C.E. 13 juill. 1956, SECRÉTAIRE D'ÉTAT A LA RECONSTRUCTION ET AU LOGEMENT c. PIETON-GUIBOUT et OFFICE PUBLIC D'HABITATION A LOYERS MODÉRÉS DU DÉPARTEMENT DE LA SEINE, Rec. 338, concl. Chardeau
Publié le 01/10/2022
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«
PROCÉDURE - RÉFÉRÉ
POUVOIRS DU JUGE
C.E.
13 juill.
1956, SECRÉTAIRE D'ÉTAT
A LA RECONSTRUCTION ET AU LOGEMENT
c.
PIETON-GUIBOUT et OFFICE PUBLIC
D'HABITATION A LOYERS MODÉRÉS
DU DÉPARTEMENT DE LA SEINE, Rec.
338, concl.
Chardeau
(R.
D.
P.
1957.296, note Waline;
A.
J.
1956.11:312, 321 et 398,
concl.
Chardeau et chr.
Fournier et Braibant)
1.
- Secrétaire d'État à la reconstruction
et au logement c.
Pieton-Guibout
Cons.
que les deux recours susvisés du secrétaire d'État à la recons
truction et au logement présentent à juger des questions connexes; qu'il
y a lieu de les joindre pour y être statué par une seule décision;
Cons.
qu'aux termes de l'art.
24 de la loi du 22 juill.
1889, tel qu'il a
été modifié par l'art.
1er de la loi du 28 nov.
1955, « dans tous les cas
d'urgence, et sauf pour les litiges intéressant l'ordre et la sécurité
publique, le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il
délègue peut ordonner toutes mesures utiles sans faire préjudice au
principal et sans faire obstacle à l'exécution d'aucune décision adminis
trative.
Notification de la requête est immédiatement faite au défendeur
éventuel, avec fixation d'un délai de réponse.
La décision du président
du tribunal administratif, qui est _exécutoire par provision, est suscepti
ble d'appel devant le Conseil d'Etat dans la quinzaine de sa notifica
tion.
Dans ce cas le président de la section du contentieux peut
immédiatement et à titre provisoire suspendre l'exécution de sa déci
•Sion »;
Cons.
que, saisi par application de la disposition législative susrap
pelée d'une demande des consorts Pieton-Guibout tendant à la désigna
tion d'un expert en vue de procéder à diverses constatations relative
ment à l'état d'un immeuble sis à Flers (Orne), rue de Messei n° 5, et
reconstruit pour leur compte par-l'Association syndicale de reconstruc
tion de cette ville, le président du tribunal administratif de Caen a pris
le Il févr.
1956 une ordonnance par laquelle il a renvoyé l'affaire
devant le tribunal administratif lui-même statuant en état de référé à
l'audience du 28 février suivant; qu'à cette dernière date ledit tribunal a
ordonné la mesure d'instruction demandée après en avoir.
restreint
l'objet; que par les deux recours susvisés le secrétaire d'Etat à la
reconstruction et au logement demande l'annulation de l'ordonnance et
du jugement susmentionnés;
Sur le recours n° 37.649 dirigé contre l'ordonnance du président du
tribunal administratif de Caen en date du 11 févr.
1956;
Cons.
qu'il résulte des termes mêmes de l'ordonnance du' président
du tribunal administratif de Caen en date du Il février 1956 que ce
dernier a entendu renvoyer au tribunal administratif l'examen, non de
la question préalable de recevabilité de la demande des consorts
Pieton-Guibout, mais de cette demande prise dans son bien fondé
comme dans sa recevabilité;
Cons.
que la disposition précitée de l'art.
24 de la loi du 22 juill.
1889
modifiée par la loi du 28 nov.
1955; en confiant au président du tribunal
administratif ou au magistrat qu'il délègue le pouvoir de prendre, en cas
d'urgence, toutes mesures utiles, a entendu non pas instituer une juridic
tion nouvelle distincte du tribunal administratif et dotée d'une compétence
propre, mais seulement organiser, dans le câdre de ce tribunal, une
procédure particulière dans laquelle, à raison de l'urgence, le président du
tribunal administratif ou le magistrat qu'il délègue est habilité à statuer
aux lieu et place du tribunal; que cette disposition ne fait donc pas
obstacle à ce que le président ou le magistrat qu'il délègue, saisi dans
les conditions qu'elle prévoit, renvoie au tribunal administratif le
jugement des demandes qui lui paraissent présenter des difficultés
graves et susceptibles d'une discussion sérieuse; que l'appréciation à
·laquelle.se livre le président du tribunal n'est pas de nature à être
contestée devant le juge d'appel; que le ministre de la reconstruction et
du logement n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que l'ordonnance
attaquée a méconnu les prescriptions législatives susmentionnées;
Sur le recours n° 37.779 dirigé contre le jugement du tribunal adminis
tratif de Caen en date du 28 févr.
1956;
Cons., d'une part, que, dans les circonstances de l'affaire, eu égard,
notamment, à la menace de réquisition qui pesait sur l'immeuble dont
s'agit, la demande des consorts Pieton-Guibout présentait un caractère
d'urgence de nature à justifier l'application des dispositions de l'art.
24
de la loi du 22 juil!.
1889, modifiée par la loi du 28 nov ..
1955;
Cons., d'autre part, que si le secrétaire d'État à la reconstruction
_soutient que les actions que pourraient éventuellement engager les
consorts Pieton-Guibout, et en vue desquelles ces derniers ont demandé
que fût ordonnée une expertise, se heurteraient à diverses fins de
non-recevoir, il ne résulte pas de l'instruction que ces actions seraient
entachées d'une irrecevabilité manifeste, qui seule pourrait faire obsta
cle à la recevabilité d'une demande d'expertise constituant une mesure
conservatoire et nécessaire pour que les intéressés puissent utilement
faire valoir leurs droits dans l'avenir;
Cons., enfin, que la demande, dans les conditions où elle a été
accueillie par le jugement attaqué, ne préjudicie pas au principal;
Cons.
que de tout ce qui précède il résulte que le secrétaire d'Etat
n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal admipistratif a
fait droit à ladite demande : •..
(Rejet; dépens à la charge de l'Etat).
'
II.
- Office public d'H.
L.
M.
du département de la Seine
Cons.
qu'aux termes de l'art.
24 de la loi du 22 juill.
,1889, modifié
par l'art.
I•r de la loi du 28 nov.
1955, « dans tous les cas d'urgence, et
sauf pour les litiges intéressant l'ordre et la sécurité publique, le
président du tribunal administratif, ou le magistrat _qu'il délègue, peut
ordonner toutes mesures utiles sans faire préjudice au principal et sans
faire obstacle à ,l'exécution d'aucune décision administrative.
Notifica-
tion de la requête est immédiatement faite au défendeur éventuel, avec
fixation d'un délai de réponse.
La décision du président du tribunal
administratif, qui est exécutoire par provision, est susceptible d'appel
devant le Conseil d'Etat dans la quinzaine de sa notification.
Dans ce
cas le président de la section du contentieux peut immédiatement et à
titre provisoire suspendre l'exécution de sa décision»;
Cons.
qu'il résulte des pièces versées au dossier que l'Office public
d'habitations à loyers modérés du département de la Seine a passé le
28 avr.
1954 avec le sieur Revert, entrepreneur de travaux publics au
Perreux (Seine), un marché pour la construction à Champigny-sur
Mame, au lieu dit « Le Plant», de 570 .
logements pour le prix
forfaitaire de 667 557 947 francs; que, l'entrepreneur 'ayant été mis en
.
état de liquidation judiciaire par un jugement du tribunal de commerce
du 13 déc.
1955, l'office a décidé, le 6 janv.
1956, par application de
l'art.
39 du cahier des clauses spéciales applicables aux marchés de
travaux du bâtiment de passer un nouveau marché aux risques et périls
de l'entrepreneur défaillant; que le 6 janv.
1956, également, l'entrepre
neur a enlevé du chantier et a transporté au siège de son entreprise au r
Perreux des moules destinés à la fabrication des panneaux préfabriqués
spécialement conçus en vue de l'exécution de divers bâtiments faisant
l'objet du marché; que l'office a alors demandé au sieur Revert de
rapporter les moules sur le chantier en invoquant les dispositions du
4e alinéa de l'art.
39 précité aux termes duquel, en cas de résiliation
pure et simple ou de passation d'un noùveau marché aux risques et
périls de l'entrepreneur défaillant, « l'entrepreneur ne peut se refuser à
céder à l'office, si la demande lui en est présentée, les ouvrages
provisoires dont les dispositions ont été agréées par ce dernier, le
matériel construit spécialement pour l'exécution de l'entreprise et non
susceptible d'être réemployé d'une manière courante sur d'autres chan
tiers, ainsi d'ailleurs que les matériaux approvisionnés, soit sur le
chantier, soit en usine ou en magasin pour l'exécution des travaux
ordonnés»; que, devant le refus de restitution de l'entrepreneur qui,
par ailleurs, croyait devoir préciser par une lettre du 19 janv.
1956 qu'il
ne se servait en aucune façon des moules pour autre chose, l'office a
saisi le 6 févr.
1956 le président du tribunal administratif de Paris d'une
demande tendant à ce que, par application des dispositions de l'art.
24
ci-dessus rappelé, il ordonne au sieur Revert de rapporter les moules
dont s'agit sur le cliantier dans un délai de 3 jours et sous peine d'une
astreinte de 20 000 francs par jour de retard, en vue de permettre la
continuation des travaux; que la requête susvisée de l'office est dirigée
contre l'ordonnance en date du 10 févr.
1956 par laquelle le juge des
référés a rejeté cette demande;
Cons.
que, s'il n'appartient pas au juge administratif d'intervenir dans
la gestion ' du service · public en adressant, sous menace de sanctions
pécuniaires, des injonctions à ceux qui ont contracté avec l'administra
tion, lorsque celle-ci dispose à l'égard de ces derniers des pouvoirs
nécessaires pour assurer l'exécution du marché, il en va autrement quand
l'administration ne peut user des moyens de contrainte à l'encontre de
son cocontractant qu'en vertu d'une décision juridictionnelle; qu'en
pareille hypothèse le juge du contrat est en droit de prononcer, à
l'encontre du cocontractant de l'administration, une condamnation sous
astreinte à une obligation de faire; qu'en cas d'urgence le juge des référés
peut de même, sans faire préjudice au principal, ordonner sous astreinte
audit co-contractant, dans le cadre des obligations prévues au contrat,
toute mesure nécessaire pour assurer la continuité du service public;
Cons.
que le matériel dont l'office d'habitations à loyers modérés du
département de la Seine a demandé la restitution à !'Entreprise Revert
en vertu de la disposition susrappelée de l'alinéa 4 de l'art.
39 du cahier
des clauses spéciales du marché résilié est indispensable à la continua
tion des travaux faisant l'objet dudit marché; que, si !'Entreprise Revert
a contesté que le matériel dont s'agit fût au nombre de ceux dont
l'office peut exiger la cession en vertu de la clause précitée, la
prétention de l'office présente un caractère sérieux; que d'autre part,
l'office ne dispose d'aucun moyen lui permettant de contraindre par la
voie administrative !'Entreprise Revert à lui remettre ledit matériel;
que, dès lors, l'office était fondé à demander, dans l'attente de la
solution du litige sur le fond, et à titre de mesure provisoir� et urgente,
la condamnation de l'entreprise sous astreinte à rapporter sur le
chantier le matériel en cause, toutes réserves étant faites sur les
conséquences pécuniaires de cette mesure; que c'est à tort que le juge
des référés, par l'ordonnance attaquée a refusé de faire droit à sa
demande:
Sur les dépens de première instance :
Cons.
que, dans les circonstances de l'affaire, les dépens de première
instance doivent être supportés par !'Entreprise Revert;.:.
(Annulation;
astreinte; dépens à la charge du sieur Revert).
OBSERVATIONS
I.
- Un immeuble appartenant à un particulier et détruit
penêlant la guerre est reconstruit par les soins d'une association
syndicale de reconstruction.
Le propriétaire, estimant que les
travaux ont été mal exécutés, refuse d'assister à la réception
provisoire de l'immeuble, d'en prendre possession et de mettre
en location les logements qu'il comporte.
L'administration
l'ayant alors menacé de procéder à la réquisition de ces
logements, il saisit le président du tribunal administratif de
Caen d'une demande en référé tendant à la désignation d'un
expert chargé d'examiner l'immeuble, de vérifier son état d'ha
bitabilité et de constater ses malfaçons.
Le président renvoie
l'affaire au tribunal, à raison des difficultés qu'elle présente
(T.
A.
Caen 11 févr.
1956, Pieton-Guibout, A.
J.
1956.II.65,
concl.
Delbèque), et le tribunal, statuant en référé, fait droit à
la demande d'expep:ise du requérant.
Sur appel de l'administra
tion, le Conseil d'Etat confirme et l'orgonnance du président et
le jugement du tribunal (Secrétaire' d'Etat à la reconstruction c.
Pieton-Guibout).
Un entrepreneur chargé des travaux de construction d'un
groupe d'H.
L.
M.
dans la banlieue parisienne, est mis en
liquidation judiciaire; un nouveau marché est passé à ses
risques et périls pour l'achèvement des travaux; mais il fait
enlever du chantier des moules qui servaient à la production de
panneaux préfabriqués spécialement conçus pour la construc
tion des immeubles faisant l'objet du marché : l'exécution des
I
1
r
13 JUILL.
1956, PlETON-ÜUIBOUT
l
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t
455
travaux se trouve ainsi paralysée.
L'office d'H.
L.
M.
demande
alors au juge des référés du tribunal administratif de Paris
d'ordonner sous astreinte là restitution des, moules; sa requête
étant rejetée, il fait appel au Conseil d'Etat, qui lui donne
satisfaction ( Office public d'H.
L.
M.
de la Seine : cette décision,
rendue par défaut, a été intégralement confirmée, sur opposition de l'entrepreneur, par un arrêt Garnier et Revert du
14 mars 1958, Rec.
170; d'autre part, elle a été étendue à des
matériaux spécialement approvisionnés pour la construction
des bâtiments, par deux ordonnances du président du tribunal
administratif de Paris des 19 nov.
1956 et 18 févr.
1957,
confirmées par le Conseil d'État le 14 mars 1958 sur app~l des....
»
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