CONTRATS ADMINISTRATIFS FORCE MAJEURE C.E. 9 déc. 1932, COMPAGNIE DES TRAMWAYS DE CHERBOURG, Rec. 1050, coocl. Josse (S. 1933.3.9, concl. Josse, note Laroque; D. 1933.3.17, concl. Josse, note Pelloux; R.D.P. 1933.117, concl. Josse, note Jèze)
Publié le 03/10/2011
Extrait du document
Cons. que, au cas où des circonstances imprévisibles ont eu pour effet
de bouleverser le contrat, il appartient au concédant de prendre les
mesures nécessaires pour que le concessionnaire puisse assurer la marche
du service public dont il a la charge, et notamment de lui fournir une aide
financière pour pourvoir aux dépenses extracontractuelles afférentes à la
période d'imprévision, mais que cette obligation ne peut lui incomber que
si le bouleversement du contrat présente un caractère temporaire; que, au
contraire, dans le cas où les conditions économiques nouvelles ont créé
une situation définitive qui ne permet plus au concessionnaire d'équilibrer
ses dépenses avec les ressources dont il dispose,...
«
OBSERVA TI ONS
La Compagnie concessionnaire des tramways de Cherbourg,
bénéficiaire avant 1914, était devenue déficitaire à partir de
1916.
Entre 1916 et 1922, huit avenants étaient intervenus pour autoriser la Compagnie à relever ses tarifs.
Par le dernier de ces
avenants, la ville laissait même carte blanche à son concession
naire
pour fixer le prix des places, que la Compagnie avait
porté au niveau qui était au point de vue économique le plus
élevé possible et qu'elle ne pouvait dépasser sans perdre tous
ses clients; l'exploitation restait cependant déficitaire.
La Com
pagnie demanda alors une indemnité d'imprévision au conseil
de préfecture, qui rejeta sa requête.
L'affaire étant venue en appel devant le Conseil d'État, le
commissaire du gouvernement Josse rappela que l'existence
d'un déficit grave bouleversant l'économie du contrat ne consti
tue pas immédiatement un obstacle insurmontable pour le
cocontractant, mais que si la situation
se prolonge, il court à la ruine et ne pourra plus, matériellement, remplir ses obligations .
La situation d'imprévision peut ainsi se transformer en cas de
force majeure, et c'est précisément pour éviter cette transforma
tion,
pour prévenir la force majeure, que la jurisprudence
accorde l'indemnité d'imprévision (C.
E 30 mars 1916, Compa
gnie générale d'éclairage de Bordeaux*).
Mais il peut arriver que des conditions économiques nouvel
les fassent obstacle à ce que
le contrat retrouve jamais son
équilibre initial.
L'indemnité d'imprévision n'empêcherait dès
lors pas le concessionnaire de
se ruiner progressivement, tout
en laissant une lourde charge financière au concédant.
La
jurisprudence assimile cette situation à
un cas de force majeure
permettant la résiliation du
contrat., C'est ce qu'a jugé le Conseil d'Etat, suivant les conclusions
de son commissaire du gouvernement, dans l'affaire Compagnie
des tramways de Cherbourg.
L'arrêt, après avoir rappelé
qu'au cas où des circonstances imprévisibles auraient bouleversé
l'économie du contrat, le concédant devait fournir au conces
sionnaire une aide financière, déclare « que cette obligation ne
peut lui incomber que
si le bouleversement du contrat présente un caractère temporaire; que au contraire, dans le cas où les
conditions économiques nouvelles ont créé une situation défini
tive qui ne permet plus au concessionnaire d'équilibrer ses dépenses avec les ressources dont il dispose, le concédant ne
saurait être tenu d'assurer aux frais des contribuables, et
contrairement aux conditions essentielles du contrat,
le fonc
tionnement d'un service qui a cessé d'~tre viable; que ...
la situation nouvelle ainsi créée constitue un cas de force majèure
et autorise à ce titre aussi bien le concessionnaire que le
concédant, à défaut d'un accord amiable sur l'orientation.
»
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