Commentaire d'arrêt de la Cour de cassation chambre commerciale du 9 mai 1995 : Droit
Publié le 09/08/2012
Extrait du document
La compensation ne peut jouer qu'entre deux personnes débitrices l'une de l'autre. Aucun tiers ne doit s'immiscer entre elles. Ainsi, un assureur de responsabilité, créancier des primes non versées par l'assuré, ne saurait opposer la compensation de cette créance sur la dette d'indemnisation qu'il a envers la victime de l'assuré. Enfin on est devant la décision du 9 mai 1995 qui élargit le champ du lien de connexité qui prononce que cela joue aux dettes qui font partie d'un ensemble contractuel. Cette jurisprudence prend en considération l'existence d'une aire contractuelle entre les parties. On est donc témoins d'une libéralisation du critère du lien de connexité qui a devenue moins juridique est plus économique. B - L'élargissement est-elle favorable aux créanciers ? Si l'on considérait que le mécanisme de compensation s'agissait d'une forme de garantie afin que le créancier assure la satisfaction de ses droits c'est doute évidant que la l'élargissement du champ du lien de connexité rend la restauration progressive des droits des créanciers de la procédure collective. Cette nature particulière de la compensation pour dettes connexes s'illustre
«
Le juge d'appel constate effectivement l'absence de toute faute grave, dans la mesure où les griefs reprochés à l'intéressé « tiennent aux circonstances de l'exercicerégulier de son droit de retrait », ainsi que l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement.
Ce dernier est donc privé de cause mais « il n'est pas pour autantannulable », comme le réclamait le salarié.
Le problème qui se pose est le suivant : le licenciement d'un salarié fondé sur l'exercice régulier de son droit de retrait est-il dépourvu de cause réelle et sérieuse oubien doit-il être déclaré nul ?
A priori, le licenciement disciplinaire qui constitue la sanction la plus élevée devrait être en l'espèce annulée en vertu de L.
4131-3 du Code du travail qui prévoitexpressément le droit de retrait.
Ainsi :
« Aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être prise à l'encontre d'un travailleur ou d'un groupe de travailleurs qui se sont retirés d'une situation de travaildont ils avaient un motif raisonnable de penser qu'elle présentait un danger grave et imminent pour la vie ou pour la santé de chacun d'eux.
»
La nullité du licenciement : reconnaissance d'un droit fondamental ?
Le juge pose deux conditions pour prononcer la nullité du licenciement :
- Avoir constaté l'exercice régulier du droit de retrait par le salarié (comme nous venons de le voir précédemment ?)
- Les griefs formulés dans la lettre de licenciement doivent tenir aux circonstances de l'exercice contesté de ce droit par l'employeur
L'article L.4131-3 du Code du travail dispose qu' « aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être prise à l'encontre d'un travailleur ou d'un groupe detravailleurs qui se sont retirés d'une situation de travail dont ils avaient un motif raisonnable de penser qu'elle présentait un danger grave et imminent pour la vie oupour la santé de chacun d'eux.
» Cet article édicte bien une interdiction, mais ne prévoit pas de peine spécifique en cas de manquement de l'employeur à cetteinterdiction.
Il n'est du reste question dans ce texte que de sanction (« aucune sanction (...) ») et pas de licenciement - même si le licenciement est tenu pour unesanction disciplinaire.
En tout cas, en l'espèce, la sanction est un licenciement pour faute grave.
La Cour d'appel de Nancy considérant que les faits reprochés au salarié ne constituaient ni une faute grave, ni une cause réelle et sérieuse de licenciement, lelicenciement n'était pas pour autant annulable.
En effet l'article L1333-3 du Code du travail écarte la possibilité pour le juge de prononcer la nullité d'un licenciement.
Excepté dans trois cas :
- Lorsque la loi le prévoit
- Lorsque la convention collective le prévoit
- Et depuis l'arrêt Clavaud du 28 avril 1988, la Cour de cassation considère que, même en l'absence de texte, la nullité du licenciement s'impose en cas de violationd'un droit fondamental.
Ne doit donc t-on pas considérer que le droit pour le salarié de se retirer d'une situation dangereuse constitue un droit fondamental, rattachable au droit à la protectionde la santé des salariés sur leur lieu de travail, en sorte que le licenciement prononcé pour des raisons liées à son exercice légitime est illicite et donc nul ?
On peut penser que c'est l'analyse que fait la Cour de cassation par son visa de l'article L 1121-1 du Code du travail qui dispose que « Nul ne peut apporter aux droitsdes personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au butrecherché ».
En l'espèce l'employeur porte atteinte, à la fois au droit à la santé de son salarié (droit de la santé = rattaché au droit des personnes) car il décide de nelaisser qu'une personne sur le poste, mais il porte aussi atteinte à son droit de retrait en décidant de le licencier sur le terrain disciplinaire.
Même si la Cour de cassation ne recourt pas expressément à la qualification de droit fondamental pour le droit de retrait, il n'empêche que celle-ci demeure sous-jacente.
En effet le visa simultané des articles L.4131-3-1 et L.1121-1 du Code du travail témoigne de la volonté de rattacher le droit de retrait aux droits despersonnes.
Toutefois cet argument peut ne pas être convaincant car l'article L.1121-1 recouvre à la fois des libertés fondamentales dont le non-respect est sanctionnépar la nullité mais aussi des libertés, telle la liberté de se vêtir comme on veut au temps et au lieu de travail, qui ne sont pas reconnues comme fondamentales.
C'est pour cette raison qu'à cette première référence en faveur de la qualification de droit fondamental du droit de retrait, vient une seconde qui renforce celle-ci.
Lacour de cassation ne se contente pas en l'espèce de viser uniquement l'article L.1121-1 du CT qui apparaît équivoque.
Elle dit que cet article doit être interprété à lalumière d'un texte supranational, la directive communautaire du 12 juin 1989, dont l'article 8§4 exige que le salarié qui exerce son droit de retrait ne peut subiraucun préjudice et doit être protégé contre toute conséquence dommageable et injustifiée.
Cette seconde référence est révélatrice de toute l'importance qui doit êtreaccordée à la protection de ce droit.
(droit de retrait)
Un lien implicite est également établi par cette directive, entre le droit de retrait des salariés et le droit à la santé et plus particulièrement le droit à la sécurité dans letravail.
Cela renforce encore plus le caractère fondamental du droit de retrait puisqu'il vise à protéger le droit à la sécurité dans le travail (arrêt Soc.
28/02/2006 JCPE 2006, 1990 note Miné) et le droit à la préservation de la santé (textes internationaux comme art.
3 Charte sociale européenne révisée) constitue un droitfondamental.
Il convenait donc de rattacher le droit de retrait à la catégorie des droits fondamentaux dont il faut garantir le respect effectif.
On comprend mieux qu'en l'absence de dispositions spécifiques concernant la nullité du licenciement, il pouvait sembler que le juge d'appel n'avait d'autre choix quede considérer le licenciement comme dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Face à une mesure de représailles, le raisonnement suivi s'appuie aussi sur l'obligation de sécurité de résultat de l'employeur, qui trouve son fondement dans le droit àla santé, dont il doit assurer « l'effectivité ».
Pour faire respecter cet objectif, la Haute Juridiction impose la sanction la plus intense pour signifier l'importance dudroit en cause.
Est ainsi prononcée la nullité du licenciement, acte attentatoire au droit individuel de retrait dont la finalité est la sauvegarde de la vie ou de la santéde la personne du travailleur.
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