CE, ass., 18 mai 2018, Fédération des finances et affaires économiques de la CFDT (CFDT Finances)
Publié le 20/03/2024
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CE, ass., 18 mai 2018, Fédération des finances et affaires économiques de la CFDT
(CFDT Finances)
Faits :
-
Le 13 juillet 1983, la loi portant droits et obligations des fonctionnaires pose le principe du
recrutement statutaire dans la fonction publique.
-
Le 11 janvier 1984, la loi, modifiée le 20 avril 2016, portant dispositions statutaires
relative à la fonction publique de l’État prévoit 1/ que les emplois permanents de l’État et
de ses EP échappe à la règle posée en 1983 ; 2/ que certains emplois spécifiques, listés
par un décret en Conseil d’État pour une durée spécifique, peuvent être pourvus par voie
contractuelle.
-
Le 29 mars 2017, un décret fixe cette liste des emplois et des types d’emplois
dérogatoires.
Dans cette liste, figurent les 8 types d’emplois pour lesquels l’Institut
national de la propriété industrielle (INPI) peut recruter par voie contractuelle (INPI = EPA
national placé sous la tutelle du ministre de l’Économie).
-
Le 25 mai 2017, la Fédération des finances et affaires économiques de la CFDT
demande au Premier ministre et au ministre de l’Action et des comptes publics
l’abrogation de la disposition décrétale fixant cette liste des emplois de l’INPI.
-
Le 31 août 2017, nait une décision implicite de rejet (NB : en droit administratif, c’est
l’accusé de réception de la demande qui fait courir le délai de réponse ; vous étudierez
ces points en L3).
Procédure :
-
Le 25 septembre 2017, REP de la CFDT contre la décision implicite refusant l’abrogation
du décret.
Saisine du Conseil d’État en 1er et dernier ressort : le refus d’abrogation d’un
décret suit le même régime contentieux que ledit décret.
Les moyens développés à l’appui de la demande d’annulation sont tirés non de l’irrégularité
propre de la décision implicite de rejet mais de l’illégalité du décret ayant fait l’objet de la
demande d’abrogation.
L’objectif de la CFDT Finances est d’obtenir l’annulation du
refus d’abrogation en démontrant que l’administration était dans l’obligation d’abroger
le décret puisque ce dernier, illégal, entrait dans le champ de l’article L.
243-2 du CRPA
(compétence liée de l’administration pour répondre aux demandes d’abrogation des
règlements illégaux ou sans objet ; cf.
DAG1).
Pour y parvenir, la CFDT Finances fait valoir deux vices de procédure affectant la régularité
du décret (défaut de consultation du conseil supérieur de la fonction publique de l’État et
irrégularités dans la procédure de consultation du Conseil d’État).
À noter qu’il s’agit là de
deux vices substantiels au sens de la jurisprudence Danthony.
Elle en conteste également la légalité interne, en prétendant que les dispositions
réglementaires ne répondent pas aux exigences de la loi qui le fonde.
Problème de droit :
Pour le déterminer, il faut s’interroger sur ce qui va décider le Conseil d’État à faire droit ou
non à la requête.
Sur quelle question juridique doit-il se pencher ? Ici, il faut nécessairement
revenir sur les règles gouvernant l’abrogation des actes réglementaires : y a-t-il ou non
obligation pour l’administration (compétence liée) ? Si oui, à quelles conditions ?
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L’arrêt concerne donc prioritairement la question de la liberté laissée à l’administration pour
l’abrogation des actes réglementaires (pouvoir discrétionnaire ou compétence liée.
V.
DAG1).
Dès lors que l’on sait que celle-ci est normalement enfermée dans une compétence liée pour
abroger les règlements illégaux lorsqu’elle est saisie d’une demande en ce sens, peut
émerger un problème secondaire : celui du contrôle de la légalité des actes réglementaires.
[remarque : cette deuxième question bien qu’étant in fine au cœur de l’arrêt, n’est que secondaire.
Le
juge aurait très bien pu admettre la légalité du refus d’abroger en décidant soudainement qu’il n’existe
pas d’obligation d’abrogation des actes réglementaires illégaux.
Il ne l’a pas fait mais cela faisait partie
des options possibles].
Solution :
* Rejet de la requête.
* L’administration est bien tenue de faire droit aux demandes d’abrogation des actes
réglementaires illégaux mais la requérante n’est pas parvenue à prouver l’illégalité du décret.
Le refus d’abroger n’est donc pas annulé.
Raisonnement :
Le Conseil d’État ne revient ici que de façon incidente sur l’obligation d’abrogation des
règlements illégaux en rappelant les termes de l’article L.
243-2 du CRPA au considérant 3.
Le principal de l’arrêt sert en effet à vérifier l’illégalité prétendue du décret.
Pour ce faire, le
juge procède à un raisonnement syllogistique en 3 temps.
Le 1er temps, qui est long, conduit le juge administratif à poser les règles juridiques
applicables à l’espèce à travers 3 considérants de principe (cons.
2 à 4, le 1er considérant
servant à rappeler les faits et les termes du litige).
Cons.
2 : Il rappelle tout d’abord l’étendue du contrôle exercé par le JEP sur un acte
réglementaire : légalité externe (compétence, forme, procédure) + légalité interne.
Il rappelle
également la vocation à la permanence d’un acte réglementaire qui s’applique tant qu’il n’a
pas été modifié ou abrogé.
Cons.
3 : Le juge indique que ledit contrôle est exercé lorsque le juge est saisi, par voie
d’action, dans le délai du recours contentieux (2 mois francs).
Il ajoute par ailleurs qu’en raison de la permanence de l’acte réglementaire, sa légalité doit
pouvoir être mise en cause « à tout moment » de manière à ce que les illégalités éventuelles
puissent toujours être sanctionnées.
Mais il limite d’emblée les moyens d’une telle
contestation en indiquant que cette possibilité de mise en cause concerne « la légalité des
règles » fixées, le détournement de pouvoir (légalité interne) et la compétence de l’auteur de
l’acte.
[synthèse : par voie d’action, tout est ouvert ; si sont utilisés d’autres moyens de contestation,
seuls les moyens tirés de la compétence, du but de l’acte ou de son contenu entrent dans le
champ de cet « impératif de légalité ».]
Cons.
4 : Le juge précise les deux voies de contestation indirecte d’un acte réglementaire
illégal.
1ère voie : il indique, qu’à l’expiration du délai de recours (lorsqu’il est « définitif » donc), l’acte
réglementaire peut toujours faire l’objet d'une exception d’illégalité formée à l’appui d’un
recours dirigé contre une décision ultérieure prise pour son application ou dont il
3
constitue la base légale.
[NB : dans ce cas, le constat de l’illégalité de l’AR entraîne
l’annulation de l’acte subséquent, mais l’AR lui-même reste en vigueur.
Il faudra qu’il soit
abrogé par l’administration].
2e voie : l’acte réglementaire illégal peut aussi faire l’objet d’une demande d’abrogation
suivant l’article L.
243-2 du CRPA.
Le refus éventuellement opposé par l’administration
pourra alors être contesté devant le JEP [NB : dans ce cas, qui correspond à celui de
l’espèce, le juge vérifie s’il y a ou non obligation d’abrogation en vérifiant la légalité de l’acte.
Si le règlement est illégal, l’administration est dans l’obligation de l’abroger.
Son refus de la
faire est donc illégal].
Dans ces deux cas, précise le juge, peuvent être critiquées la légalité des règles fixées par
l’acte, la compétence de son auteur et l’existence d’un détournement de pouvoir.
En
revanche « il n’en va pas de même » des « conditions d’édiction de cet acte, les vices de
forme ou de procédure dont il serait entaché ne pouvant être utilement invoqués que dans le
cadre du REP dirigé par l’acte réglementaire lui-même et introduit avant l’expiration du délai
de recours contentieux ».
Autrement dit, les vices de forme et de procédure ne sont opérants que par voie d’action (ou
probablement par voie d’exception si et seulement si l’acte n’est pas définitif).
2e temps : le Conseil d’État fait application de ces règles à l’espèce.
Rappel : les moyens critiquent la légalité externe – vices de procédure – et la légalité
interne – légalité des dispositions « emplois » du décret MAIS le recours est dirigé contre le
refus d’abroger cet acte (le juge le rappelle cons.
5).
Bien que le décret ne soit pas définitif
au moment où le Conseil d’État est saisi, ce sont les règles nouvellement posées qui
s’appliquent.
De façon tout à fait classique, il s’attarde d’abord sur les moyens de légalité externe avant de
se pencher sur la légalité interne du décret.
Légalité externe (cons.
5) : le Conseil d’État considère que les moyens tirés des vices de
procédure affectant le décret sont inopérants à l’appui de la demande d’annulation du refus
d’abrogation.
Légalité interne (cons.
6 à 11) : le Conseil d’État examine la légalité interne du décret
puisque ces moyens ne sont pas affectés par les nouvelles règles posées.
Il estime
néanmoins que les moyens ne sont pas fondés et que l’illégalité de l’acte n’est pas
démontrée.
3e temps (cons.
12) : le juge tire les conséquences de tout cela : le refus d’abrogation n’est
pas illégal puisque l’illégalité du décret n’est pas établie (autrement dit, l’administration ne se
trouvait pas dans une situation de compétence liée pour abroger le règlement dont l’illégalité
n’est pas démontrée).
Portée :
Il s’agit incontestablement d’un arrêt de principe qui atténue l’opérance des moyens tirés des
vices de forme et de procédure affectant un acte réglementaire.
= maintient l’existant pour ce qui....
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