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Cour de Cassation, chambre commerciale, 15 mars 2023

Publié le 06/10/2024

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« Dans un arrêt de principe, la chambre commerciale de la Cour de cassation se prononce, le 15 mars 2023, sur la validité d’une promesse de vente malgré la rétractation du promettant avant la levée de l’option. En l’espèce, la société Morgane groupe (société MG) et la société groupe télégramme développement (société GTD) ont conclu un protocole d’accord cadre le 21 juin 2012.

Ce protocole contient 3 étapes qui ont pour but d’aboutir à l’entrée de la société GTD au capital de la société C2G, qui est une filiale de la société MG.

La première étape du protocole est réalisée, elle comprend l’acquisition par la société GTD de 47% des actions de la société C2G, le reste étant détenu par la société MG.

Lors de la deuxième étape du protocole, la société MG consent à une promesse unilatérale de cession de 13% des actions de la société C2G à la société GTD.

La société GTD bénéficie de 6 mois, à compter de la tenue de l’assemblée générale approuvant les comptes clos au 31 décembre 2015, pour lever l’option.

La troisième étape comprend la conclusion d’une promesse synallagmatique de cession de l’ensemble des cations de la société C2G détenue par la société MG à la société GTD.

Il est précisé que cette promesse synallagmatique de cession ne sera valable que lorsque les 2 étapes précédentes auront été réalisées.

Le 8 mars 2016, la société MG communique à la société GTD la rétractation de sa promesse unilatérale.

Le 28 juin 2016, la société GTD a notifié à la société MG son intention de lever l’option. La société GTD, aux droits de laquelle est venue la société GTM, assigne la société MG et sa filiale C2G en exécution forcée de la promesse et en paiement de dommages intérêts.

La société GTD interjette appel à la Cour d’appel de Rennes.

Un arrêt est rendu le 6 juillet 2021 dans lequel la Cour d’appel de Rennes rejette la demande d’exécution forcée en nature de la vente de la société GTD.

La société GTM se pourvoit en cassation.

Selon eux, la promesse étant conclue avant l’entrée en vigueur de la réforme de février 2016, et donc étant régie par le droit tel qu’il était applicable avant celle-ci, le fait que le promettant procède à la rétractation de ladite promesse empêchait la rencontre utile des volontés entre les deux parties. La société GTM formule un moyen unique dans son pourvoi, reprochant à l'arrêt de ne pas avoir accédé à ses demandes concernant l'exécution forcée de la deuxième étape du protocole, la condamnation à réparation du préjudice subi en dommages et intérêts, ainsi que la validité de la promesse de cession. Pour l'exécution forcée de la deuxième étape du protocole, la société GTD exige de la société MG de céder 13 % du capital-actions de la société C2G dans un délai de 8 jours après réception de l'arrêt.

En cas de dépassement de ce délai, une pénalité de 1000 euros par jour de retard est réclamée.

De plus, la simple notification de l'arrêt à la société MG est considérée comme une instruction pour effectuer cette cession, obligeant ainsi la société MG à enregistrer la cession des actions correspondant à 13 % de son capital social en faveur de la société GTD.

En ce qui concerne la condamnation à des dommages-intérêts, la société GTD réclame 431 000 euros pour compenser les préjudices résultant de la vente tardive et de la rétractation sur la promesse de cession.

La société GTM rappelle que la promesse unilatérale de vente est un avant-contrat contenant les éléments essentiels du contrat final, dès lors que le promettant signe une telle promesse, il s'engage définitivement à vendre. Dans ce cas, la rétractation de la promesse avant le début du délai de levée d'option ne peut empêcher la formation du contrat.

La société MG avait consenti à la société GTM une promesse unilatérale de vente permettant une levée de l'option dans les 6 mois suivant l'assemblée générale approuvant les comptes au 31 décembre 2015.

La société MG a rétracté sa promesse le 8 mars 2016 avant le début du délai de levée d'option.

La société GTM a levé l'option le 28 juin 2016, soit le jour suivant l'assemblée générale.

Cependant, la Cour d'appel a jugé que la levée de l'option après la rétractation du promettant exclut la rencontre des volontés réciproques de vendre et d'acquérir, en violation des articles 1101, 1134 et 1142 du code civil. La rétractation de la promesse de vente antérieurement au délai de levée d'option, oblige-t-elle toujours à la formation du contrat ? La Cour de Cassation répond favorablement en se référant à l’ancien article 1134 du code civil, disposant que "les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites".

Elle effectue un revirement de jurisprudence en expliquant que la promesse unilatérale de vente, contrairement à une simple offre de vente, constitue un contrat préparatoire au contrat définitif, comportant les éléments essentiels de ce dernier.

Elle déclare que cette promesse régit les conditions de validité de la vente, notamment la capacité du promettant à contracter et à disposer de son bien. La Cour établit également que l'article 1124 alinéa 2 du code civil, issu de la loi de ratification du 20 avril 2018, qui dispose que la révocation de la promesse pendant la période accordée aux bénéficiaires pour opter n'empêche pas la formation du contrat promis, doit rétroagir.

La société MG conteste ce changement en invoquant des atteintes à la sécurité juridique, au droit à un procès équitable et au droit au respect des biens.

Cependant, la Cour rejette ces arguments en expliquant que la sécurité juridique et la protection de la confiance légitime des justiciables ne garantissent pas une jurisprudence immuable.

La Cour de Cassation affirme que le revirement de jurisprudence ne prive pas rétroactivement la société MG de son droit à un procès équitable.

Elle estime que les conséquences du changement pour la société MG ne semblent pas disproportionnées étant donné qu'elle devait verser des dommagesintérêts correspondant à son préjudice.

Par conséquent, la Cour de Cassation applique le principe selon lequel la révocation de la promesse avant l'expiration du délai accordé au bénéficiaire pour opter n'empêche pas la formation du contrat promis, en concluant que la Cour d'appel a violé la loi en vigueur antérieure à la réforme. Nous intitulerons la première partie de notre commentaire (I) « Une solution attendue, nécessaire à l’harmonisation de la jurisprudence sur la promesse unilatérale de vente».

Nous exposerons dans la seconde partie (II) que c’est « une solution critiquable clarifiant la rétroactivité de la jurisprudence». I- Une solution attendue, nécessaire à l’harmonisation jurisprudence sur la promesse unilatérale de vente de la La Cour de cassation abandonne judicieusement sa jurisprudence antérieure (A), et applique les règles à la lumière du droit nouveau (B). A- L’abandon prévisible d’une jurisprudence antérieure incertaine Dans un arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de Cassation du 10 mai 1968, on voyait déjà apparaitre une certaine ambiguïté s’agissant de la rétractation de la promesse unilatérale de vente.

En effet, celle-ci posait le principe selon lequel « si une offre de vente peut en principe être rétractée tant qu'elle n'a pas été acceptée, il en est autrement au cas où celui de qui elle émane s'est expressément engagé à ne pas la retirer avant une certaine époque ».

Ainsi, on ne définissait pas la promesse unilatérale de vente, elle était assimilée à une offre de vente et sa rétractation était libre avant acceptation.

Dans la continuité de cette jurisprudence, l’arrêt Cruz rendu le 15 décembre 1993 par la troisième chambre civile de la cour de cassation, était venu préciser que « tant que les bénéficiaires n'avaient pas déclaré acquérir, l'obligation de la promettante ne constituait qu'une obligation de faire et que la levée d'option, postérieure à la rétractation de la promettante, excluait toute rencontre des volontés réciproques de vendre et d’acquérir ».

De ce fait, la levée d’option postérieure à la rétractation de la promesse était nulle en ce sens que l’autonomie des volontés et la liberté contractuelle n’étaient plus respectées.

En effet, le promettant du fait de sa rétractation n’est plus en accord avec la vente donc son consentement doit être respecté.

Ces décisions avent d’usités de vives réactions dans la doctrine qui dénonçait ces pratiques douteuses.

C’est ce qu’a rappelé la cour de cassation « une très grande majorité de la doctrine l’appelait de ses voeux bien avant la conclusion du protocole du 21 juin 2012 et la réforme du droit des contrats du 10 février 2016 ». Cependant, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, dans son arrêt du 27 mars 2008, a modéré cette position en affirmant que les parties étaient en mesure d'inclure une clause dans la promesse, autorisant la conclusion forcée du contrat de vente en cas de rétractation.

En d'autres termes, si les parties ne désiraient pas reconnaître la validité de la rétractation, elles pouvaient expressément exclure cette jurisprudence en l'indiquant dans la promesse.

Cette approche.... »

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