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COMPÉTENCE DE LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE - C. E. 4 mars 1910, THÉROND, Rec. 193, concl. Pichet (commentaire d'arrêt)

Publié le 20/06/2011

Extrait du document

(S. 1911.3.17, concl. Pichat, note Hauriou; D. 1912.3.57, concl. Pichat; R. D. P. 1910.249, note Jèze)

Sur la compétence : Cons. que le marché passé entre la ville de Montpellier et le sieur Thérond avait pour objet la capture et la mise en fourrière des chiens errants et l'enlèvement des bêtes mortes; qu'à raison de cet objet, ce contrat ne saurait être assimilé à un marché de travaux publics dont il aurait appartenu au conseil de préfecture de l'Hérault de connaître par application de l'art. 4 de la loi du 28 pluviôse an 8 : que ce conseil était, par suite, incompétent pour statuer sur la demande du sieur Thérond et que son arrêté doit être annulé; Cons. qu'en traitant dans les conditions ci-dessus rappelées avec le sieur Thérond, la ville de Montpellier a agi en vue de l'hygiène et de la sécurité de la population et a eu, dès lors, pour but d'assurer un service public; qu'ainsi les difficultés pouvant résulter de l'inexécution ou de la mauvaise exécution de ce service sont, a défaut d'un texte en attribuant la connaissance à une autre juridiction, de la compétence du Conseil d'État; Cons. qu'à l'appui de la demande d'indemnité dont il a saisi le maire de Montpellier, le sieur Thérond soutenait que la ville aurait porté atteinte au privilège qu'il prétend tenir de son contrat et lui aurait ainsi causé un préjudice dont il lui serait dû réparation; que du refus du maire et du conseil municipal de faire droit à cette réclamation il est né entre les parties un litige dont le Conseil d'État, compétent comme il vient d'être dit, est valablement saisi par les conclusions prises devant lui et tendant à la résiliation du marché et à l'allocation d'une indemnité;

« civil; l'unification avait été réalisée, sur le plan du contentieux contractuel par l'arrêt Terrier (C.

E.

6 févr.

1903), etsur le plan du contentieux quasi-délictuel par l'arrêt Feutry (T.

C.

29 févr.

1908).L'arrêt Thérond applique aux contrats des communes le principe dégagé par l'arrêt Terrier en ce qui concerne lescontrats des départements, de sorte que l'ensemble des contrats de l'administration sont désormais régis par lesmêmes règles de compétence.Cette unification est réalisée sous le signe du critère du service public : tout acte fait dans un but d'intérêt généralrelève de la compétence administrative; en particulier, tous les contrats conclus par l'administration dans un tel butsont des contrats administratifs.

En l'espèce, le contrat passé par le sieur Thérond avec la ville de Montpellier envue de la capture et la mise en fourrière des chiens errants et de l'enlèvement des bêtes mortes, ne présentaitaucune clause exorbitante du droit commun : dans ses conclusions, le commissaire du gouvernement Pichat indiquaitexpressément qu'il s'agissait d'un « contrat communal de louage de service » conclu d'après les art.

1710, 1779 et1780 du code civil.

S'il relevait néanmoins de la compétence administrative, c'est uniquement à cause du butpoursuivi par le contrat.

L'arrêt est formel sur ce point (« la ville de Montpellier a agi en vue de l'hygiène et de lasécurité de la population et a eu dès lors pour but d'assurer un service public; ainsi les difficultés pouvant résulterde l'inexécution ou de la mauvaise exécution de ce service sont...

de la compétence du Conseil d'État »).

Enadoptant cette position, le Conseil d'État rompait avec le critère antérieur de la séparation des autoritésadministratives et judiciaires.

Comme l'avait fait le commissaire du gouvernement David dans l'affaire Blanco, lecommissaire du gouvernement Romieu avait, en 1903, dans l'affaire Terrier, expressément prévu la possibilité pourl'administration de conclure, « tout en agissant...

dans l'intérêt du service public proprement dit,...

un de cescontrats de droit commun...

qui ne suppose par lui-même l'application d'aucune règle spéciale au fonctionnementdes services publics ».

L'arrêt Thérond excluait au contraire toute possibilité de gestion privée dans les contrats del'administration, puisque tout contrat conclu dans l'intérêt du service public était considéré comme administratif.Peu de temps après, la jurisprudence allait cependant revenir avec éclat à la distinction de la gestion publique et dela gestion privée, sous-jacente déjà aux conclusions David de 1873 et développée en 1903 par le commissaire dugouvernement Romieu dans ses conclusions sur l'arrêt Terrier : ce retour devait être effectué dès 1912 en matièrecontractuelle, et en 1921 dans le contentieux de la responsabilité (C.

E.

31 juill.

1912, Société des granitsporphyroïdes des Vosges ; — T.

C.

22 janv.

1921, Société commerciale de l'Ouest africain ).L'on crut alors que l'arrêt Thérond n'avait été qu'un arrêt d'espèce, apportant, dans un cas un peu insolite, unélément hétérogène dans une jurisprudence qui évoluait dans l'ensemble régulièrement depuis l'arrêt Blanco et quiallait être confirmée par la décision Société commerciale de l'Ouest africain.

Cependant le critère de compétence del'arrêt Thérond — participation au service public entraînant par elle-même, et quelles que soient les clauses ducontrat, la compétence administrative — n'était pas oublié.

Sous-jacent à la jurisprudence, il ne manquait pas deréapparaître à la faveur de cas d'espèce assez particuliers (T.

C.

7 nov.

1922, Manon, Rec.

795; — C.

E.

7 mars1923, Hellenic Transport, R.

D.

P.

1923.433; — T.

C.

6 avr.

1946, Société Franco-tunisienne, Rec.

327; — C.

E.

13févr.

1948, Grange, Rec.

76).

De telles décisions devenaient cependant de moins en moins explicites, de plus en plusrares et espacées lorsqu'au point peut-être le plus profond de la désaffection doctrinale à l'égard du service public,les principes qui servaient de fondement à l'arrêt Thérond affirmèrent leur force et leur vitalité (C.

E.

20 avr.

1956,Époux Bertin ; — 20 avr.

1956, Ministre de l'agriculture c.

Consorts Grimouard ; — 19 oct.

1956, Société Le Béton ).. »

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