Droit public des biens - Commentaire d’arrêt Conseil d'Etat, 18 septembre 2015, société Prest’Air req. N° 387315
Publié le 20/04/2023
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«
Droit public des biens - Commentaire d’arrêt
Conseil d'Etat, 18 septembre 2015, société Prest’Air req.
N° 387315
« Nul ne peut sans disposer d'un titre l'y habilitant occuper une
dépendance du Droit public ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit
d'usage qui appartient à tous »1.
Comme le prévoit l’article Article 2122-1 du
Code général de la propriété des personnes publiques, le domaine public fait
l’objet d’une protection particulière, dont l’autorité administrative est garant,
comme en matière d’occupation sans titre.
En témoigne cet arrêt du Conseil
d'Etat du 18 septembre 2015, novateur en ce qu’il ouvre la possibilité de céder
un titre d’occupation du domaine public.
La société Prest’Air occupait depuis le mois de janvier 2012 un hangar et des
locaux dans la zone de fret de l’aéroport Félix-Eboué de Cayenne, où elle a
exploité une activité de transport aérien privé.
En 2013, la chambre de
commerce et de l’industrie de la Région Guyane, gestionnaire de l’aéroport, a
transmis à cette société un projet de convention pour régulariser la situation de
la société.
En outre, la société Prest’Air a repris l’activité de la société Air
Amazonie, qui bénéficiait d’une convention d’occupation du domaine public.
La chambre de commerce et de l’industrie de la Région Guyane a demandé au
tribunal administratif de Cayenne d’ordonner sous astreinte l’expulsion de la
société des immeubles qu’elle occupait sur le domaine public de l’aéroport de
Cayenne.
Le 9 décembre 2014, le juge des référés, saisi sur le fondement de
l’article L.
521-3 du code de justice administrative dans le cadre d’un référé
mesures utiles, a enjoint par une ordonnance la société Prest’Air de libérer les
locaux qu’elle occupait sur le domaine public aéroportuaire.
Cette dernière a donc
saisi le Conseil d'Etat demandant notamment d’annuler cette ordonnance et de
rejeter la demande d’expulsion adressée par la chambre du commerce et de
l’industrie.
Dans le cadre de cette instance, deux questions sont posées au juge des référés
du Conseil d’Etat.
Tout d’abord il s’agissait de savoir si la demande d’expulsion
par la voie d’un référé dit mesures utiles devait être rejetée ? Et si l’occupation
du domaine public par la société Prest’Air était sans titre ? Pour cela, il faut
s’assurer qu’il y avait une urgence telle que la voie du référé était possible.
De
plus, il fallait identifier le régime d’occupation du domaine public par la société
Prest’Air, notamment en mettant en évidence une possible cession du titre
domanial.
Dans son arrêt du 18 septembre 2015, le Conseil d'Etat annule
l’ordonnance de référé du tribunal administratif de Cayenne.
Si elle reconnaît que
la société Prest’Air occupe sans titre le domaine public de l’aéroport Félix-Eboué
de Cayenne (I), elle n’admet pas que le juge des référés puisse être saisi (II),
notamment parce que l’urgence n’est pas caractérisée.
1
Article 2122-1 du Code général de la propriété des personnes publique
I.
L’occupation sans titre du domaine public aéroportuaire
Il n’est possible d’occuper le domaine public qu’à la condition d’avoir un
titre à cet effet, lequel peut notamment s’obtenir par une convention
d’occupation du domaine public, qui ne peut être qu’écrite (A).
En outre, ce titre
d’occupation privée du domaine public peut être cédé (B) à certaines conditions.
A.
L’impossible convention d’occupation tacite
Dans son arrêt du 18 septembre 2015, le Conseil d'Etat affirme que la
société Prest’Air ne détient aucunement de titre d’occupation du hangar et des
bureaux situés dans la zone de fret de l’aéroport Félix-Eboué de Cayenne.
Autrement dit, la société Prest’Air est un occupant sans titre du domaine public.
Pourtant, elle fait valoir que de fait, les circonstances étaient telles que la
chambre du commerce et de l’industrie de la Région Guyane avait reconnu son
occupation.
En effet, la société Prest’Air relève qu’un projet de convention lui
avait été transmis en 2013, et que l’émission de factures par la chambre du
commerce et de l’industrie témoignait d’une convention d’occupation du domaine
public tacite.
Toutefois, le Conseil d’Etat s’oppose à cela affirmant que « les
circonstances que la chambre de commerce et d'industrie ne s'est pas
formellement opposée à cette occupation durant les négociations et qu'elle a
émis des factures depuis l'année 2012 n'impliquent pas que la société bénéficiait
d'une autorisation d'occupation du domaine ».
Ainsi, même si dans les faits, la
chambre du commerce et de l’industrie ne voyait pas de problème à l’occupation
du domaine public par la société Prest’Air, aucun titre d’occupation n’a pour
autant été passé de manière tacite.
Ici, le Conseil d'Etat fait suite à sa jurisprudence en date du 19 juin 2015,
Société immobilière du port de Boulogne où il estimait déjà qu’une « convention
d’occupation du domaine public ne peut être tacite et doit revêtir un caractère
écrit »2.
Une telle affirmation du juge administratif démontre toute l’importance
que revêt le domaine public et dont la protection est un « impératif d’ordre
constitutionnel »3, en ce qu’il est la propriété des personnes publiques, et doit
notamment satisfaire l’intérêt général.
L’enjeu est tel qu’il s’agit de ne pas trop
étendre l’occupation à des personnes tierces par des mécanismes dont
l’appréciation peut être large, ce qui serait le cas si le juge avait accepté qu’une
convention d’occupation du domaine public puisse être implicite.
B.
L’absence d’une cession de titre d’occupation du domaine public
Dans son arrêt du 18 septembre 2015, le Conseil d'Etat est
particulièrement novateur s’agissant du régime de l’occupation du domaine
public.
En effet, il reconnait pour la première fois la possible cession du titre
d’occupation du domaine public lorsqu’il affirme qu’il « ne peut y avoir transfert
d’une autorisation ou d’une convention d’occupation du domaine public à un
nouveau bénéficiaire que si le gestionnaire de ce domaine a donné son accord
écrit ».
Jusque-là, le Conseil d'Etat considérait que le titre d’occupation privatif
2
3
Conseil d'État, Section, 19/06/2015, arrêt Société immobilière du port de Boulogne n°369558
Conseil d'Etat, 3ème et 8ème sous-sections réunies, du 21 mars 2003, arrêt SIPPEREC n°189191
était incessible en raison de son caractère personnel 4, ce qui signifie que la
personne qui détient le titre n’a pas la possibilité de transmettre le titre à
quelqu’un d’autre.
Le juge se refusait toujours à ce qu’un titulaire d’un titre
d’occupation, obtenu par autorisation ou convention, ne le cède à des héritiers,
ou bien même à une tierce personne, quand bien même celle-ci se serait
engagée à continuer son activité.
Ainsi ce principe d’incessibilité est renversé par
l’arrêt du Conseil d’Etat qui retient que les titres domaniaux sont personnels et
cessibles.
Cependant, le nouveau bénéficiaire ne peut pas être une personne quelconque
puisque le gestionnaire du domaine public doit impérativement donner son
accord écrit.
En l’espèce, la société Air Amazonie bénéficiait auparavant d’un titre
d’occupation du domaine public de l’aéroport de Cayenne, tiré d’une convention
passée avec son gestionnaire, la chambre commerciale du commerce et de
l’industrie de la Région Guyane.
L’activité de cette société Air Amazonie ayant été
reprise par la société Prest’Air.
Par conséquent, cette dernière arguait que sa
convention d’occupation du domaine public lui avait été transférée.
Le Conseil
d'Etat se refuse de lui accorder un tel transfert, posant ainsi la seconde condition
du transfert, à savoir l’accord écrit du gestionnaire du domaine.
Autrement dit,
de même qu’il ne peut y avoir de convention d’occupation tacite, il ne peut y
avoir de cession d’une convention d’occupation sans l’accord écrit de son
gestionnaire.
Cela permet de laisser au gestionnaire du domaine public des
prérogatives dans sa gestion telles qu’il est le seul à pouvoir décider en dernier
ressort de la personne pouvant l’occuper.
Cette condition d’un nécessaire écrit témoigne une fois de plus, de
l’importance que revêt la protection du domaine public, de sorte que
l’appréciation in concreto dont pourrait bénéficier les juges du fond ne permet
pas de désigner un occupant du domaine public autre que celui désigné par écrit,
aux termes d’une autorisation ou....
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