Commentaire de la décision du Conseil Constitutionnel du 13 mars 2003, Loi pour la sécurité intérieure
Publié le 18/07/2012
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Le conseil a la possibilité de sanctionner « l’incompétence négative « c’est-à-dire le fait pour le législateur de rester en deçà de sa compétence. C’est un vice de constitutionnalité qui est de plus en plus contrôlé par le conseil qui le soulève même d’office. Il condamne ainsi par exemple la méconnaissance par le parlement de ses compétences quand il délègue au pouvoir réglementaire le soin de fixer dans les limites des 40 km de zone frontalière à l’intérieur desquelles des contrôles d’identité pourraient être opérés après la suppression des contrôles aux frontières impliquée par l’entrée en vigueur de la convention de Schengen comme en atteste sa décision du 5 août 1993. Le conseil impose donc, et sanctionne le cas échéant, le fait que le parlement n’adopte pas des dispositions suffisamment précises qui pourraient entraîner un risque d’arbitraire comme il ressort de la décision du 12 août 2004. De plus, La constitution pose en matière pénale, le principe de la légalité des délits et des peines et le conseil rappelle à ce titre régulièrement, que la compétence reconnue au législateur par l’article 34 de la constitution lui fait obligation de définir les infractions en termes suffisamment clairs et précis ce qui s’avère particulièrement nécessaire en matière pénale. En l’espèce, le conseil constitutionnel affirme que les dispositions de l’article 11 du texte ne méconnaissent pas l’article 34. Leurs termes sont assez clairs et précis, notamment en ce qui concerne les expressions de « lieux accessibles au public « et « véhicules spécialement aménagés et utilisés comme résidence «.
«
de manière si évidente.Cette décision du conseil révèle un examen de la constitutionnalité peu approfondi qui fait référence à de nombreux outils de contrôle sans réellement les mettre enœuvre.
Ce faisant, elle montre un renforcement de la protection de l'ordre public et de la sécurité au détriment de la liberté individuelle.
2.
Le renforcement de la protection de l'ordre public et de la sécurité au détriment de la liberté individuelle.
Dans un premier temps, le conseil adopte une vision restrictive du champ de la liberté individuelle (A), supprimant ainsi l'intervention de l'autorité judicaire etlaissant subsister un risque d'arbitraire (B).
A.
La réduction du champ de la liberté individuelle.
La jurisprudence du conseil a été très évolutive en ce qui concerne le fondement même dans le bloc de constitutionnalité de la liberté individuelle.
Dans sa décisiondu 12 janvier 1977, il la reconnaissait comme un principe fondamental reconnu par les lois de la République lui attribuant alors plusieurs composantes dont le droitau respect de la vie privée et l‘inviolabilité du domicile.
Mais à la fin des années 90, la politique du conseil a changé sur ce point et il semble opérer un recentrementde la liberté individuelle autour de l'article 66 de la constitution marquant ainsi une autonomisation des différentes composantes.La décision dont il est ici question achève cette évolution.
En effet, du considérant 7 à 8 le conseil rappelle les normes constitutionnelles qui sont applicables en cequi concerne les visites des véhicules.
À ce titre il se fonde sur les articles 2 et 4 de la DDHC de 1789, et sur l'article 66 de la Constitution du 4 octobre 1958.
Il posedonc le principe selon lequel « l'exercice des libertés constitutionnellement garanties, au nombre desquelles figurent la liberté d'aller et venir et le respect de la vieprivée, protégés par les articles 2 et 4 de la DDHC de 1789, ainsi que la liberté individuelle, que l'article 66 de la constitution place sous la surveillance de l'autoritéjudiciaire.
»Cette conception du conseil marque donc une rupture totale avec la décision de 1977 dans laquelle le conseil admettait que la liberté individuelle était un principe quien engendrait d'autres.
Ici, les composantes de la liberté individuelle sont « émancipées » de cette dernière notamment en ce qui concerne l'inviolabilité du domicilequi ne serait plus couverte par le champ de l‘article 66.Le conseil rappelle également la nécessaire conciliation qui doit être opérée par le législateur entre la prévention des atteintes à l'ordre public et la recherche desauteurs d'infractions, et les libertés constitutionnellement garanties.
Il fait également mention de l'article 66 de la constitution en tant qu'il érige l'autorité judiciairecomme le gardien de la liberté individuelle.
Le fait même de mentionner cet article laisse supposer qu'une déconnection totale de la liberté individuelle et de sescomposantes selon la jurisprudence antérieure du conseil n'est pas totalement envisageable.Cette réduction du champ de la liberté individuelle entraîne une conséquence problématique ; celle de l'absence d'intervention de l'autorité judiciaire en ce quiconcerne les nouveaux principes constitutionnels autonomisés.
B.
L' éventuelle absence d'intervention de l'autorité judiciaire et le risque d'arbitraire
L'autonomisation des composantes de la liberté individuelle que sont le droit au respect de la vie privée et l'inviolabilité du domicile aurait donc pour conséquence deles écarter de la protection assurée par l'article 66 de la Constitution du 4 octobre 1958.Or l'intervention de l'autorité judiciaire constitue une garantie essentielle dans la protection constitutionnelle de la liberté individuelle.
En effet, le juge judiciaireparaît disposer d'une indépendance lui permettant d'assurer effectivement la protection des droits et libertés de l'individu.
Il semble tout de même important depréciser que cette garantie judiciaire n'est pas applicable pour toutes les atteintes à la liberté.
Seules les atteintes les plus graves justifient une intervention de l'autoritéjudiciaire et ici encore le conseil constitutionnel assure l'équilibre en « plaçant le curseur ».
De plus, cette garantie est « à géométrie variable ».
les modalités ne sontpas toujours identiques notamment pour les atteintes les moins graves ; c'est un magistrat du parquet qui intervient.
Enfin le moment de l'intervention n'est pastoujours le même et peut être préalable à l'atteinte pour l'autoriser, ou a posteriori pour la contrôler ou bien la prolonger.En réalité, ici le juge constitutionnel n'émancipe pas totalement les anciennes composantes de la liberté individuelle de cette dernière.
Il fait toujours de l'interventionde l'autorité judiciaire une nécessité mais sans que le fondement constitutionnel ne soit explicite.
Et c'est là encore une attitude contradictoire du juge qui écarte toutde même à plusieurs reprises la méconnaissance de l'article 66 de la constitution après avoir affirmé que les libertés en cause trouvaient leur fondement dans ladéclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Preuve est ici à nouveau faite qu'il apparaît difficile pour le conseil de consacrer une déconnection totale entre laliberté individuelle en tant que sûreté, et les libertés qui en découlait antérieurement.
L'attitude du conseil sur ce point n'est donc pas cohérente et elle peut égalementêtre illustrée par l'intervention du juge judiciaire en matière de perquisitions.Le contexte sécuritaire actuel est propice à des textes législatifs à tendance liberticide.
En effet les attentats ayant eu lieu aux États-Unis en 2001 ont ouvert lapossibilité d'établir dans certains domaines des régimes dérogatoires afin de prévenir des actes de terrorisme.
Mais cela ne s'est pas cantonné aux infractions deterrorisme.
En effet l'évolution de la criminalité et les politiques publiques ont engendré des lois de plus en plus générales et larges.
Il est même possible d'allerjusqu'à dire que certains textes législatifs s'engagent sur une voie de généralisation de régime quasi dérogatoire.La loi du 21 janvier 1995 consacre la sécurité comme « un droit fondamental de l'Etat.
» La conséquence immédiate est d'en augmenter la valeur.
La conciliation deslibertés constitutionnellement garanties avec la protection de l'ordre public étant déjà opérée, il s'agit maintenant de donner à la sécurité un poids plus important.D'une part, Les textes législatifs portant potentiellement atteinte au principe essentiel de la liberté individuelle se multiplient, et d'autre part, le contrôle du conseil surla protection de cette liberté se restreignant, il est possible d'émettre de sérieux doutes quant à l'existence d'une véritable dérive sécuritaire..
»
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