sur une déclaration des droits mais les troubles persistent et même s’aggravent. Dans la nuit du 4 août, l’Assemblée votait l’abolition du régime féodal et de tous les privilèges. En même temps, elle décidait que la déclaration des droits cèderait la Constitution. Quelques personnes ont proposé des projets comme Lafayette et Sieyès. Après le 4 août, l’Assemblée forme un comité de 5 membres chargés d’examiner ces projets. C’est Mirabeau qui sera chargé de faire une synthèse mais ces projets seront critiqués. Après de nombreuses discussions et différents problèmes soulevés, ceux sont les questions religieuses qui donnèrent lieu au plus vive controverse : fallait-il placer la déclaration sous l’invocation de Dieu dans les préambules ? Le projet parlait du législateur suprême de l’univers. Le droit de propriété entraina également un vif débat. En définitive le 26 août, l’assemblée décide de publier la déclaration. Lorsqu’elle la publia le 3 septembre 1791, elle estima que la déclaration avait acquis un caractère religieux. On retrouvera dans cette déclaration la notion de liberté, d’égalité, de droit de propriété, de souveraineté et de séparation des pouvoirs. A côté de ces principes, plusieurs articles traitent de question importante : le rôle de l’armée qui doit être soumis à la nation, les contributions qui remplacent les impôts et la responsabilité personnelle des fonctionnaires. Cette déclaration énumère 2 catégories de droits : les droits de l’homme (art. 2 ; art. 4 ; art. 7 à 11 ; art. 17) et les droits de la nation (art. 3 ; art. 6 ; art. 12 à 16). Ces articles comportent la souveraineté, le droit de faire les lois, d’organiser la force publique, de voter les contributions et de diviser les pouvoirs publics. Cette déclaration a aussi 2 aspects : l’un positif, les droits qu’elle affirme, et l’autre négatif, les abus de l’ancien régime qu’elle condamne. La déclaration est avant tout contre l’ancien régime. La volonté est d’abord d’abattre les institutions de l’ancien régime parmi lesquelles le fondement même de l’absolutisme (la France n’est plus la propriété du roi mais celle de la nation). Second caractère : ça ne sera plus la volonté arbitraire du roi ou d’un de ses ministres qui fera la loi mais la volonté nationale. On ne pourra plus poursuivre ceux qui ont participé à l’insurrection du 14 juillet car il s’agit d’un acte louable de résistance à l’oppression. La déclaration constitue l’acte de décès de l’ancien régime. Ces articles ont un développement proportionnel non à l’importance théorique des principes mais à l’ampleur des abus qu’ils doivent réprimer. C’est-à-dire à la fréquence des doléances exprimées par les cahiers : les abus des lettres de cachet, les inégalités dans l’admission aux emplois. La déclaration est donc une arme destinée à défendre ses rédacteurs contre un possible retour du despotisme royal. Elle n’a pas pour mission de protéger les classes, les plus pauvres contre l’oppression de ceux qui vont désormais accéder au pouvoir. Néanmoins, la déclaration pose les assises de la société future. On y trouve pas le mot roi ni celui de monarchie, elle a une allure républicaine. Elle implique le suffrage universel et le référendum que les constitutions n’établirent pas. Elle implique l’abolition de l’esclavage que l’assemblée n’osa pas proclamer. La déclaration peut être considérée comme la charte non seulement de la démocratie politique mais aussi de la démocratie sociale. Dès sa publication elle eut dans le monde occidental un plus grand retentissement que les déclarations américaines à cause de son caractère universel. Elle devait devenir non seulement le dogme de la révolution et de la liberté mais aussi la base de toutes les constitutions françaises. La déclaration fut publiée sans sanction royale car il s’agissait d’une proclamation de principe. En revanche les décrets du 4 août qui abolissent le régime féodal, car ils entrainent une transformation du statut des biens et des personnes, avaient une sanction royale. Le roi ne se pressait pas de donner son accord pourtant les décrets du 4 août ne constituaient que l’application anticipée de la déclaration : les députés se demandèrent donc si la sanction royale était nécessaire. L’abbé Sieyès, dans une brochure intitulée Qu’est-ce que le Tiers Etat ?, avait démontré que le pouvoir constituant résultait d’une délégation spéciale et directe du peuple et n’était limité que par le droit naturel. Par conséquent, elle ne devait pas être sanctionnée par le roi. La majorité des députés arriva pendant le mois de septembre à rejeter l’idée selon laquelle la constitution était un contrat passé entre le roi et la nation et a adopté la théorie de Sieyès. L’assemblée s’empara du pouvoir exécutif qu’elle cumulait avec le législatif. Les résistances du roi à la promulgation des décrets avaient rendu ces contradictions inévitables. Le roi n’était donc plus considéré comme supérieur à la nation mais devenait un représentant de la nation. Enfin, au fur et à mesure que l’assemblée poursuivait ses travaux et que les conflits entre le roi et les privilégiés se développaient, l’assemblée décida que la constitution devait fixée par écrit les lois fondamentales traditionnelles pour se ranger à la vie des conservateurs et prendrait pour base les grands principes développés par les philosophes du 18e. En 1791, l’assemblée recréa le pouvoir royal, la France serait monarchique, la rupture totale avec le passé explique pourquoi l’assemblée fut amener à inventer des formes nouvelles pour légitimer le pouvoir. La constitution de 1791 sera fondée à la fois sur le droit naturel marqué par la souveraineté nationale et sur le droit historique qui n’est pas entièrement abandonné puisque la monarchie est maintenue avec la loi salique* sur la succession au trône. Récapitulatif : Etats généraux se sont réunis le 5 mai 1789, le but était de constituer un texte et ils élisent un comité de 30 membres le 6 juillet. Rédaction le 26 août de la déclaration des droits de l’homme en 1789. Constitution 1791 est composée de 7 titres divisés en chapitre et articles. Premier titre concerne les dispositions fondamentales garanties par la Constitution, le deuxième concerne la division du royaume et l’état des citoyens (apte à voter ou non). Le troisième titre concerne les p.p. Le 4ème concerne la force publique, le 5ème les contributions publiques, le 6ème les rapports de la nation française avec les nations étrangères et enfin le 7ème la révision des décrets constitutionnels. Par cette Constitution, la France devient une monarchie constitutionnelle, elle institue formellement la séparation des pouvoirs, l’assemblée est unique, le suffrage est restreint et censitaire (paie un impôt). Les 745 députés reçoivent un mandat de 2 ans. Ces députés siègent quand ils le veulent, les sessions sont permanentes. Le pouvoir législatif est partagé entre le corps législatif qui vote et le roi qui donne à la loi sa sanction ou qui peut lui imposer un droit de veto suspensif. Le royaume est héréditaire, la Constitution organise la régence prévue pour durer au moins 10 ans. Cette constitution ne survivra pas à l’insurrection du 10 août 1792. CHAPITRE 2 : LA CONSTITUTION DU 24 JUIN 1793 Sous une période que l’on appelle la Convention va naître la Constitution de 1793. La Convention est le nom donnée à l’assemblée constituante qui gouverne du 21 septembre 1792 au 26 octobre 1795. Sous la Convention, on distingue tout d’abord la Constitution Girondine du 15 et 16 février 1793 et la Constitution Montagnarde du 24 juin 1793. Les girondins sont un groupe politique majoritaire à l’assemblée issue de la région de Bordeaux (Condorcet appartient à cette tendance). Parmi les montagnards (situé en haut de l’hémicycle) : Robespierre et Danton. L’expérience de la monarchie constitutionnelle aura été très courte puisque la journée du 10 août 1792 met fin à la Constitution de 1791 et à la royauté. Une commune insurrectionnelle oblige l’Assemblée à procéder à l’élection au suffrage universel d’une Convention pour rédiger une nouvelle Constitution. Cette convention est élue le 20 septembre 1792. Cette convention ou nouvelle assemblée est influencée par les Girondins et les Montagnards. Ces 2 courants de pensée s’ils sont d’accord pour proclamer la République et faire le procès du roi ne s’entendent plus sur les mesures à prendre face au...