COMMENTAIRE ARRET CIV. 3E, 17 OCT.2007 (Droit)
Publié le 24/08/2012
Extrait du document
C’est à travers l’étude de l’acte de notoriété que la Cour de cassation parvient, en l’occurrence, à préciser le régime de l’usucapion. Lorsqu’il y a détention puis interversion de titre, le délai de prescription acquisitive ne commence à courir qu’à compter de la manifestation non équivoque de volonté de se comporter en qualité de propriétaire. Et l’usucapion n’est, par ailleurs, acquise, que si une possession utile a pu être démontrée. A ces deux niveaux, l’acte de notoriété joue un rôle non négligeable. D’abord, l’acte de notoriété, plus précisément sa publication, fixe le point de départ du délai de prescription (A). Ensuite, l’acte de notoriété permet de prouver la possession utile (B). A. La publication de l’acte de notoriété, point de départ du délai de prescription En soi, l’acte de notoriété est important. Mais il ne répond très certainement pas aux conditions qui, selon la Cour de cassation, permettent de réaliser l’interversion de titre. Ce qui est donc déterminant, en l’espèce, c’est la publication de l’acte de notoriété, l’acte ayant manifesté, sans ambiguïté aucune, l’intention de se comporter en qualité de propriétaire tout en informant (ce qui est important) le véritable propriétaire (qui est donc en mesure de réagir). La solution est nouvelle. Elle l’est d’autant plus que l’acte de notoriété n’a normalement pas à être publié.
«
plus de trente ans un certain nombre d'actes d'exploitation sur la parcelle, ces actes ne caractérisaient pas la volonté de se comporter en tant que propriétaires, dans lamesure où ils pouvaient avoir été effectués à titre de détenteurs précaires ».
Autrement dit, si ces actes étaient suffisants pour caractériser le corpus de la possession, iln'était pas suffisant pour caractériser l'animus domini.
Cela est normal.
Comme on l'a dit, lorsque le titre est précaire, il faut une véritable contradiction aux droits dupropriétaire.
Il y avait tout de même, en l'espèce, un acte d'une singulière netteté, l'acte de notoriété et, surtout, sa publication.
La solution est opportune, car lapublicité joue le rôle d'extériorisation de la volonté et permet, non seulement au propriétaire, mais également aux tiers de prendre connaissance de l'état d'esprit dupossesseur précaire.
C'est une solution qui est empreinte de rigueur ; pour le moins, elle laisse entendre que la Cour de cassation n'est pas disposée à retenir n'importequel type d'acte pour admettre l'interversion de la possession.
On retrouve l'esprit qui animait autrefois la jurisprudence.
Il faut caractériser « un fait patent, nonéquivoque, ayant pu être connu du propriétaire » (Req., 28 déc.
1857, DP 1858, jurispr.
p.
113) ou, plus simplement, une manifestation non équivoque de la volontédu détenteur de se comporter désormais en propriétaire (Civ.
1re, 25 janv.
1965, Bull.
civ.
1965, I, n° 72 ; Civ.
3e, 7 oct.
1975, n° 7411.619, Juris-Data n° 1975-098281, Bull.
civ.
1975, III, n° 281 ; Civ.
3e, 11 mai 1976, n° 75-11.008, Juris-Data n° 1976098196, Bull.
civ.
1976, III, n° 196 ; Civ.
3e, 22 janv.
2003, n° 01-12.868, inédit).
Transition.
Ayant pu voir dans l'acte de notoriété un acte suffisant pour intervertir le titre d'occupation, la Cour de cassation s'intéresse alors aurégime de l'usucapion par l'occupant précaire.
§ 2.
LE REGIME DE L'USUCAPION PAR L'OCCUPANT PRECAIREC'est à travers l'étude de l'acte de notoriété que la Cour de cassation parvient, en l'occurrence, à préciser le régime de l'usucapion.
Lorsqu'il y a détention puisinterversion de titre, le délai de prescription acquisitive ne commence à courir qu'à compter de la manifestation non équivoque de volonté de se comporter en qualitéde propriétaire.
Et l'usucapion n'est, par ailleurs, acquise, que si une possession utile a pu être démontrée.
A ces deux niveaux, l'acte de notoriété joue un rôle nonnégligeable.
D'abord, l'acte de notoriété, plus précisément sa publication, fixe le point de départ du délai de prescription (A).
Ensuite, l'acte de notoriété permet deprouver la possession utile (B).
A.
La publication de l'acte de notoriété, point de départ du délai de prescription En soi, l'acte de notoriété est important.
Mais il nerépond très certainement pas aux conditions qui, selon la Cour de cassation, permettent de réaliser l'interversion de titre.
Ce qui est donc déterminant, en l'espèce, c'estla publication de l'acte de notoriété, l'acte ayant manifesté, sans ambiguïté aucune, l'intention de se comporter en qualité de propriétaire tout en informant (ce qui estimportant) le véritable propriétaire (qui est donc en mesure de réagir).
La solution est nouvelle.
Elle l'est d'autant plus que l'acte de notoriété n'a normalement pas àêtre publié.
3
Conséquence : alors qu'il est conçu habituellement comme un moyen d'établir une usucapion réalisée à l'issue du délai de trente ans, l'acte de notoriété est traité ici,par un remarquable retournement de perspective, comme le point de départ du délai de la prescription acquisitive.
Dans la présente affaire, moins de vingt annéess'étaient cependant écoulées entre la publication de l'acte et l'assignation par laquelle les ayants-cause du propriétaire contestaient l'acquisition de la propriété parusucapion.
Transition.
La solution est d'autant plus importante que l'acte de notoriété permet, traditionnellement, si certaines conditions sont respectées, d'établir laréalité de la préhension.
B.
L'établissement de l'acte de notoriété, preuve de la possession utile - La preuve soulève une question délicate et essentielle.
« Idem est nonesse aut non probari » (c'est la même chose de n'avoir pas de droit et de ne pas pouvoir le prouver), énonce une maxime latine.
C'est encore plus vrai lorsque le droitsort directement du fait comme c'est le cas en matière de possession.
- Il faudra donc prouver les actes matériels de possession (qui sont les plus importants, v.
supra)et des circonstances d'où il sera possible d'inférer une possession de qualité (possession utile).
- L'acte de notoriété joue un rôle non négligeable en la matière, bienqu'il ne soit pas une preuve définitive.
Le notaire consigne les déclarations à lui faites par l'occupant et par quelques témoins.
Il recueille quelques éléments commedes photographies, des rapports d'expertise, des documents cadastraux, des rôles des impôts ou encore des baux (N.
Prod'homme, « Notoriété et usucapion », JCP N2003, 1098, spéc.
n° 1).
Certains de ces éléments sont unilatéralement établis par la partie qui s'en prévaut, d'où leur faiblesse.
Même ce qui a été directementconstaté par le notaire (par l'un de ses sens) n'est pas décisif.
Certes, les constatations personnelles du notaire font foi jusqu'à inscription de faux.
Mais le juge restenéanmoins libre de considérer que les éléments auxquels une telle autorité est reconnue ne sont pas suffisants pour caractériser l'usucapion (le juge doit, en effet,apprécier les faits avancés et preuves produites par les parties).
- Dans mesure où l'acte intervient désormais pour marquer le point de départ du délai de prescription,une précision est nécessaire : puisque l'acte de notoriété est simplement destiné à opposer contradiction aux droits du propriétaire, il est essentiel qu'il soit établi asseztôt pour permettre, ensuite, au délai trentenaire de s'écouler.
Si le possesseur dispose ensuite de présomptions (présomption de continuité, notamment), il lui faudratout de même faire la démonstration d'un acte de possession peu avant l'action en revendication (qu'il soit demandeur ou défendeur) Article 2264 : « Le possesseuractuel qui prouve avoir possédé anciennement est présumé avoir possédé dans le temps intermédiaire, sauf la preuve contraire ».
Or, pour prouver la possessionactuelle (et pour prouver la possession intermédiaire : ne nous leurrons pas, cette démonstration est indispensable contre celui qui dispose d'un titre), un acte denotoriété pourra être nécessaire.
Mais il s'agira alors d'un second acte de notoriété, avec une fonction purement probatoire, cette fois-ci.
Comme on le voit alors, l'actede notoriété revêt, désormais, une double fonction : une fonction fondamentale (l'interversion du titre) et une fonction probatoire.
Certes, le premier acte de notoriétépourra intervenir aussi, à certaines conditions, dans le débat sur la preuve ; mais c'est surtout le second qui concentrera toute l'attention des juges..
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