Droit des sûretés
Publié le 04/02/2022
Extrait du document
INTRODUCTION
La notion de sûreté est intimement liée à celle de crédit. Généralement, la fourniture
d'une sûreté facilite l'octroi du crédit surtout pour ce qui est du crédit fourni par les
banques et instituions assimilées. Elle s'ajoute et renforce la créance que le créancier a en
la personne du débiteur.
La sûreté est susceptible de plusieurs définitions.
Elle peut d'abord être définie comme tout procédé ayant uniquement pour but de
prémunir le créancier de l'insolvabilité du débiteur. les droits spécialement accordés au
créancier pour que leur réalisation permette à celui-ci d'obtenir son paiement.
L’article 1 AUS donne une définition des sûretés. La sûreté y est définie comme «
l’affectation au bénéfice d’un créancier d’un bien, d’un ensemble de biens ou
d’un patrimoine afin de garantir l’exécution d’une obligation ou d’un ensemble
d’obligations, quelle que soit la nature juridique de celles-ci et notamment
qu’elles soient présentes ou futures, déterminées ou déterminables,
conditionnelles ou inconditionnelles, et que leur montant soit fixe ou fluctuant ».
Il ressort de cette définition que :
- la sûreté peut porter sur toutes sortes de biens ( isolées, regroupées en un
ensemble, tout le patrimoine, bien présent ou futur)
- les obligations garanties peuvent être présentes, futures, conditionnelles ,
déterminées ou déterminables
La sûreté a essentiellement pour rôle de garantir la solvabilité du débiteur, en cela,
elle est marquée par son caractère accessoire que l’acte uniforme rappelle en son article 2.
La sûreté s’oppose à la garantie qui peut avoir une autre fonction que celle d’assurer
l’exécution de l’obligation. La garantie n'a donc pas pour seule vocation d'assurer le
paiement du créancier à l'échéance. Ainsi, certains mécanismes du droit des obligations
comme la délégation imparfaite ou la compensation sont à cet égard, considérés comme
des garanties de paiement sans être des sûretés. Il en de même de certains mécanismes
comme l'assurance. La formule consacrée pour montrer les rapports entre sûreté et
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garantie est la suivante: toute sûreté est une garantie mais toute garantie n'est pas une
sûreté.
Les sûretés sont variées et sont par conséquent susceptibles de plusieurs
classifications. On distingue par exemple entre les sûretés légales, les sûretés judiciaires et
les sûretés conventionnelles ou encore entre les sûretés réelles et les sûretés personnelles.
L’AUS ne comporte pas une véritable classification des sûretés mais il réglemente les
principales sûretés que l’on peut regrouper suivant qu’il s’agit des sûretés réelles ou des
sûretés personnelles.
Selon l’article 4 al. 2 AUS, les sûretés réelles « consistent soit dans le droit du
créancier de se faire payer par préférence sur le prix de réalisation d'un bien affecté à la
garantie de l'obligation de son débiteur, soit dans le droit de recouvrer la libre disposition
d'un bien dont il est propriétaire à titre de garantie de cette obligation ». L’AUS n’a pas
consacré un titre spécifique aux sûretés réelles comme il l’a fait pour les sûretés
personnelles. Pourtant, on retrouve dans le texte les dispositions consacrées à toutes les
sûretés réelles aussi bien les sûretés mobilières que les sûretés immobilières. L’article 4
al.2 prévoit d’ailleurs que « sauf disposition contraire du présent Acte uniforme, les seules
sûretés réelles valablement constituées sont celles qui sont régies par cet Acte ». La liste
des sûretés réglementées constitue donc un numerus clausus, ce qui interdit la création de
nouvelles sûretés réelles aussi bien par les législateurs nationaux que par les parties ellesmêmes sauf autorisation expresse du législateur.
Pour ce qui est des sûretés personnelles, l’article 4 al. 1 AUS définit la sûreté
personnelle comme « l’engagement d’une personne de répondre de l’obligation du débiteur
principal en cas de défaillance de celui-ci ou à première demande du bénéficiaire de la
garantie ». Les sûretés personnelles permettent au débiteur d’offrir un second débiteur à
son créancier pour garantir ses obligations autrement dit pour réduire les risques de sa
défaillance. Elles aboutissent ainsi à une multiplication des personnes et donc des
patrimoines qui peuvent répondre d’une même dette.
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Deux principales sûretés personnelles sont réglementées en droit OHADA. Il s'agit du
cautionnement et de la garantie autonome anciennement dénommée lettre de garantie.
Le droit OHADA des sûretés présente quelques particularités qu'il faut présenter avant
de procéder à l'étude approfondie des différentes sûretés.
L’acte uniforme portant organisation des sûretés adopté en décembre 2010 et entré
en vigueur en 2011 s'est substitué au précédent acte uniforme adopté en 1997. Ce texte
comporte 228 articles répartis en six titres à savoir : Titre préliminaire : Définitions et
domaine d’application des sûretés- agents de sûretés, Titre I : les sûretés personnelles,
Titre II : les sûretés mobilières, Titre III : les hypothèques, Titre IV : Distribution des
deniers et classement des sûretés, Titre V : dispositions transitoires et finales.
En plus de l'organisation des différentes sûretés, l'AUS comporte quelques
innovations comme l'institution du débiteur professionnel et de l'agent des sûretés.
L’introduction de la notion de débiteur professionnel. L’article 3 définit le
débiteur professionnel comme « tout débiteur dont la dette est née dans l'exercice de sa
profession ou se trouve en rapport direct avec l'une de ses activités professionnelles, même
si celle-ci n'est pas principale ». Le débiteur professionnel sera, dans certaines
circonstances, moins bien protégé que le débiteur civil ou non professionnel. Il y a aussi le
régime spécifique désormais reconnu à certains créanciers, particulièrement les
établissements de crédit qui peuvent par exemple être seuls bénéficiaire en qualité de
créancier d’un transfert de créance à titre de garantie (articles 80 et suivants).
L’institutionnalisation de l’agent des sûretés
L’agent des sûretés est une institution véritablement nouvelle et originale dans le
paysage du droit des sûretés des pays de l’OHADA bien qu’il s’inspire du droit français
(article 2328-1 C.Civ.) et emprunte à la fois aux règles du contrat de commission et de la
fiducie. Sans donner une définition de l’agent des sûretés, l’acte uniforme en a précisé le
statut ainsi que les missions à travers les articles 5 à 11 de l’AUS.
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Pour ce qui est de son statut, il ressort de l’article 5 que seuls peuvent avoir la
qualité d’agent de sûreté les institutions financières ou les établissements de crédit
nationaux ou étrangers. Cette fonction est donc réservée aux seules personnes morales et
en particulier à celles qui relèvent du domaine bancaire et qui exercent donc parallèlement
une activité de crédit ou une activité financière. L’agent de sûretés agit en son nom. Il agit
au profit des créanciers qui l’ont désigné à cette fin. L’acte de désignation, qui doit être
établi par écrit comme cela découle implicitement de l’article 6 doit, à peine de nullité,
comporter certaines mentions telles que la détermination des obligations garanties,
l’identité des créanciers et de l’agent ou encore la durée de la mission. L’agent agit dans la
limite des pouvoirs qui lui sont conférés dans l’acte de désignation. Il peut se faire
substituer ou être remplacé dans sa mission si ces possibilités sont prévues dans l’acte de
désignation et suivant les conditions contenues dans l’acte de désignation et les modalités
prévues par l’article 10. Il engage sa responsabilité dans les mêmes conditions qu’un
mandataire salarié (article 11).
S’agissant de sa mission, l’agent des sûretés est désigné aux fins de constituer,
inscrire, gérer ou réaliser « toute sûreté ou autre garantie de l’exécution d’une
obligation ». Comme l’a relevé un auteur, « l’agent des sûretés facilite la gestion des
sûretés lorsque la créance garantie est détenue par plusieurs créanciers » Autrement dit,
lorsqu’un crédit est mis en place par un pool bancaire et que des sûretés sont offertes à
l’appui de ce crédit, l’agent des sûretés peut être désigné pour la mise en œuvre de ces
sûretés. A contrario, lorsque le crédit est mis en place par un seul créancier, il ne peut y
avoir lieu à la désignation d’un agent des sûretés. L’agent des sûretés peut intervenir aussi
bien en ce qui concerne la mise en place et le suivi des sûretés personnelles que pour ce
qui est des sûretés réelles.
Les relations entre l’agent des sûretés et les créanciers sont clarifiées. Ainsi,
aux termes de l’article 7 : « Lorsque l'agent des sûretés agit au profit des créanciers de la
ou des obligations garanties, il doit en faire expressément mention et toute inscription
d'une sûreté effectuée à l'occasion de sa mission doit mentionner son nom et sa qualité
d'agent des sûretés. L’article 8 ajoute : « Sauf stipulation contraire et pour tout ce qui a
trait aux obligations garanties, les créanciers sont représentés par l'agent des sûretés dans
leurs relations avec leurs débiteurs, leurs garants, ainsi que les personnes ayant affecté ou
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cédé un bien en garantie de ces obligations, et les tiers. Dans la limite des pouvoirs qui lui
ont été conférés par les créanciers de la ou des obligations garanties, l'agent des sûretés
peut intenter toutes actions pour défendre leurs intérêts, y compris en justice, la seule
indication qu'il intervient en sa qualité d’agent des sûretés étant suffisante ».
L’acte uniforme prévoit par ailleurs l’hypothèse d’un transfert de propriété de biens
au profit de l'agent des sûretés, dans le cadre de l’exercice de sa mission. Dans ce cas,
l’article 9 dispose que « le ou les biens transférés forment un patrimoine affecté à sa
mission et doivent être tenus séparés de son patrimoine propre par l'agent des sûretés. Il
en va de même des paiements reçus par l'agent des sûretés à l'occasion de
l'accomplissement de sa mission ». La conséquence de l’existence de ce patrimoine
d’affectation, est que « les biens ne peuvent être saisis que par les titulaires de créances
nées de la conservation et de la gestion de ces biens, y compris en cas d'ouverture d'une
procédure collective d'apurement du passif à l'encontre de l'agent des sûretés ».
S'agissant de son application, il faut préciser que l’AUS ne s’applique pas aux sûretés
constituées antérieurement à son entrée en vigueur conformément à l’article 227 qui
dispose : « Le présent Acte uniforme, qui abroge l’Acte uniforme portant organisation des
sûretés du 17 avril 1997, n'est applicable qu'aux sûretés consenties ou constituées après
son entrée en vigueur. Les sûretés consenties ou constituées antérieurement au présent
Acte uniforme et conformément à la législation alors en vigueur restent soumises à cette
législation jusqu'à leur extinction ».
Le régime des sûretés, se trouve pour l’essentiel dans l’acte uniforme relatif aux
sûretés. Ce texte de base doit, sur certains points être complété par des dispositions
éparses qui se trouvent dans d’autres actes uniformes soit de manière implicite soit parce
que le l’AUS renvoie expressément à ces textes. Il s’agit : l’acte uniforme relatif aux
procédures collectives d’apurement du passif (AUPCAP) pour ce qui est par exemple du sort
des sûretés en cas d’ouverture d’une procédure contre le débiteur ou même du classement
des sûretés dont le régime est modifié lorsque la distribution intervient dans le cadre d’une
procédure collective, l’acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de
recouvrement des créances et des voies d’exécution ( AUPSRVE) principalement pour ce qui
est des règles applicables à la réalisation de l’hypothèque puisque celle-ci, sauf dérogation
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relève des règles régissant la saisie immobilière que l’AUPSRVE organise désormais aux
articles et suivants ; de l’acte uniforme relatif au droit commercial général (AUDCG) qui
seul contient les dispositions relatives au registre du commerce et du crédit mobilier qui est
appelé à recevoir les inscriptions de toutes les sûretés mobilières. L’acte uniforme relatif au
droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique (AUSCGIE) auquel
il doit être référé pour compléter le régime du nantissements des titres et droit sociaux que
l’AUS énumère parmi les formes de nantissements. Les droits nationaux restent également
applicables en matière de sûretés. Le législateur y renvoie expressément pour certaines
questions (ex. pour la publication et l'inscription des droits réels) ou implicitement ( ex. la
détermination des règles de capacité).
Le cours sera présenté en 5 chapitres : les sûretés personnelles, les sûretés
immobilières, les sûretés mobilières ( gages et nantissements), les sûretés
réelles portant sur la propriété: propriétés-sûretés, les sûretés réelles
spécifiques: droit de rétention et les privilèges.
CHAPITRE 1 : LES SURETES PERSONNELLES : CAUTIONNEMENT ET
GARANTIE AUTONOME
La sûreté personnelle est définie à l’ article 4 AUS comme « l'engagement d'une
personne de répondre de l'obligation du débiteur principal en cas de défaillance de celui-ci
ou à première demande du bénéficiaire de la garantie ». L'AUS règlement deux principales
sûretés personnelles: le cautionnement et la garantie autonome.
SECTION 1 : LE CAUTIONNEMENT
Le cautionnement est défini à l’article 13 de l’AUS comme un contrat par lequel la
caution s'engage, envers le créancier qui accepte, à exécuter une obligation présente ou
future contractée par le débiteur, si celui-ci n'y satisfait pas lui-même. Cet engagement
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peut être contracté sans ordre du débiteur. Il est désormais régi par les articles 13 à 38 de
l’AUS.
Le cautionnement met en présence trois personnes que sont le débiteur, le créancier
et la caution et donne donc lieu à une relation triangulaire. A la relation initiale qui lie le
débiteur à son créancier, va s’ajouter une nouvelle relation entre la caution et le créancier,
le premier s’engageant en faveur du second à exécuter la prestation due par le débiteur en
cas de défaillance de ce dernier. Mais en même temps, le contrat de cautionnement a une
certaine autonomie par rapport au contrat principal. La caution ne s’engage que sur
l’initiative du débiteur avec lequel elle entretient des relations. La loi prévoit toutefois que
l’engagement de la caution peut être fait sans ordre du débiteur.
P.1. GENERALITES SUR LE CAUTIONNEMENT
Il s'agit de préciser les caractères, les sources et les modalités du
cautionnement.
caractères du cautionnement
Le cautionnement présente quelques caractères principaux. C’est un contrat
accessoire, un contrat unilatéral et en principe gratuit.
- Un contrat accessoire
Le cautionnement n’a de raison d’être que par référence à une obligation principale
dont il a pour objet d’assurer l’exécution. Il ne peut donc exister sans une obligation
principale dont il dépend. Très souvent, cette obligation principale est une obligation de
somme d’argent née d’un crédit octroyé par le créancier au débiteur. L’obligation garantie
peut être préalable ou concomitante à la constitution de la sûreté et exceptionnellement,
elle peut être postérieure.
- Un contrat unilatéral
Dans le cautionnement, seule la caution s’engage envers le créancier qui accepte, à
payer la dette du débiteur si ce dernier ne le fait pas. Le créancier quant à lui ne prend
aucun engagement. Toutefois, ce principe admet quelques aménagements.
Conventionnellement, le cautionnement peut devenir synallagmatique si les parties mettent
des obligations à la charge du créancier. Légalement, le créancier peut être tenu de
certaines obligations.
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- Un contrat gratuit
La gratuité du cautionnement doit être entendue aussi bien dans les relations entre
le créancier et la caution que dans les relations entre la caution et le débiteur.
S’agissant de la première relation, la caution ne perçoit aucune rémunération de la
part du créancier parce que le contrat est unilatéral. S’agissant de la seconde relation c’està-dire celle qui lie le débiteur à la caution, l’analyse traditionnelle et originaire du contrat en
avait fait un contrat gratuit, un service d’amis ou de famille en ce sens qu’il était
normalement fourni gratuitement par une personne en faveur d’une autre pour faciliter
l’obtention du crédit ou garantir l’exécution d’un engagement. C’est dire que la caution ne
percevait aucune contrepartie et plus précisément aucune rémunération de la part du
débiteur pour son engagement. Cette gratuite est toutefois de plus en plus remise en
cause.
SOURCES DU CAUTIONNEMENT
Le cautionnement peut résulter :
- d’une convention établie entre les parties , c’est le cautionnement conventionnel qui
est la source la plus usuelle du cautionnement
- de la loi On qualifie le cautionnement de légal lorsque le débiteur est tenu par la loi
dans des circonstances particulières de fournir une caution pour la garantie de ses
obligations. Ainsi, plusieurs textes en matière fiscale ou douanière, en matière de marchés
publics imposent parfois la fourniture d’une telle caution.
- D'une décision de justice : Le cautionnement judiciaire pour sa part correspond au cas
où la fourniture d’une caution résulte d’une décision de justice.
LES MODALITES DU CAUTIONNEMENT
Le cautionnement peut être fourni suivant diverses modalités.
- Le cautionnement simple et le cautionnement solidaire
Il est simple lorsque la caution ne paie la dette du débiteur principal que si et seulement si
la défaillance de ce dernier est établie par le créancier et que cette caution s’engage seule
à payer. Le cautionnement solidaire quant à lui recouvre diverses hypothèses : la solidarité
entre la caution et le débiteur et la solidarité entre les cautions.
« COURS DE DROIT DES SÛRETES (OHADA) Par Mme Yvette Rachel KALIEU ELONGO, Professeur à l'Université de Dschang ( CAMEROUN) Février 2016. »
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