COMPÉTENCE - SERVICES PUBLICS INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX T. C. 22 janv. 1921, SOCIÉTÉ COMMERCIALE DE L'OUEST AFRICAIN, Rec. 91 (S. 1924.3.34, concl. Matter; D. 1921.3.1, concl. Matter)
Publié le 22/09/2011
Extrait du document
Sur la régularité de l'arrêté de conflit :
Cons. que, si le lieutenant-gouverneur de la Côte d'Ivoire a, par un
télégramme du 2 oct. 1920, sans observer les formalités prévues par
l'ordonnance du 1er juin 1828, déclaré élever le conflit, il a pris, le
13 oct. 1920, un arrêté satisfaisant aux prescriptions de l'art. 9 de ladite
ordonnance; que cet arrêté a été déposé au greffe dans le délai légal :
qu'ainsi le Tribunal des Conflits est régulièrement saisi :
Sur la compétence :
Cons. que, par exploit du 30 sept. 1920, la Société commerciale de
l'Ouest africain, se fondant sur le préjudice qui lui aurait été causé par
un accident survenu au bac d'Eioka, a assigné la colonie de la Côte
d'Ivoire devant le président du tribunal de Grand-Bassam, en audience
des référés, à fin de nomination d'un expert pour examiner ce bac;
«
expert contraitement aux art.
7 et 8 de l'ordonnance du I•• juin 1828, -c'est à bon droit qu'il a retenu la connaissance du litige; ...
(Arrêté
de conflit annulé).
OBSERVA TI ONS
1.
- Le commissaire du gouvernement Matter rapporta
ainsi les faits qui furent à l'origine de cette affaire : « Le littoral
de la Côte d'Ivoire est parsemé de lagunes qui rendent la
circulation difficile; la colonie a eu l'heureuse idée de les
couper de bacs.
C'est ainsi que sur la lagune Ébrié, elle en a
établi un, dit bac d'Éioka, qu'elle exploite directement et
personnellement par
le service du wharf de Bassam.
Dans la
nuit du 5 au 6 sept.
1920, le bac traversait la lagune, chargé de
dix-huit personnes et de quatre automobiles, lorsqu'il coula
brusquement : un indigène fut noyé, les automobiles allèrent au
fond, et ne furent retirées que gravement endommagées.
» La
Société commerciale de l'Ouest africain, propriétaire de l'une
de ces automobiles, assigna la colonie devant le tribunal de
Grand-Bassam; le lieutenant-gouverneur de la colonie ayant
élevé le conflit, le Tribunal des Conflits décida que le litige
relevait de la compétence des tribunaux judiciaires.
Par cet arrêt célèbre, plus connu sous le nom d'arrêt du Bac
d'É/oka, le Tribunal des Conflits a ainsi décidé que l'autorité
judiciaire était compétente pour connaître des actions intentées
par des particuliers en réparation des conséquences dommagea
bles de l'exploitation d'un service public industriel et
commer cial, c'est-à-dire d'un service fonctionnant dans les mêmes
conditions qu'une entreprise privée.
Le commissaire du gouver nement avait ainsi justifié et expliqué cette solution : « Certains
services sont de la nature, de l'essence même de l'État ou de
l'administration publique;
il est nécessaire que le principe de la
séparation des pouvoirs en garantisse
le plein exercice, et leur
contentieux sera de la compétence administrative.
D'autres
services, au contraire, sont de nature privée, et s'ils sont
entrepris par l'État,
ce n'est qu'occasionnellement, accidentelle
ment, parce que nul particulier ne s'en est chargé, et qu'il
importe de
les assurer dans un intérêt général; les contestations
que soulève leur exploitation ressortissent naturellement de la
juridiction
de droit commun».
Sans doute était-il reconnu depuis longtemps que l'adminis
tration pouvait, dans certaines de ses activités, agir comme le
ferait un simple particulier et ne pas user de
ses prérogatives de
puissance publique : la notion de gestion privée, esquissée dès
1873 par le commissaire du gouvernement David dans ses
conclusions sur l'arrêt Blanco*, avait été développée dans les
célèbres conclusions du commissaire du gouvernement Romieu.
»
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