Commentaire de l'arrêt du Conseil d'état rendu le 14 janvier 2008: Droit fiscal des affaires
Publié le 08/07/2012
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L'indifférence du paiement par le mandant de créances étrangères à ses obligations C'était une conséquence prévisible d'un règlement global du litige. Le mode de règlement du litige (transaction sous forme de forfaitisation) a conduit le maître d'ouvrage à régler des travaux dont il n'était pas bénéficiaire à des entreprises avec lesquelles il n'entretenait aucune obligation contractuelle. Le lien direct entre la somme versée et les travaux réalisés par le prestataire apparait donc difficile à caractériser d'autant plus que la déclaration de créance du prestataire fait état de créances détenues à l'égard d'autres maîtres d'ouvrage que la SICOMI partie à la transaction. L'existence d'une prestation individualisée au profit du mandant semble donc difficile à mettre au jour. Pour autant, le Conseil d'état estime qu ' « il ne résulte pas de l'instruction que la société Cuzet a été indemnisée pour des travaux qu'elle aurait effectuée sur des chantiers dont les SICOMI n'étaient pas maître d'ouvrage «. A défaut de preuve contraire, le prestataire est présumé avoir été indemnisé pour les travaux effectués au profit de la SICOMI en cause.
«
apparaître que les parties à l'acte (le contrat de prestation de service) n'étaient pas les parties à la transaction, d'où l'absence de lien contractuel permettant decaractériser un lien direct.
La Haute juridiction va donc analyser le contrat en question qui correspond à un contrat de promotion immobilière.
L'article 1831 CC lequalifie de mandat d'intérêt commun ce qui emporte plusieurs conséquences.
En effet, par ce contrat, un promoteur immobilier s'oblige envers le maître d'un ouvrageà faire procéder, pour un prix convenu, au moyen de contrats de louage d'ouvrage à la réalisation d'un programme de construction.
A ce titre l'alinéa 2 précise que lemaître de l'ouvrage est tenu d'exécuter les engagements contractés en son nom par le promoteur en vertu des pouvoirs que celui-ci tient de la loi ou de la convention.Aux termes de cet article il apparaît clairement que les obligations du mandant se confondent avec celles du mandataire, puisqu'il autorise le prestataire à réclamer aumaître d'ouvrage ce que le promoteur lui doit (action directe déjà consacrée par la Cour de cassation dans un arrêt du 8 mars 1977).
Le lien contractuel est donccaractérisé.
Peu importe, dès lors, que le mandant ait déjà versé au promoteur les sommes destinées à payer les prestataires car si le mandataire est défaillant, lemandant, en vertu du principe de substitution défini à l'article 1831 al 2, l'est aussi.
Il appartient bien au mandant de reprendre les engagements de son mandataire etde les exécuter.
Sa responsabilité contractuelle est naturellement engagée ce qui semble confirmer l'existence d'un lien direct entre les parties à la transaction.Malgré tout, reste l'argument selon lequel la transaction réglait des sommes correspondant à des marchés auxquels le mandant était étranger.
La réponse du Conseild'état est claire: cela n'empêche pas de caractériser le lien direct.
B L'indifférence du paiement par le mandant de créances étrangères à ses obligationsC'était une conséquence prévisible d'un règlement global du litige.
Le mode de règlement du litige (transaction sous forme de forfaitisation) a conduit le maîtred'ouvrage à régler des travaux dont il n'était pas bénéficiaire à des entreprises avec lesquelles il n'entretenait aucune obligation contractuelle.
Le lien direct entre lasomme versée et les travaux réalisés par le prestataire apparait donc difficile à caractériser d'autant plus que la déclaration de créance du prestataire fait état decréances détenues à l'égard d'autres maîtres d'ouvrage que la SICOMI partie à la transaction.
L'existence d'une prestation individualisée au profit du mandant sembledonc difficile à mettre au jour.
Pour autant, le Conseil d'état estime qu ' « il ne résulte pas de l'instruction que la société Cuzet a été indemnisée pour des travauxqu'elle aurait effectuée sur des chantiers dont les SICOMI n'étaient pas maître d'ouvrage ».
A défaut de preuve contraire, le prestataire est présumé avoir étéindemnisé pour les travaux effectués au profit de la SICOMI en cause.
Bien que peu développée, la justification du raisonnement se trouve sans doute dans l'idée quele montant perçu par l'entreprise à l'occasion de la transaction, ne dépasse pas le montant des impayés correspondant aux chantiers financés par ces SICOMI.
De fait,la somme qu'elle a touché correspond au moins à une partie des travaux réalisés, ce qui suffit à caractériser l'existence d'un lien direct et d'une contrepartie.
Mais toute la question est là: le fait qu'une partie seulement des travaux ait été rémunérée par le biais d'une indemnité transactionnelle suffit-il à caractériser unerelation d'équivalence entre des concessions réciproques? Ou cela prouve t-il au contraire le caractère purement indemnitaire de la transaction? Si le lien contractuelentre la société Cuzet et les SICOMI ne fait plus de doute, cela ne suffit pas à justifier totalement l'exigibilité de la TVA sur le montant de l'indemnité.
Reste en effetà qualifier juridiquement la nature de cette indemnité et prouver ainsi une véritable relation d'équivalence entre la prestation de service et le montant de l'indemnité.De cette qualification dépend la caractérisation du lien direct et l'entrée de cette indemnité dans le champ d'application de la TVA.
II L'existence d'une relation d'équivalence emportant exigibilité de la TVAL'absence de lien direct invoquée par le requérant résulte d'une interprétation personnelle de la cause du versement, qui, selon lui, visait à rechercher la responsabilitéextra contractuelle des Sicomi.
Ce n'est pas la solution que retient le Conseil d'état qui voit dans le versement de cette indemnité, et sur le fondement du droit commundes obligations, un paiement partiel des créances (A).
Par cette décision, la Haute juridiction met un frein à une tendance jurisprudentielle, qui, sous l'impulsion dujuge communautaire, tendait à privilégier le caractère purement réparateur de certaines indemnités contractuelles en refusant de dégager un lien direct entre lesconcessions réciproques.
Le Conseil d'état pose ainsi des limites au champ des indemnités non soumises à TVA (B).
A Une indemnité regardée comme un paiement partiel des créancesD'après le Conseil d'état, « dès lors qu'un versement par un débiteur du prix est opéré en contrepartie d'une opération qu'il rémunère, la circonstance que lescréanciers aient, par des stipulations inopposables au tiers, convenu de règles de répartition de ces versements sans rapport avec les opérations de chaque créancierest sans incidence sur la caractère taxable des versements ».
L'indemnité reçue par le requérant (compte tenu des paiements déjà effectués par la SAPH)correspondant au total à 70% constitue un « paiement partiel des créances » conformément à la qualification retenue par l'administration lors du redressement.
Lasociété requérante estimait en effet, qu'ayant perçu à l'issue de la transaction seulement 22% de sa créance, et que certains de ses chantiers n'ayant pas été pris encompte par la transaction, il était impossible d'identifier un lien direct entre sa prestation et les sommes reçues.
Le Conseil d'état prend ce raisonnement à contrepied.Il considère que la cause de la transaction était de procéder à une remise partielle de dette, puisque la société Cuzet acceptait de renoncer au paiement d'une partie duprix moyennant un règlement immédiat de l'autre.
Cette remise de dette libère le débiteur de son obligation de payer entièrement sa dette à l'égard de l'entreprise .Mais cette extinction de l'obligation du maître d'oeuvre procure à la société prestataire une satisfaction équivalente au paiement.
Si la transaction met fin aux actionsen responsabilité du maître d'oeuvre (action extra-contractuelle non soumise à la TVA), elle met également fin aux actions visant à obtenir le paiement des créances.L'entreprise tire donc profit de son engagement contractuel par le paiement, même partiel de ses créances.
L'extinction de l'action judiciaire n'est pas incompatibleavec l'idée que l'indemnité soit perçue comme un paiement.
Qualifier de paiement le versement de l'indemnité rend indifférent l'argument de la faiblesse du montantperçu (22%).
Dès lors qu'il y a paiement satisfactoire, la relation d'équivalence est caractérisée, de même que le lien direct.
L'indemnité entre dans le champ de laTVA.Cette solution n'était pas évidente si l'on en croit la tendance jurisprudentielle (souvent contestée) à faire sortie du champ de la TVA certaines indemnitéscontractuelles.
B Une exclusion de la fonction réparatrice de la transaction à contre-courant de la tendance jurisprudentielleCette ligne jurisprudentielle a été amorcée par la Cour de justice des communautés européennes lors d'un arrêt « Eugénie-les Bains » rendu le 18 juillet 2007.
Cettedécision excluait les arrhes du champ d'application de la TVA au motif que « les sommes versées à titre d'arrhes doivent être regardées comme des indemnitésforfaitaires de résiliation versées en réparation du préjudice subi à la suite de la défaillance du client, sans lien direct avec avec un quelconque service rendu à titreonéreux, et en tant que telle, non soumise à cette taxe ».
L'évocation d'une absence de lien direct avait été fortement contestée par les auteurs français, notammentparce que l'hôtelier rendait un service bien défini au réservataire et que les arrhes constituaient la juste rémunération du service rendu.
Il est probable que si le Conseild'état n'avait pas eu recours à la question préjudicielle, il aurait lui-même conclu à l'existence d'un lien direct si l'on en croit le raisonnement mis en oeuvre dans cetarrêt ou celui mis en oeuvre dans l'arrêt « Polyclad Europe » (15 déc.2000) aux termes duquel il concluait que le versement d'une indemnité en application d'uneclause de dédit constituait la contrepartie directe du service de réservation des biens de production.
Quoique maladroite dans sa terminologie (l'arrêt évoquait« l'équilibre économique du contrat » au lieu de vérifier les critères du lien direct), cette solution n'en procédait pas moins à une analyse correcte de la nature del'indemnité en cause.
Cette divergence de raisonnement montre que le critère du lien direct n'est pas infaillible et est sujet à interprétation.
Les juges du fond ayantsuivi la ligne communautaire, en étendant la solution de la CJCE aux acomptes conservés à titre de dommages et intérêts en cas de rupture unilatérale du contrat devente (CAA Bordeaux 4e ch.
25 oct.
2007), ou en soulignant le caractère indemnitaire d'une somme qualifiée par les parties d'indemnité d'immobilisation mais dontle contexte évoquait plutôt la clause pénale (CAA Lyon 5e ch.
31 oct.2007), le Conseil d'état pose par cet arrêt des limites au champ des indemnités non soumises àla TVA..
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