Droit des obligations II La responsabilité a pour rôle de réparer un dommage subi par autrui. Dans la responsabilité civile extracontractuelle, l'auteur d'un dommage sera tenu de le réparer. En revanche dans les quasi-contrats, cette réparation constituera en un rééquilibre d'un transfert, de restituer un bien injustement perçu. Titre 2 : La responsabilité civile extracontractuelle Définitions : La responsabilité civile extracontractuelle (RCE) désigne le mécanisme par lequel une personne, le responsable, se voit imposer une obligation de réparation/indemnisation à l'égard d'une autre personne, la victime. Dans ce rapport d'obligations, le responsable va tenir le rôle de débiteur et la victime de créancier. S'il est dit extracontractuel, cela veut dire que l'obligation à la charge du responsable ne sera pas liée à l'inexécution du contrat. Autrement dit, la RCE n'a pas vocation à s'appliquer lorsque le dommage résulte de l'inexécution du contrat. Sinon, la responsabilité civile contractuelle va s'appliquer. La désignation d'extracontractuelle s'agit d'une désignation moderne. Classiquement, on parle de responsabilité civile délictuelle ou quasi-délictuelle. Pourquoi ce changement progressif de terminologie ? Le délit et le quasi-délit renvoient vers une idée de faute intentionnelle ou non-intentionnelle. Ainsi, les termes de l'expression renvoient vers l'obligation d'indemniser un dommage résultant d'une faute et non d'une absence de faute. Or le droit positif comprend de nombreuses hypothèses où la RCE aura des effets au-delà d'une présence d'une faute. Distinctions : Il y a deux éléments de distinction forts se dégageant de la définition : l'objet de la RCE, objet qui consiste en une réparation, et d'autre part, d'une réparation qui porte sur un dommage non lié à l'inexécution d'un contrat. L'objet de la RCE consiste en une réparation d'un dommage causé à autrui. En cela, la RCE est une responsabilité civile par opposition à la responsabilité pénale. Cette dernière a pour objet de punir, sanctionner et non de réparer. Historiquement, ces deux types responsabilités sont confondus, voire vont empiéter l'un sur l'autre. Progressivement, ils se dissocient, l'idée de vengeance et punition physique va laisser une place à l'idée d'une réparation du dommage subi. Cette distinction est définitivement consommée suite à la Révolution. Alors que la responsabilité civile n'a pour objet que de réparer et qu'il ne peut y avoir de responsabilité civile sans dommage, la responsabilité pénale peut s'appliquer en l'absence de tout dommage. Elle existe indépendamment de tout préjudice, ce n'est pas un critère. En revanche, elle s'estompe parfois dans le domaine de la responsabilité civile qui, sous couvert d'indemnisation, aura pour fonction d'infliger une sanction. Dans d'autres systèmes, tel le système américain, il existe le système de dommages et intérêts punitifs qui vont surpasser le montant du préjudice car, en fonction du fait générateur, le juge aura le pouvoir d'augmenter ce montant dans le cadre du terrain civil. La Cour de cassation affirme que la réparation doit être intégrale et ne se tient qu'au dommage et qu'au dommage seulement. Or en analysant la jurisprudence et notamment la position des juges du fond, lorsqu'ils en ont la marge d'appréciation, la valeur de l'indemnisation va parfois excéder les montants fixés par les textes. Cette augmentation peut être relative à la nature morale du dommage (préjudice lié à la douleur) ou au comportement de l'auteur du préjudice. Le juge a tendance à être plus généreux envers les victimes de ce dernier scénario. Autre distinction : la responsabilité civile contractuelle (RCC) et la responsabilité civile extracontractuelle. Lorsque le dommage résulte de l'inexécution du contrat, le mécanisme qui s'applique pour corriger le dommage est celui de la RCC. Dans un cas contraire, c'est la RCE qui s'applique. Trois conditions sont à valider pour appliquer la RCC : la victime doit être partie au contrat, l'auteur doit lui-même être partie et le dommage doit découler d'une inexécution d'une obligation née par le contrat. Cette distinction n'est pas uniquement théorique : les règles applicables à l'une et à l'autre ne sont pas les mêmes. Trois règles sont spécifiques à la sphère contractuelle : le débiteur doit être mis en demeure, le dommage réparable est le seul dommage prévisible (le dommage que les parties ont intégré dans la sphère contractuelle), les clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité sont en principe valables là où elles sont prohibées par la RCE. Ainsi, la RCE serait relative à l'ordre public. Cette distinction se double par le principe de non cumul des responsabilités civiles posé par la jurisprudence. Ce principe est mal nommé : la jurisprudence explique qu'il n'y a pas de choix pour la victime car elle doit agit sur le fondement de la RCC. Si les conditions de la RCC ne sont pas remplies, la victime devra, sur un principe de non-option, agir sur le fondement de la RCE. L'inverse n'est pas valable : la victime ne peut pas agir sur la base du RCC si les conditions de la RCE ne sont pas vérifiées. L'action sera jugée irrecevable. Ainsi, arbitrer entre extracontractuel et contractuel n'est pas toujours évident. Récemment, les régimes de la RCC et de la RCE se rapprochent. Trois mécanismes démontrent ce rapprochement : La jurisprudence limite la mise en demeure pour renforcer les dommages et intérêts moratoires et peut complétement l'évincer si le préjudice est accompli, sans possibilité de retourner en arrière. En matière contractuelle, la victime avait 30 ans pour agir à compter de la découverte ou de la réalisation du dommage alors qu'en matière ce délai était de 10 ans. Or une loi du 17 juin 2008, les délais de prescription sont unifiés : ce délai est désormais de 5 ans avec des nuances en matière contractuelle où il peut être rallongé à 10 ans. Développement de régimes civils, régimes spéciaux de responsabilité civile qui transcendent la distinction entre RCE et RCC puisqu'il s'applique indépendamment du dommage commis entre responsable et victime. Peu importe si un contrat existe entre les deux. Ex : Régimes appliqués aux accidents de la circulation et du fait des produits défectueux. Fondement : Classiquement, on distingue deux fondements : la faute et le risque. Vont succéder des approches plus modernes qui s'en sont inspirées mais qui les modifient. Les approches classiques La faute est historiquement le premier fondement assigné à la responsabilité civile étant donné que le droit civil est intimement lié aux droits pénal et judéo-chrétien. En revanche, des hypothèses se posent où la preuve d'une faute n'est pas possible. Dans ce cas, la victime n'est pas indemnisée. Ainsi, le fondement du dommage va s'étendre jusqu'à couvrir les risques. En ce qui concerne la faute, le droit romain, y compris au lendemain de l'adoption du Code Civil, l'assigne comme étant le seul fondement de l'indemnisation. Des articles du CC impliquaient, en soi, la présence de l'esprit fautif. Les auteurs ont longtemps défendu l'unique fondement sur la faute. Pour Planiol, ce serait une injustice sociale de ne pas indemniser car la faute fait prévaloir l'intérêt de la victime : « Pas de faute, pas de responsabilité ». La faute conserve de l'importance, des régimes pour faute sont toujours en vigueur. Or, des régimes objectifs, indépendants du comportement de l'auteur du dommage sont créés. Dans ce mouvement d'assouplissement, l'idée de risque s'accroît comme fondement valable à l'indemnisation. Les victimes incapables de démontrer la présence d'une faute doivent être indemnisées, telle est l'idée qui s'accroît. Saleilles et Josserand développent la théorie du risque-profit en expliquant que la responsabilité civile ne peut pas avoir pour seul fondement la faute/déviance mais doit également permettre de faire peser sur celui qui exerce une activité générant un risque pour autrui, activité dont il tire profit, des dommages et intérêts lorsque ce préjudice est réalisé. Ex : accidents du travail, loi de 1898. Cette théorie a une grande influence en termes de responsabilité civile bien qu'il lui soit reproché trois objections : Cette théorie conduirait à l'inactivité : je fais, je risque et donc je ne fais plus. Cette théorie conduirait à l'insouciance : fautif, pas fautif, je devrai payer. Donc pourquoi être attentif ? Il y aurait relâchement du comportement et amplification des préjudices. En se décornant de la faute comme fondement de la responsabilité civile, on réduit la responsabilité aux causalités : est-ce que le dommage est lié à l'activité dont on prétend être génératrice du préjudice ? En adoptant d'autres fondements, une pluralité de causes à la base d'un dommage apparait. Or comment agir face à multiples causes ? Hiérarchiser ou retenir certaines ? Tenir compte de plusieurs auteurs du dommage ? Cela générerait des difficultés quant aux techniques de mises en oeuvre du régime des indemnisations. Les analyses modernes Ces analyses expliquent les développements récents du droit civil. Trois théories principales se dégagent : Le renouveau du risque : c'est un prolongement direct de la théorie du risque. Ce mouvement se focalise sur le point de vue de l'auteur du dommage, pourquoi il a commis ce dommage. Deux courants doctrinaux viennent à apporter, en justifiant, des solutions bien particulières. La théorie de la mise en danger fait partie de ce courant : il a était proposé de retenir un principe général de responsabilité sans faute à l'égard de quelqu'un qui exercerait une activité particulièrement dangereuse. L'avant-projet Catala de réforme des obligations consacre cette théorie de mise en danger en en faisant un nouvel objet de responsabilité sans faute. Un changement d'optique important va prendre en compte l'utilisation de la responsabilité civile comme mécanisme préventif à priori et non comme réparatrice de dommages graves et irréversibles causés à posteriori. Le principe de précaution fonde ce mouvement de pensée. L'auteur Catherine Thierberge prône cette théorie. Lorsqu'il existe un risque, donc un aléa, suffisamment grave, il ne suffit plus d'attendre la réalisation du risque mais de prendre des mesures de vigilance qui anticiperait ce risque ou du moins produire des dommages minimes. La théorie de la garantie : Cette théorie est développée parBoris Starck qui se met du point de vue de la victime. La théorie se pose plutôt de savoir si la victime n'a pas droit à telle indemnisation. Cette indemnisation ne se concentre pas sur l'attitude de l'auteur du préjudice. Ce qui déclencherait la responsabilité civile serait simplement le dommage même : il suffirait de démontrer qu'objectivement, les dommages trouvent leur origine dans un évènement rattachable à un tiers pour que sa responsabilité soit engagée. Tout dommage mérite une indemnisation. Cette théorie n'a pas une grande influence sur le droit positif : le droit positif est indéniablement devenu en faveur des victimes. Cette théorie a certes pu aider cette évolution. En revanche, elle n'a jamais réellement percé sauf dans le domaine des accidents routiers et les victimes de dommages notamment corporels. La mise en jeu de la RCE suppose la réunion de plusieurs conditions, dont le dommage. Mais, l'existence du dommage ne suffit pas. Contrairement à ce que fait penser la théorie de Starck, le droit d'indemnisation ne s'applique à tous les dommages, faute de responsable. Si les conditions ne sont pas réunies, la victime prendra à sa charge les conséquences du préjudice subi. La théorie de l'autorité : C'est une théorie développée par Noël Dejean de la Batie faisant la synthèse de l'ensemble. Elle se met de nouveau du point de vue de l'auteur. L'idée que défend l'auteur est de dire que si l'on est responsable, c'est parce que l'on est libre et l'on est libre parce qu'on agit sous sa propre autorité. La responsabilité, c'est la rançon de l'autorité. A partir du moment où un évènement anormal (et non simplement fautif) intègre la sphère d'autorité d'un sujet de droit, ce sujet doit être reconnu comme responsable. Cette théorie est séduisante car elle est exacte. Sous-titre 1 : Les conditions de la responsabilité civile L'article 1382CC explique la responsabilité civile pour faute : tout fait fautif d'un sujet de droit qui cause à autrui un dommage oblige le fautif à le réparer. La structure est bien exprimée. Elle suppose un fait générateur à l'origine d'un dommage selon un lien de causalité. Chapitre 1 : Le dommage En jurisprudence, dommage et préjudice sont synonymes bien qu'ils ne le soient pas en doctrine. Le dommage est la première condition de la responsabilité civile (RC). Néanmoins, tout dommage ne suppose pas indemnisation, donc RC. Ex : exploitation d'un commerce - installation d'une entreprise concurrente aux alentours - dommage : perte de valeur du concurrence via dépréciation de la clientèle et du chiffre d'affaires - pas d'indemnisation. Pour savoir ce qu'est un dommage indemnisable, il faudra distinguer les catégories de dommages et les caractéristiques des dommages réparables. Section 1 : Les catégories de préjudices Dans la classification classique, on opposait premièrement dommage matériel et dommage moral. Mais cette opposition s'est révélée insuffisante et on a été dans l'obligation de faire référence à un autre type de dommage, le dommage corporel, qui présente un aspect matériel et moral à la fois. L'opposition classique manquait de précision. On préfère aujourd'hui l'opposition entre préjudices patrimoniaux et préjudices extrapatrimoniaux. Dans la plupart des cas, les termes préjudice et dommage sont synonymes. En revanche, des distinctions peuvent être faites. Comment envisager cette distinction ? Outre une question de responsabilité, une question d'atteinte permet de l'envisager : soit une atteinte à des intérêts patrimoniaux ou extrapatrimoniaux. Mais cette atteinte résulte toujours d'un évènement premier, c'est-à-dire l'évènement à l'origine de l'atteinte. Dans l'approche moderne, cet évènement est appelé dommage alors que les conséquences de cette atteinte sont qualifiées de préjudice. C'est le préjudice qu'on va indemniser. §1 : Le préjudice patrimonial Le préjudice patrimonial s'agit de l'ensemble de toutes les atteintes aux intérêts économiques de la victime. Elles vont avoir un impact sur le patrimoine de la victime. Première précision : L'atteinte peut se concrétiser de deux manières différentes : Le patrimoine de la victime va enregistrer une perte : son actif patrimonial va se déprécier, diminuer. Il pèsera moins lourd après l'intervention du dommage. Cette perte s'agit du damnum emergens. Il ne s'agira plus d'une perte dans le patrimoine mais d'un manque à gagner, d'une absence d'augmentation. Dans ce cas, sans l'évènement à l'origine du dommage et sans la réalisation du dommage, le patrimoine de la victime se serait accru, aurait pesé plus lourd. Ce manque à gagner est nommé lucrum cessans. Deuxième précision : De quoi ces préjudices patrimoniaux pourront-ils résulter ? Essentiellement, il y a deux séries d'évènements : Ils pourront résulter d'une atteinte aux biens/choses de la victime. Exception : atteinte à des biens qui seraient hors du commerce juridique. Ils pourront résulter d'une atteinte à la personne, notamment d'un dommage corporel. Des préjudices patrimoniaux peuvent s'en suivre, que ce soit un damnum emergens ou d'un lucrum cessans. En revanche, les dommages corporels engendrent également des préjudices extrapatrimoniaux. §2 : Le préjudice extrapatrimonial Il est constitué par une atteinte aux intérêts extrapatrimoniaux de la victime. Le préjudice extrapatrimonial est également désigné par préjudice moral. Cela signifie que sur le terrain de la RC, on se pose la question de savoir si la victime a le droit d'obtenir réparation à raison d'une atteinte qui ne frappe pas son patrimoine et qui ne présente pas de valeur en argent. Ex : à la suite d'un dommage corporel, une douleur en résulte ; c'estun préjudice extrapatrimonial. Certains auteurs disent qu'il est impensable de « monnayer les larmes », avec deux objections principales : Une objection d'ordre philosophique : il parait difficile de s'enrichir sur la base d'un préjudice extrapatrimonial excluant toute valeur marchandise ; Une objection d'ordre pratique : l'évaluation de ce préjudice, l'évaluation du montant de l'indemnisation. Contrairement au JA, le JJ trouve inadmissible de laisser la charge d'un préjudice futile, extrapatrimonial à la victime et ne rien poser au responsable. Ainsi, dès les premiers arrêts datant des années 1830, l'indemnisation des préjudices extrapatrimoniaux est admise. De quoi un préjudice extrapatrimonial peut-il résulter ? A l'occasion d'un dommage corporel, des préjudices extrapatrimoniaux résultent. Exemple essentiel : le prix de la douleur, le pretium doloris. Autre préjudice : préjudice esthétique, c'est-à-dire une douleur qui résulterait de voir son apparence actuelle fortement détruite suite à une procédure esthétique. Le préjudice d'agrément est un autre exemple : être empêché d'exercer une activité qu'on exerçait précédemment et qui nous faisait ressentir un certain plaisir, un certain agrément. Le préjudice sexuel est également reconnu par la jurisprudence comme étant un préjudice résultant d'un dommage corporel. Une atteinte aux biens peut également engendrer un préjudice extrapatrimonial bien que ce soit rare. La perte d'un animal domestique peut faire l'objet d'une indemnisation dû à la douleur morale ressentie. Il se peut aussi que le préjudice extrapatrimonial soit un préjudice pur : il ne résulte ni d'un dommage corporel, ni d'une atteinte aux biens. Cela concerne principalement deux hypothèses : L'hypothèse des préjudices extrapatrimoniaux subis par ricochet, soit un dommage réfléchi, subi par contrecoup : c'est un préjudice affectif. C'est la peine ressentie à l'occasion d'une perte ou accident grave d'un proche. Ce n'est donc pas la conséquence du dommage subie par la victime elle-même mais par un tiers. C'est donc dans ce sens un dommage extrapatrimonial. Le dommage a rejaï sur une autre victime, d'où l'effet ricochet. Une atteinte au droit de la personnalité : Ce sont les hypothèses où le préjudice va résulter d'une atteinte directe aux droits de la personnalité. Ex : le droit de l'image, droit à l'honneur, à la vie privée, la présomption d'innocence, etc. La victime de cette atteinte va subir un préjudice &agra...