commissaire aux comptes (cours de droit des affaires).
Publié le 20/05/2013
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Ces « faits » peuvent être précisés.
Le commissaire doit considérer l’ensemble de la gestion, et non la survenance d’un seul fait négatif qui pourrait être contrebalancé pard’autres facteurs favorables.
C’est donc bien la cessation des paiements qui doit poindre pour justifier le déclenchement de l’alerte, ou encore, un ensemble convergent defaits significatifs conduisant à une rupture de l’équilibre des flux financiers.
Il peut paraître regrettable que le commissaire ait à attendre cette imminence pour déclencherune alerte qui gagnerait à être mise en œuvre dès l’apparition des premières difficultés.
Les conditions de l’alerte combinées à l’obligation du commissaire aux comptes de ne pas s’immiscer dans la gestion conduisent à conclure que ce processus ne doit pas êtreengagé, si la gestion de l’entreprise, aussi inopportune soit-elle, n’est pas de nature à compromettre sa santé financière immédiate.
Cette conclusion de relative étroitessedu domaine de l’alerte est cependant équilibrée par son mécanisme et par les responsabilités qui découlent de sa mise en œuvre.
8 UN MOYEN DE PRESSION EFFICACE
L’alerte se déroule formellement en trois phases, mais, avant sa mise en œuvre officielle, les contacts, les demandes d’explications et les mises en garde officieusespourront avoir des effets bénéfiques sur l’activité du conseil d’administration.
En effet, on peut supposer que les membres de ce dernier, et surtout son président, feront toutpour empêcher le déclenchement de l’alerte légale, en prenant toutes les mesures qui s’imposent.
Si cette incitation ne s’avère pas suffisante, le commissaire aux comptes doit alors déclencher les procédures prévues, procédures qui ont la particularité d’étendregraduellement le cercle des personnes informées de la situation.
Le commissaire va ainsi pousser le conseil à agir volontairement le plus longtemps possible, jusqu’au pointoù l’inertie ou la mauvaise volonté de ce dernier lui sembleront justifier une intervention auprès des actionnaires.
Dans un premier temps, le commissaire aux comptes commence par informer le président du conseil des faits qui motivent son inquiétude.
Tout pousse alors ce dernier àrépondre au commissaire dans les quinze jours qui suivent, puisqu’à ce stade la procédure demeure encore confidentielle.
Cependant, ces explications non seulementdevront être fournies dans ce délai, mais aussi être suffisamment convaincantes pour stopper le processus de l’alerte.
Dans le cas contraire, le commissaire aux comptesdoit, dans les huit jours, passer à une deuxième phase : il invite le président à faire délibérer le conseil sur les questions évoquées par le commissaire qui assiste à laréunion ; la réunion doit avoir lieu dans les quinze jours.
Le conseil est vivement incité à ne pas laisser la procédure aller jusqu’à ce stade, puisque sa délibération seracommuniquée aux membres du comité d’entreprise et que le commissaire aux comptes informera le président du Tribunal de commerce, ce qui fait sortir l’alerte du cerclerestreint des dirigeants de la société et lui enlève son caractère purement confidentiel.
La confidentialité est définitivement perdue dans la troisième phase, déclenchée si lecommissaire persiste à trouver la situation compromise, c’est-à-dire si le conseil d’administration ne réagit pas de manière appropriée : la situation est alors portée à laconnaissance des actionnaires, par l’établissement d’un rapport spécial du commissaire présenté à la prochaine assemblée générale, et communiqué au comité d’entreprise.Le commissaire aux comptes doit également informer de ses démarches le président du Tribunal de commerce et lui en communiquer les résultats.
En définitive, il semble que l’administrateur dissident et mis dans l’impossibilité de faire réagir un conseil passif ou de mauvaise volonté peut fort utilement recourir aucommissaire aux comptes.
Il peut lui fournir officieusement toutes les informations utiles et l’inciter ainsi à mettre en œuvre le processus d’alerte.
Ce moyen de pression estd’autant plus grand que les responsabilités qui découlent de son déclenchement ont été bien calculées.
9 LES RESPONSABILITÉS RÉSULTANT DE LA PROCÉDURE
Le commissaire aux comptes a tout intérêt à déclencher une alerte en raison des responsabilités qu’il encourt ; les dirigeants ont alors, à leur tour, tout intérêt à tenircompte de ses avertissements.
En effet, le commissaire aux comptes qui ne déclenche pas l’alerte engage sa responsabilité envers tous ceux qui auront à subir les conséquences de l’ouverture duredressement judiciaire, ce qui l’incite à agir, d’autant plus qu’il aura été averti par l’un des membres du conseil d’administration.
Il ne pourra alors pas prétendre avoirignoré la situation de la société si un administrateur lui en a formellement fait part.
L’incitation à mettre en œuvre l’alerte est encore augmentée par l’immunité de principe dont jouit le commissaire pour ce déclenchement.
Il ne sera, en effet, responsableque s’il a provoqué une alerte de mauvaise foi, ou en commettant une faute lourde (assimilable au dol).
Si le commissaire a connaissance de faits tels qu’ils sont de natureà lui faire envisager la procédure, on peut estimer qu’il peut la déclencher sans engager sa responsabilité, puisque l’existence de ces faits justifie en elle-même uneéventuelle erreur.
Le déclenchement, à tort, mais de bonne foi, n’est pas non plus de nature à justifier une mise en jeu de la responsabilité du commissaire aux comptes.
La situation des membres du conseil d’administration est à l’opposé de celle du commissaire aux comptes dans cette procédure d’alerte : s’ils y mettent entrave ou s’ils n’yrépondent pas de manière satisfaisante, ils encourent une responsabilité de droit commun.
De plus, il est vraisemblable que le passif que les dirigeants ont laissé se constituer entre le moment où ils auraient dû répondre positivement à la procédure ducommissaire et la date finale du dépôt de bilan sera plus facilement mis à leur charge.
Le fait de ne pas répondre aux demandes du commissaire est constitutif d’une faute,dont le lien avec certains éléments du passif n’est pas difficile à rapporter.
En cas de mise en cause de la responsabilité des dirigeants sur le fondement de l’article 180 de laloi de 1985, le défaut de réponse à l’alerte du commissaire serait sans doute analysé comme une faute de gestion susceptible de justifier une condamnation à payer unepartie du passif.
C’est exactement l’analyse qu’a retenue la jurisprudence anglaise du nouveau droit de la faillite.
10 LA DIFFICULTÉ DE LA MISSION DU COMMISSAIRE AUX COMPTES
La question de l’indépendance du commissaire aux comptes a été maintes fois évoquée à l’occasion de nombreux et récents scandales qui ont montré les limites de sonrôle, limites qui découlent de la définition même de sa mission.
L’inculpation, en France, en 1992, de deux commissaires aux comptes, a secoué la profession et peut laisseraugurer des changements, tout comme la mise en cause publique de firmes d’audit internationales en Grande-Bretagne.
Il est, en effet, de notoriété publique que la présentation des comptes des grandes sociétés peut atténuer certains mauvais résultats, ou occulter certains éléments.
Lestechniques sont nombreuses, tout comme leurs objectifs d’ailleurs : il peut s’agir de minimiser les profits pour constituer des réserves en prévision de difficultés, ou aucontraire d’atténuer les effets d’une conjoncture néfaste pour conserver la confiance des actionnaires.
Or, le rôle du commissaire aux comptes est précisément d’assurer que les comptes sociaux donnent une image « sincère et fidèle » de la situation de la société.
Pourtant,face aux dirigeants, il n’est pas toujours dans une position de force telle qu’il lui soit permis de remplir parfaitement cette mission.
En France, le commissaire aux comptes a, certes, théoriquement les moyens d’assurer sa mission en toute indépendance, c’est-à-dire de s’opposer aux manipulationscomptables de la direction.
Ainsi, il est nommé pour six ans et n’est révocable que par voie de justice, ce qui est une garantie supplémentaire d’indépendance.
Il peut — etdoit parfois — émettre des réserves, voire refuser de certifier les comptes.
Par ailleurs, et contrairement à ses homologues anglais, par exemple, le commissaire français ne peut, en théorie, porter à la fois la casquette de contrôleur et de conseiller.Cependant, ces règles d’incompatibilité sont méconnues des grandes firmes d’audit qui se sont constituées selon le modèle anglo-saxon.
Les différents départements d’unréseau créé en partenariat peuvent ainsi proposer des services comptables, fiscaux ou juridiques en toute légalité.
La partie « commissariat aux comptes » devra, dès lors,tacitement tenir compte des autres services facturés à la société par son réseau, et se montrer en conséquence moins tatillonne.
Les assurances d’indépendance restent donc assez théoriques : lorsque des firmes internationalement réputées laissent la situation de sociétés multinationales dégénérer aupoint qu’éclate le scandale (Robert Maxwell, la BCCI, etc.), l’efficacité de leur fonction semble discutable..
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