DROITS DE LA DÉFENSE - C. E. 20 juin 1913, TERY, Rec. 736, concl. Corneille (commentaire d'arrêt)
Publié le 20/06/2011
Extrait du document
(S. 1920.3.13, concl. Corneille)
Cons. que pour demander l'annulation de la décision susvisée, le sieur Téry soutient, d'une part, que le conseil supérieur a statué au vu d'un dossier incomplet, et, d'autre part, que les droits de la défense n'ont pas été respectés; Sur le premier moyen : Cons. que le sieur Téry n'a fait connaître ni dans sa requête, ni dans son mémoire ampliatif devant le Conseil d'État, les pièces qui auraient fait défaut dans le dossier de la poursuite disciplinaire soumis au conseil supérieur et qu'il ne les a pas davantage indiquées dans ses observations en réplique à la défense du ministre; qu'ainsi le premier moyen du recours doit être écarté comme dépourvu de toute justification; Sur le second moyen : Cons. que le conseil académique de Lille saisi de la poursuite disciplinaire dirigée contre le sieur Téry a, le 22 juin 1910, statué sur ladite poursuite par deux jugements séparés, le premier rejetant l'exception d'incompétence et le moyen tiré de la violation des formes soulevées par le sieur Téry dans sa défense, et le second révoquant le sieur Téry;
«
« Le conseil supérieur est une juridiction disciplinaire...
Il en résulte, d'une part, que vous avez compétence pourapprécier, non pas le fond de ses décisions, mais la légalité de ses décisions; il en résulte, d'autre part, que, devantle conseil supérieur, il y a des règles de procédure à observer, car l'observation d'une procédure est le corollaireindispensable de l'instruction d'une juridiction.
Mais quelle est cette procédure?« Quant aux juridictions disciplinaires les règles de procédure ne sont pas écrites dans un texte général, dans uncode; depuis longtemps il a été reconnu par la doctrine et la jurisprudence judiciaire ou administrative que, si lesrègles du code d'instruction criminelle ne devaient pas servir de base immuable à la procédure particulière dont ils'agit, tout au moins on devait appliquer à cette procédure « les règles essentielles des formes judiciaires » qui sontla garantie naturelle de tout particulier inculpé d'une infraction répréhensible.
Et ces garanties de droit commun pourles justiciables, on les a cataloguées : c'est la citation en forme, c'est le délai de comparution, ce sont les droits dela défense.
Or les droits de la défense exigent : 1° que tous les membres du tribunal professionnel aient assisté àtoute la séance, ou à toutes les séances de l'affaire en cause, afin qu'aucun d'eux ne se forme une impressionincomplète de l'ensemble des débats; 2° que la décision contienne les noms de tous ceux avec le concours desquelselle a été rendue; car la défense a le droit de connaître la composition du tribunal pour en contester, le caséchéant, la régularité; 3° que l'ordre logique des phases de la procédure ait été respecté, la défense devant seprésenter après le rapport, après le développement de l'inculpation et avant le délibéré; 4° que les décisions soientmotivées, car l'énoncé des motifs permet à l'inculpé de voir si la sanction appliquée est étayée sur un texte, et luipermet encore de se rendre compte de l'observation par les juges d'un principe fondamental en matière répressive,et qui est que le juge ne doit se déterminer que sur les pièces produites, et par suite discutées, dans l'instancemême sur laquelle il a été statué.
Enfin, il est un dernier point, sur lequel nous insistons parce qu'il est essentiel à lagarantie du justiciable : l'inculpé doit avoir été entendu, et l'absence d'audition ne peut se couvrir que par lajustification (apportée dans la décision même) d'une exception au principe motivée par une faute de l'inculpé qui,mis à même de présenter sa défense, n'a pas comparu, bien que dûment convoqué, sans invoquer d'excuse, ouaprès avoir allégué une excuse reconnue non valable par le juge lui-même.
»
II.
— De nombreux arrêts ont fait application de ces principes en précisant notamment que toute décisionjuridictionnelle doit comporter la mention du nom des juges (C.
E.
23 janv.
1948, Bech, Rec.
33); que les membresde la juridiction doivent être effectivement présents pendant toute la durée des séances au cours desquelles estexaminé le litige (C.
E.
13 janv.
1933, Saussié, Rec.
48; — 23 mai 1940, Ville de Constantine, Rec.
191); que laprocédure suivie doit avoir eu un caractère contradictoire (7 févr.
1947, d'Aillières ; — 11 mars 1955, Secrétaired'État à la guerre c.
Coulon, Rec.
150.; D.
1955.555, note de Soto et Léauté; R.
D.
P.
1955.995, concl.
Grévisse; A.J.
1955.11.181, chr.
Long.; — 23 mars 1956, Louis, Rec.
136; D.
1957.149, note L.
T.; — 23 déc.
1959, Jaouen,Rec.
707; S.
1961.38, concl.
Mayras; — 11 mars 1960, Société des travaux et carrières du Maine, Rec.
195; D.1960.433, note F.
B.; —2 mars 1973, Massé, Rec.
185, concl.
Braibant; A.
J.
1974.97, note Magnet; — 26 mars1976, Conseil régional de l'ordre des pharmaciens de la circonscription d'Aquitaine et autres, Rec.
180; A.
J.1977.157, concl.
Dondoux); que l'auteur de la décision litigieuse ne doit pas siéger dans la juridiction qui examinel'affaire (C.
E.
2 mars 1973, Dlle Arbousset, Rec.
190; R.
D.
P.
1973.1066, concl.
Braibant); que le secrétaire de lajuridiction, s'il peut assister au délibéré, n'a pas le droit d'y participer (C.
E.
15 oct.
1954, Société financière deFrance, Rec.
536; A.
J.
1954.11.461, concl.
Laurent, note J.
L.; A.
J.
1954.II bis.14, chr.
Long); que les jugementsdoivent être motivés (C.
E.
23 déc.
1959, Gliksmann, Rec.
708; S.
1961.38, concl.
Mayras; D.
1961.256, noteJeanneau; — 7 déc.
1960, Milbergue, Rec.
680, concl.
Mayras) et porter mention de l'audition des parties ou de leurconvocation (C.
E.
26 nov.
1965, Compagnie industrielle des textiles artificiels et synthétiques, Rec.
642; A.
J.1966.233, note Lapone).Selon une formule que l'on retrouve dans de nombreuses décisions, une juridiction administrative doit « même enl'absence de texte observer toutes les règles générales de procédure dont l'application n'a pas été écartée par unedisposition formelle ou n'est pas inconciliable avec son organisation ».
Mais sous l'empire de la constitution de 1958,un simple décret peut faire échec à ces règles; en effet en dehors du caractère contradictoire de la procédure, ellesn'ont pas le caractère de véritables principes généraux du droit (sur la distinction entre les principes généraux dudroit et les simples règles, voir nos observations sous C.E.
26 juin 1959, Syndicat général des ingénieurs-conseils ).Ce caractère a été toutefois reconnu au principe de la publicité des débats judiciaires (C.E.
4 oct.
1974, DameDavid, Rec.
464, concl.
Gentot; A.
J.
1974.525, chr.
Franc et Boyon; D.
1975.369, note Auby; J.
C.
P.1974.11.17967, note Drago); mais ce principe n'a pas été étendu jusqu'à présent, même à titre de simple règleapplicable à défaut de texte contraire, aux juridictions administratives (C.
E.
16 mars 1883, Ministre de l'instructionpublique c.
Deymès, Rec.
285, concl.
Marguerie; — 4 oct.
1967, Wattebled, Rec.
351).
Sans doute la publicité est-elle prévue pour les juridictions administratives de droit commun, c'est-à-dire les tribunaux administratifs et leConseil d'État, mais elle demeure l'exception devant les juridictions spécialisées, notamment disciplinaires.
III.
— Le principe du contradictoire s'étend au-delà de l'activité juridictionnelle.
Des règles analogues, quoique moinsrigoureuses et moins formalistes, ont été édictées par le législateur ou dégagées par le juge pour assurer laprotection des fonctionnaires contre les décisions disciplinaires de caractère non pas juridictionnel, maisadministratif, prises à leur encontre.
C'est ainsi que des jurisprudences abondantes ont étendu et renforcé la portéedu principe de la communication préalable du dossier prévue par l'art.
65 de la loi du 22 avr.
1905 et précisé lesrègles de fonctionnement des conseils de discipline (C.
E.
26 mars 1931, Basset, Rec.
357; — 15 janv.
1943,Fortuné, Rec.
9).La jurisprudence a fait dans cette voie un progrès décisif lorsque le Conseil d'État a érigé le respect des droits de ladéfense en principe général du droit, applicable même en l'absence de texte le consacrant expressément.
Peuimporte aujourd'hui que la décision soit administrative ou juridictionnelle, qu'elle concerne ou non un fonctionnaire :dès lors qu'elle porte atteinte à une situation individuelle et qu'elle revêt le caractère d'une sanction, l'autorité qui la.
»
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