Commentaire D'Arrêt - Douai 17 Novembre 2008 (droit)
Publié le 17/01/2022
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"Entendre tout le monde parler de moi est très difficile [...] Que l'on puisse faire appel du jugement alors que je n'ai rien demandé me révolte. Je voudrais juste pouvoir vivre ma vie normalement". C'est de cette manière qu'a été vécue "l'affaire de la virginité" par la première intéressée, l'épouse mise en cause. Cette affaire a déchaîné les débats les plus passionnés mais qu'en est-il réellement d'un point de vue juridique.
Les deux époux se sont mariés le 8 juillet 2006 à Mons-en Baroeul. Lors de leur première nuit de noce, le marié découvre avec indignation que son épouse n'est plus vierge. Elle lui aurait menti sur l'état de sa vie sentimentale antérieure et sur sa virginité. Il assigne alors sa femme en action en nullité du mariage au motif qu'il y a erreur sur une qualité essentielle dans la personne de son épouse, qu'est le défaut de virginité.
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était en quelque sorte une condition du mariage.Cependant, la Cour d'appel a dépassé le débat sur les faits de l'espèce en posant une règle générale selon laquellela virginité ne pouvait être une qualité essentielle puisque son absence n'avait aucune incidence sur la viematrimoniale.
Elle considère donc de manière objective que la virginité en tant que qualité essentielle ne s'inscrit pasdans les qualités essentielles des conjoints.
Cette restriction opérée par la Cour d'appel traduit donc des limites à l'appréciation subjective des qualitésessentielles de la personne.
La liberté contractuelle des époux au moment de la formation du contrat doit êtrelimitée au profit de l'institution du mariage.
II/ La réaffirmation du caractère institutionnel du mariage
En décidant d'écarter la virginité du champ d'application de l'article 180 (A), la cour d'appel rappelle que l'institutiondu mariage obéit à certains principes (B).
A') La virginité, une qualité contraire à l'institution même du mariage
L'exigence d'une incidence de la qualité essentielle sur la vie matrimoniale est rajoutée au texte et aboutit àrestreindre considérablement le champ de l'article 180.
En outre, il soumet la validité de la formation du mariage àune condition affectant son futur, alors que les conditions de formation s'apprécient au jour de la formation.La cour semble opter pour le caractère objectif de la qualité essentielle, celle qui est commune à toute unionmatrimoniale.Bien que les époux disposent d'une certaine liberté contractuelle en se mariant, il n'en reste pas moins que lemariage est considéré en France comme une institution.
Une institution qui, au delà de la relation entre deuxcocontractants, crée une famille, un état d'époux mais aussi la légitimité des enfants.
C'est la raison pour laquelleon considère que le mariage ne peut être réduit à une relation de débiteur à créancier mais qu'il est une véritableinstitution c'est à dire un couple organique, une espèce de corps social dépassant les volontés individuelles.
La Cour d'appel a donc rappelé par cette décision que l'institution du mariage obéit à certains principes et qu'il nepeut y être dérogé au nom de la liberté contractuelle des époux.Les époux doivent donc rester mariés et s'ils souhaitent défaire leur union, ils ne pourront le faire que par le biaisd'un divorce.
Une telle rigueur de la Cour d'appel peut se trouver justifiée par le devoir du juge de faire respecter l'ordre public etles principes qui régissent notre société.
B') Le respect des principes encadrant l'institution du mariage
Comme nous l'avons vu, bien que le mariage reste un contrat conclu entre deux personnes souhaitant s'unir par lesliens du mariage, il n'en reste pas moins que le mariage ait une nature profondément institutionnelle dans notre droit.Et comme toute institution, celle du mariage obéit aux règles et aux principes d'une société donnée.Outre la question sur la virginité comme qualité essentielle, le débat était également posé dans cette affaire sur laplace qu'occupe le religieux dans l'institution du mariage en France.
Les juges ont donc à se préoccuper de la placeque prend le religieux dans le mariage laïque français.
Ainsi, les juges ont déjà été amenés à statuer sur une affairemêlant mariage et principes religieux.
Dans un arrêt du 25 octobre 1973, le TGI de Basse-Terre a considéré "commeune erreur sur une qualité essentielle entrainant la nullité du mariage, le fait pour un époux nourrissant dessentiments religieux profonds d'ignorer que son conjoint se trouvait précédemment dans les liens d'un mariagereligieux".
Alors qu'en droit français le mariage religieux n'a aucune valeur juridique.C'est une position difficile à tenir pour les juges quand on sait que la religion prend encore une place très importantechez de nombreux citoyens français.La meilleure solution étant donc de censurer une pratique religieuse que si elle porte réellement atteinte à l'ordrepublic et aux principes fondamentaux de la République.
Tel semble être le cas de la virginité considérée par denombreux religieux, pour la plupart masculins, comme étant une qualité essentielle déterminante du consentementdu mariage.
En outre, un autre principe régissant l'institution du mariage en France est celui de l'égalité entre homme et femme.En effet, cette égalité parfaite dans la matière civile est le fruit de nombreuses réformes et modifications du codecivil de 1804.
La femme n'y est pas toujours apparue comme l'égale de l'homme sur le plan juridique.
Les juges ontdonc à veiller d'autant plus au respect de ce principe qu'il fut long à proclamer..
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