COURS DE DROIT INTERNATIONAL PUBLIC Introduction Définition et objet du DIP : Le DIP, autrefois appelé droits des gens, est constitué par l'ensemble des règles de droit qui s'appliquent aux sujets de la société internationale, c'est-à-dire normalement aux États et aux organisations internationales, et exceptionnellement aux individus. C'est donc l'ensemble des normes juridiques qui règlent les relations internationales, c'est-à-dire des normes prescriptives, prohibitives ou permissives. Cet ordre normatif est un facteur d'organisation sociale qui remplit une double fonction : - Réduire l'anarchie dans les rapports internationaux en assurant la coexistence entre les États - Et satisfaire les intérêts communs (affaire du Lotus 1927 CPIJ) Les traités de Westphalie des 14-24 octobre 1648, qui ont mis fin à la guerre de Trente ans (1618-1648), sont traditionnellement considérés comme l'acte de naissance du droit international moderne. Ces traités reconnaissent l'indépendance des États européens et marquent la disparition de l'ordre médiéval. Le DIP doit être distingué du droit international privé qui concerne l'ensemble des règles juridiques ayant pour objet de régler les relations internationales entre personnes privées. Caractéristiques du DIP : D'une manière générale, le DIP présente « un caractère volontaire puisque son existence comme son application sont subordonnées au consentement des États ». Il est caractérisé à la fois par l'absence d'un législateur qui serait susceptible d'édicter des normes générales ainsi que par l'absence d'exécutif. Ce sont notamment les États qui sont à la fois les producteurs et les destinataires des normes internationales. 1 Contrairement à la société étatique, la société internationale n'est pas dotée d'une autorité centrale qui disposerait de moyens de contrainte pour imposer le respect des normes internationales. Le DI est également caractérisé par l'absence de juridiction obligatoire dans la mesure où la justice internationale repose su le consentement des États. Ces caractéristiques du DI ont fait dire à certains auteurs comme Raymond Aron que le DI n'existait pas. Cette approche traditionnelle insiste sur l'inexistence d'un pouvoir de sanction dans l'ordre international pour prétendre que le DI n'existe pas. En réalité, en dépit de ses échecs incontestables dans le domaine de la sécurité collective, le DIP, qui ne cesse d'élargir son champ d'action, existe bel et bien. Il est d'ailleurs pleinement reconnu par les constitutions des États. Il est appliqué par les juges tant internationaux et que nationaux et est constamment évoqué par les États ainsi que les autres acteurs des RI. De même, force est de reconnaitre que l'actualité international témoigne de l'importance des instruments du DIP dans la vie internationale : résolutions du CSNU, décisions et avis de la CIJ, mise en place de la CPI, etc. Différentes conceptions du DI : Deux grandes conceptions du Di s'opposent. On a l'habitude d'opposer l'école du droit naturel et l'école positiviste. Les tenants du droit naturel soutiennent qu'il existe un droit supérieur aux États. La doctrine traditionnelle du droit naturel a été formulée au XVI e siècle par Vittoria. Au XVIIe siècle, Hugo de Groot dit Grotius qui est considéré comme l'un des pères fondateurs du DI va laïciser le droit naturel qui selon lui « consiste dans certains principes de la droite raison qui nous font connaitre qu'une action est moralement honnête ou déshonnête selon la convenance ou la disconvenance nécessaire qu'elle a avec une nature raisonnable ou sociable. » L'école positiviste rejette quant à elle l'idée d'un droit naturel. 1 Pour les positivistes volontaristes, le DI procède de la volonté de l'État. Selon Triepel : « dans les relations entre États, la source du droit ne peut être qu'une volonté émanant d'États ». Les positivistes objectivistes affirment, de leur côté, que les normes du DI sont fondées sur la nécessité sociale. Pour Georges Scelle, qui se rattache à cette doctrine, les normes viennent « du fait social lui-même et de la conjonction de l'éthique et du pouvoir produits par la solidarité sociale ». CHAPITRE I : LES SOURCES DU DROIT INTERNATIONAL PUBLIC Selon l'article 38 du statut de la Cour internationale de justice, hérité du statut de la Cour permanente de justice internationale, qui propose une typologie des normes du DIP, « la Cour, dont la mission est de régler conformément au droit international les différends qui lui sont soumis, applique : a. les conventions internationales, soit générales, soit spéciales, établissant des règles expressément reconnues par les Etats en litige; b. la coutume internationale comme preuve d'une pratique générale acceptée comme étant le droit; c. les principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées; d. sous réserve de la disposition de l'Article 59, les décisions judiciaires et la doctrine des publicistes les plus qualifiés des différentes nations, comme moyen auxiliaire de détermination des règles de droit. » De cette énonciation, il appert que l'ordre juridique international comporte à la fois des sources écrites et des sources non écrites. NB : Le contenu de l'article 38 reste incomplet et obsolète en ce qu'il élude la notion de jus cogens bien que le contenu de cette notion reste incertain. On peut toutefois comprendre cette absence de référence à la norme impérative car celle-ci était encore inconnue à l'époque de la rédaction du texte de l'article 38. 1 Par ailleurs, cette disposition élude les actes unilatéraux des OI et des États qui jouent un rôle non négligeable dans les relations internationales. En tout état de cause, les traités et la coutume, qui sont évoqués en premier par l'article 38 du statut de la Cour, sont incontestablement les principales sources du DIP en raison de leur importance indéniable dans la vie internationale (Section I). Cependant à côté de ces sources, les principes généraux du droit ainsi que les actes unilatéraux des États et des OI constituent d'autres sources du DIP (Section II). SECTION I : LES PRINCIPALES SOURCES DU DIP Elles sont constituées de sources conventionnelles et de sources non conventionnelles. Il s'agit notamment des traités qui constituent les sources conventionnelles (§1) et la coutume internationale qui est la source non conventionnelle (§2). PARAGRAPHE I : LES TRAITÉS INTERNATIONAUX : SOURCES CONVENTIONNELLES DU DIP Ils occupent la première place dans la liste limitative des sources du DIP que dresse l'article 38 de la CIJ. Ils représentent l'instrument privilégié des relations internationales. A- La notion de traité international La doctrine définit généralement le traité comme une manifestation de volontés concordantes imputables à deux ou plusieurs sujets de droit international et destinée à produire des effets de droit selon les règles de droit international. L'article 2 de la convention de Vienne du 22 mai 1969 définit le traité international comme étant « un accord international conclu par écrit entre États, ou entre un État et une organisation internationale ou entre organisations internationales et régi par le droit international, qu'il soit consigné dans un 1 instrument unique ou dans deux ou plusieurs instruments connexes, et qu'elle que soit sa dénomination particulière. » De cette définition, il appert que la terminologie utilisée pour qualifier le traité international est très diverse. Les termes traité, pacte, charte, accord, convention, déclaration, statut, protocole, modus vivendi, mémorandum d'accords, sont fréquemment retenus pour qualifier les traités internationaux. La CIJ adopte une position libérale consistant à considérer que « la terminologie n'est pas un élément déterminant quant au caractère d'un accord ou d'un engagement international » (CIJ, Sud-Ouest Africain, 21 décembre 1962) Par ailleurs, la définition du traité international proposée par la convention de Vienne postule l'existence d'un document écrit. A contrario, l'on pourrait conclure que les traités oraux ne sont pas valables. Cependant, l'article 3 reconnait une valeur juridique aux accords internationaux qui n'ont pas été conclus par écrit. Il s'agit en outre d'accords entre sujets de droit international dans la mesure où seuls les sujets de droit international à l'instar de l'État, les OI peuvent conclure des traités. Le traité a également pour but de produire des effets de droit : ils se distinguent à cet effet des gentlemen's agreements qui sont des accords de caractère politique, sans obligation juridique en découlant. De fait, plusieurs classifications des traités ont été suggérées. - Selon le nombre d'États parties au traité, on distingue les traité bilatéraux liant seulement deux État, des traités multilatéraux qui eux engagent plus de deux États. Les traités bilatéraux, qui sont les plus nombreux que les traités multilatéraux, sont les traités les plus anciens. 1 - On distingue également les « traités-lois » « des traités-contrats » ; Les traités-lois formulent des règles de droit c'est-à-dire des règles générales ; tandis que les traités-contrats, quant à eux visent à régler une situation particulière. - Une distinction très classique consiste à distinguer les accords en formes simples des accords en forme solennelle. Tandis que les accords en forme simplifiée se caractérisent par l'absence de ratification, les accords en forme solennelle font intervenir une ratification. Cette ratification émanant du « Treaty-making power » est seule susceptible d'engager juridiquement l'État. Alors que les accords en forme simplifiée excluant la ratification, acquièrent force obligatoire pour les États du seul fait de leur signature. Cette pratique dite des « executive agreements » s'est développée aux USA compte tenu du caractère contraignant de la procédure de ratification prévue par la constitution américaine de 1787. En effet, les traités internationaux, négociés et conclus par le président américain, doivent être ratifiés par le Sénat, à la majorité des deux tiers. L'exigence de cette majorité qualifiée constitue un véritable frein à l'adhésion de certains traités. Ce fut le cas pour le traité de Versailles en 1920. Ainsi les USA qui avaient largement inspiré la création de la SDN n'ont jamais pu en devenir membre faute de ratification. C'est précisément pour contourner le pouvoir de blocage du Sénat, il a été introduit la pratique des « executive agreements ». La Cour suprême américaine reconnait à ces accords en forme simplifiée les mêmes effets juridiques qu'aux traités en forme solennelle. Cependant, une limite existe à ce pouvoir, elle a été posée par une résolution du Sénat en date du 26 juin 1969, dans laquelle le Sénat a demandé au 1 Président des USA de n'engager ni les forces armées ni les ressources de l'État américain au service d'un État étranger sans l'autorisation du Congrès. B- La conclusion des traités L'élaboration des traités passe par 3 phases : la négociation, la signature et la ratification. 1- La négociation La phase de la négociation est l'oeuvre des plénipotentiaires qui disposent des pleins pouvoirs pour négocier au nom de l'État. Traditionnellement, le plénipotentiaire doit avoir une habilitation sous forme écrite (la lettre de pleins pouvoirs) qui lui est remise par l'autorité disposant du treaty making power (généralement le chef de l'État). La convention de Vienne dispose en son article 7 que certaines personnes (chef d'État, de gouvernement, ministre des affaires étrangères, chef de mission diplomatique) n'ont pas à établir qu'elles sont habilitées. La négociation se fait dans un cadre qui peut varier. Ainsi, elle peut se faire au sein d'organisation internationale ou encore dans le cadre d'une conférence internationale. Ensuite s'ouvre la phase de rédaction du texte qui se fait par des propositions, contre-propositions ou amendements. La rédaction su texte est souvent l'oeuvre d'experts qui accompagnent les négociateurs. Si les négociations et les discussions progressent vers un accord, les projets amendés ou non sont adoptés au fur et à mesure et deviennent les dispositions du futur traité. Originairement, l'adoption du texte se faisait à l'unanimité ; désormais la majorité tend à se substituer à la règle de l'unanimité. 1 2- La signature Le traité, une fois adopté, va être signé par les parties. La signature va mettre un terme à la phase de la négociation, conduite par les plénipotentiaires. Cette signature ne signifie pas que le texte s'impose aux États qui l'ont signé, elle va juste authentifier le texte du traité mais ne va pas pouvoir engager l'État. Elle permet en outre de consacrer le consentement des plénipotentiaires car un État qui a signé le texte n'est plus dans la même situation qu'un État qui s'en est abstenu. La signature confère à l'État un statut provisoire au regard du traité : il a des droits et des obligations vis-à-vis des autres États signataire. A cet effet, elle entraine l'obligation de ne pas priver le traité de son objet et de son but avant son entrée en vigueur. Elle apparait donc comme une transition entre l'étape de l'élaboration, qu'elle clôt, et celle de l'expression du consentement à être lié, que l'État demeure d'ailleurs libre de ne pas mener jusqu'à son terme, nonobstant la signature du texte. 3- La ratification : expression par l'État de son consentement à être lié Elle est l'approbation définitive donnée au traité. Elle émane en principe des organes internes c'est-à-dire de l'autorité étatique possédant la compétence constitutionnelle pour engager internationalement l'État. Cette autorité est généralement le Chef de l'État. Parfois, l'intervention de ce dernier suppose une autorisation préalable des assemblées parlementaires. C'est notamment le cas aux USA, en France et en Côte d'ivoire pour : Les Traités de paix, les Traités ou Accords relatifs à l'organisation internationale, ceux qui modifient les lois internes de l'Etat ne peuvent être ratifiés qu'à la suite d'une loi. (Article 85) La ratification est une compétence discrétionnaire des États. Le droit international ne prévoit aucun délai quant à la ratification. Celle-ci peut être différée sans que ne puisse être engagée la responsabilité internationale de l'État qui a signé 1 le traité. Exemple : Les USA qui avaient signé en 1925 le protocole de Genève sur l'interdiction à la guerre des armes bactériologiques et chimiques, ne l'ont ratifié qu'en 1975. De même, ils ont signé le statut de Rome mais ne l'ont pas encore ratifié. L'entrée en vigueur du traité va varier en fonction de sa nature : - Pour les traités conclus en forme simplifiée, l'entrée en vigueur se fait dès leur signature. - Pour les traités bilatéraux, l'entrée en vigueur a lieu lors de l'échange des instruments de ratification. Le traité entre en vigueur dès la réception de la deuxième lettre ou note de ratification. - Pour les traités multilatéraux, l'entrée en vigueur est généralement subordonnée au dépôt d'un certain nombre d'instruments de ratification. Le chiffre de ratification varie en fonction de la nature de la convention. Pour les grandes conventions conclues sous les auspices des NU, le chiffre retenu est en principe de 35. Pour le statut de Rome instituant la CPI, le chiffre exigé pour son entrée en vigueur était de 60. La convention de Vienne rend obligatoire l'enregistrement au secrétariat des NU et la publication par ce dernier des traités internationaux. Cette exigence vise à la condamnation implicite de la pratique de la diplomatie discrète. C- La validité des traités Après l'accomplissement des formalités de sa conclusion, le traité nait à la vie juridique. Toutefois, il ne peut s'y maintenir pour produire durablement ses effets que s'il est valide. Comme tous les actes juridiques, il frappé de nullité en cas d'invalidité. 1- Pour que le traité puisse produire ses effets, il faut que les parties soient capables juridiquement. Au sein de la société internationale, seul un sujet 1 de droit international a la capacité requise pour conclure un traité, puisque par définition, celui-ci est un acte conclu entre sujets de DI (Etats, OI). 2- La régularité du consentement peut se manifester par une ratification imparfaite ou par un vice de consentement. - La ratification imparfaite : le problème se pose lorsque des prescriptions constitutionnelles n'ont pas été respectées. Cela affecte t-il la régularité du consentement ? C'est le cas notamment lorsqu'il existe une contradiction entre la constitution et le traité. Il faut en principe la révision de la constitution avant la ratification. Pour les internationalistes (Anzilotti), les irrégularités internes n'ont aucune incidence sur la validité du traité. Pour les internistes (Georges Scelle), les prescriptions constitutionnelles ont pleine valeur juridique dans l'ordre international. De ce fat, leur violation entraine une irrégularité internationale qui doit être internationalement sanctionnée. La ratification peut en outre émaner d'une autorité incompétente, dans ce cas, la convention de vienne prévoit en son article 46 que « Le fait que le consentement d'un Etat à être lié par un traité a été exprimé en violation d'une disposition de son droit interne concernant la compétence pour conclure des traités ne peut être invoqué par cet Etat comme viciant son consentement, à moins que cette violation n'ait été manifeste et ne concerne un...