Dissertation sur « L’articulation des sources législatives et supra-législatives (européennes et constitutionnelles) »
Publié le 05/02/2024
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«
« L’articulation des sources législatives et supra-législatives
(européennes et constitutionnelles) »
Le jeudi 7 octobre 2021, le tribunal constitutionnel polonais a rendu un arrêt
relatif à « l'évolution de la conformité à la constitution polonaise de certaines
dispositions du traité sur l'Union européenne ».
Dans cet arrêt, il déclare
l'incompatibilité du traité international de l'Union européenne à certains articles de sa
constitution, allant par conséquent à l’encontre du principe de supériorité du droit de
l'Union européenne sur le droit interne des États membres.
Cet événement relance
alors le débat sur la souveraineté juridique des États membres de l'Union
européenne, et d'une manière plus générale sur les rapports qu'entretiennent les
différentes sources du droit, législatives et supra-législatives, dans la construction
d’un État.
L'établissement d'un système de règles à respecter dans la construction d'un
État n'est pas forcément chose aisée, car le droit, dans un État, s'exerce par le biais
d'un corps juridique complexe mis en place par plusieurs organes.
Le système
juridique d’un État est composé de plusieurs sources de droit qui n’ont pas toutes la
même valeur.
En effet, il est important de distinguer les sources législatives comme
les lois ou les ordonnances, des sources supra-législatives telles que la Constitution
ou les traités internationaux, aussi appelés normes communautaires.
Toutes ces
normes ne sont pas égales et ne sont pas appliquées de la même manière.
C'est Hans
Kelsen, au XX -ème siècle qui établit la théorie novatrice dite de « la pyramide des
normes », théorie mettant en place une hiérarchie des normes juridiques, scindée au
niveau de la loi.
On trouve alors d’un côté les sources infra-législatives,
hiérarchiquement inférieures à la loi, et de l’autre côté les sources supra-législatives,
cette fois hiérarchiquement supérieures.
Les sources supra-législatives peuvent être
divisées en deux groupes, les sources constitutionnelles regroupées sous le qualificatif
de « bloc de constitutionnalité » et officiellement consacrées par l’arrêt sur la liberté
d’association du 16 juillet 1971 rendu par le Conseil constitutionnel, et les sources
conventionnelles, regroupant les traités internationaux, le Droit de l'Union
européenne et le Droit européens des droits de l’Homme.
Si dans les premiers temps la théorie de Kelsen permettait un certain contrôle de
lois et des autres sources, depuis la fin du XXe siècle elle connaît une contradiction
évidente, notamment avec les regroupements de pays, pour des intérêts le plus
souvent économiques, qui revendiquent un statut spécial d'union, de confédération...
produisant des traités internationaux censés avoir valeur suprême, même sur la
Constitution de l'État qui compose l'alliance.
Cette situation, au-delà du problème de
réelle effectivité ou non des traités internationaux, pose la question primordiale de la
souveraineté de l'État.
Ainsi, si les rapports et l’articulation des sources législatives et
supra-législatives d’un État sont le plus souvent harmonieux, il arrive cependant que
des conflits prennent forme, entre sources législatives et supra-législatives, mais
aussi entre différentes sources uniquement supra-législatives.
Il conviendra alors de se demander quelles relations entretiennent les sources
législatives et supra-législatives telles que celles européennes et constitutionnelles, et
comment ces sources s’articulent entre elles.
En prenant garde à bien distinguer le plan interne du plan international, il sera
utile d’aborder dans un premier temps l’articulation des sources du droit au niveau
interne, puis dans un second temps, l’articulation des sources de droit au niveau
européen.
I)
L’articulation des sources de droit au niveau interne
Bien que la hiérarchisation des normes au sein de l'état dépende avant tout de
la Constitution de celui-ci et des différents organes veillant à la bonne application des
principes énoncés par les textes à valeur constitutionnelle (A), la position hiérarchique
des traités internationaux dans l’ordre interne ne fait pas l’unanimité (B).
A) La Constitution d’un État, norme suprême présumée
Dans l’approche classique qui prévalait à l’époque du Code civil, la loi était la
source par excellence du droit.
Cette approche est aujourd’hui largement révolue.
Audessus de la loi, des sources d'origines nationales mais aussi internationales
s'imposent désormais à elle.
Le déclin de la loi n'est ainsi pas seulement qualitatif,
mais tient aussi au fait que la loi est sous l'emprise de règles qui lui sont supérieures
et à qui elle ne saurait être contraire.
L’exemple le plus marquant de source supralégislative d’origine nationale est la Constitution d’un État, sans laquelle cet État ne
pourrait exister.
En effet qu'elle soit écrite ou orale, la constitution régit le
fonctionnement et l'organisation des institutions.
Elle est le témoignage de la
souveraineté de l'état et vise à la répartition des pouvoirs entre le président de la
République, le Premier ministre et les assemblées, mais consacre aussi spécialement
à travers son préambule des droits et libertés fondamentaux.
C'est pourquoi la
constitution est appelée la « charte suprême », l'acte juridique au-dessous de tout,
c'est-à-dire au-dessus des règlements des lois et des traités communautaires.
Au
niveau interne de l'État, la Constitution est donc l'élément fondamental des sources
supra-législatives et est au sommet de la « pyramide des normes ».
En France, la
Constitution garantit la distinction et la répartition des trois pouvoirs, permettant une
limite aux détenteurs des pouvoirs.
Cette limite est également assurée par les textes
à valeur constitutionnelle que sont « La Déclaration des Droits de l’Homme et du
Citoyen » de 1789, le Préambule de la Constitution de 1946, et plus récemment la
Charte de l'environnement de 2005.
Ce bloc de constitutionnalité a valeur suprême
sur les lois édictées par les divers codes tels que le code civil ou le code du
commerce.
En effet, les lois que répertorient ces ouvrages se doivent d'être
conformes à la Constitution, autrement, ils seront changés.
Dans le système français, des organes existent pour surveiller la mise en place
des règles à valeur supra-législatives.
C’est d’ailleurs le Conseil constitutionnel, fondé
en 1958 qui assure la suprématie de la Constitution à l’encontre de la loi.
Ayant
initialement la fonction d’assurer le respect et la répartition des compétences entre le
Parlement et le Gouvernement (fonction consacrée par les articles 34 et 37 de la
Constitution), le Conseil constitutionnel a vu son rôle s’étendre au fil de réformes.
En
effet, en 1971, saisi concernant une loi sur la liberté d’association, le conseil opère sa
révolution.
Il admet à partir de là, de contrôler la conformité de la loi aux principes et
droits contenus dans le Préambule de la Constitution de 1958, devenant garant des
droits et libertés à l’encontre de la loi.
En 1974, Valéry Giscard d'Estaing décide de
réformer la constitution pour élargir la saisine du Conseil constitutionnel en
permettant qu’il puisse être saisi par soixante députés et soixante sénateurs, en plus
du Président, du Premier ministre et des chefs des assemblées.
Enfin, en 2008, une
réforme constitutionnelle vient ajouter au contrôle a priori (avant l’entrée en vigueur
de la loi), un contrôle a posteriori (après l’entrée en vigueur de la loi) par voie
d’exception.
Intervenant directement dans les litiges en cours, le Conseil
constitutionnel devient alors une véritable juridiction.
Ces différentes évolutions
entraînent une « constitutionnalisation » de l'ensemble du droit.
Le terme exprime un
phénomène affectant le droit objectif par lequel se manifeste l'influence de la
Constitution ou du Conseil constitutionnel sur une ou plusieurs branches du droit.
C'est-à-dire par là que le contrôle de constitutionnalité de la loi oriente le droit positif
et conduit à faire du respect des droits constitutionnels le fondement de diverses
règles de droit.
Cependant, en France comme dans nombre de pays, l'organisation
pyramidale interne des normes connaît une contradiction quant aux coalitions
internationales qui mettent en place des traités qui doivent avoir primauté sur la
Constitution de l'État.
B) La place des traités internationaux dans l’ordre juridique interne
Par définition, aucune norme ne peut contredire la Charte Suprême d'un
État.
Seulement, on ne peut réduire l'État à un territoire administré et organisé selon
une Constitution : un État est une entité jouant un rôle au niveau international.
Ces
relations internationales sont indispensables étant donné qu'elles servent des enjeux
surtout économiques mais aussi potentiellement politiques et culturels pour le pays.
Ainsi se forment des coalitions internationales comme l'Union européenne qui fixe des
avantages économiques pour les pays adhérents tels que la libre circulation dans les
pays concernés (réduisant ainsi les droits de douane).
Seulement, ces accords se font
par l'intermédiaire de traités, qui ont une valeur supra-constitutionnelle ; c'est-à-dire
qu'ils priment sur le droit édicté par la Constitution.
Ainsi, on peut assister à de
véritables contradictions entre le droit interne et le droit des traités internationaux.
Si
la Constitution règle parfaitement la question du lien entre la loi et les traités,
́ des traités sur les lois à son article
puisqu’elle détermine très clairement la supériorité
55 « Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur
publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord
ou traité, de son application par l'autre partie », elle ne définit pas aussi clairement la
relation hiérarchique qu’elle entretient avec les traités.
Son article 54 évoque cette
question.
En effet, il prévoit que si un traité n’est pas conforme à la Constitution, et
plus globalement aux dispositions à valeur constitutionnelles,....
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