COMPÉTENCE- VOIE DE FAIT T. C. 8 avr. 1935, ACTION FRANÇAISE, Rec. 1226, concl. Josse (S. 1935.3.76, concl. Josse; D. 1935.3.25, concl. Josse, note Waline; R. D. P. 1935.309, concl. Josse, note Jèze)
Publié le 03/10/2011
Extrait du document
Cons. que l'instance engagée par la société du journal L'Action
française contre Bonnefoy-Sibour devant la justice de paix du caJ:Iton
nord de Versailles a pour but la réparation du préjudice causé par la
saisie du journal L'Action française, opérée dans la matinée du 7 févr.
1934 sur les ordres du préfet de police chez les dépositaires de ce
journal à Paris et dans le département de la Seine;
Cons. que la saisie des journaux est réglée par la loi du 29 juill.
1881; que, s'il appartient aux maires et à Paris au préfet de police de
prendre les mesures nécessaires pour assurer le maintien du bon ordre et
la sûreté publique, ces attributions ne comportent pas le pouvoir de
pratiquer, par voie de mesures préventives, la saisie d'un journal sans
qu'il soit justifié que cette saisie, ordonnée d'une façon aussi générale que
celle qui résulte du dossier partout où le journal sera mis en vente, tant à....
«
périodique à Paris et dans le département de la Seine.
La
société du journal ayant engagé une instance devant les tribu
naux judiciaires contre
le préfet de police, le conflit avait été
élevé.
Le Tribunal des Conflits considéra que la mesure incri
minée constituait une voie de fait et que les tribunaux judiciai
res étaient donc seuls compétents pour statuer sur cette affaire.
L'arrêt, rendu conformément aux conclusions du commis
saire du gouvernement Josse, est important à divers titres.
.
1 - Cet arrêt rappelle, tout d'abord, les limites du pouvoir
de police.
Ce pouvoir existe certes même à l'égard des libertés
publiques les plus fortement organisées par la loi, telles la
liberté de la presse ou la liberté de réunion.
Mais son exercice
ne doit pas aller au-delà de
ce qui est « indispensable pour
assurer le maintien ou le rétablissement de l'ordre public».
Les circonstances tragiques du mois de février 1934 autorisaient
peut-être, comme l'indiquait M.
Josse, l'interdiction de la vente d'un journal comme L'Action française« dans tous les endroits
où cette vente était de nature à aggraver
le désordre : grandes
artères, -points sensibles de la défense des rues, etc.
».
Mais elles
n'autorisaient pas une mesure aussi générale, qui frappait le journal tant à Paris qu'en banlieue, sans distinction entre la
voie publique ou les dépôts quelconques (sur la question de la
limite des pouvoirs de police, v.
C.
E.
19 mai 1933, René
Benjamin*; - 22 juin 1951, Daudignac*; - 23 nov.
1951, Société nouvelle d'imprimerie, d'éditions et de publicité, Rec.
553;
R.
D.
P.
195l.l098, concl.
Letourneur, note Waline; - 2 avr.
1954, Pétrone/li, Rec.
208; R.P.
D.
A.
1954.98, concl.
Laurent;
A.
J.
1954.11 bis.9, chr.
Long).
IL - L'arrêt
Action française fournit en second lieu une
excellente illustration des deux variétés de la voie de fait.
D'après la jurisprudence,
il y a en effet voie de fait dans deux
séries de cas : d'une part, lorsqu'une décision administrative
portant atteinte à la liberté ou à la propriété privée est en
elle-même, et indépendamment des conditions dans lesquelles
elle est exécutée, manifestement insusceptible d'être rattachée à
l'exécution d'un texte législatif ou réglementaire ou, plus géné
ralement, à un pouvoir appartenant à l'administration; d'autre
part, lorsque l'administration a passé, dans des conditions
irrégulières, à l'exécution d'une décision, même régulière, por
tant atteinte au droit de propriété ou à une liberté fondamen
tale (sur les conditions de l'exécution d'office,
v.
T.
C.
2 déc.
1 CJ02, Société immobilière de Saint-Just*, et nos observations).
Cette dualité de la notion de voie de fait se trouve très bien
mise en lumière dans les arrêts récents du Tribunal des
Conflits : la juridiction civile est incompétente dit le tribunal, « hormis le cas où, manifestement insusceptible de se rattacher
à l'application d'un texte législatif ou réglementaire, cet ordre.
»
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