C. E. 3 nov. 1922, Dame CACHET, Rec. 790
Publié le 20/09/2022
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RETRAIT DES ACTES ADMINISTRATIFS
C.
E.
3 nov.
1922, Dame CACHET, Rec.
790
(S.
1925.3.9, note Hauriou;
R.
D.
P.
1922.552, concl.
Rivet)
Cons.
que, le directeur de l'enregistrement du Rhône ayant accordé à
la dame Cachet une indemnité pour pertes de loyers de 121 fr.
50,
celle-ci, regardant cette indemnité comme insuffisante, s'est adressée au
ministre des finances à l'effet d'obtenir une somme plus élevée; que sur
cette réclamation, le ministre, estimant que la propriété de la dame
Cachet avait le caractère d'un bien rural, et ne saurait, dès lors, donner
lieu aux indemnités prévues par la loi du 9 mars 1918, a cru pouvoir
par ce motif, non seulement rejeter la demande d'augmentation d'in
demnité dont il était saisi, mais encore supprimer d'office l'indemnité
de 121 fr.
50 allouée par le directeur;
En ce qui concerne la suppression par le ministre des finances de
l'indemnité de 121 fr.
50 accordée par le directeur de l'enregistrement:
Cons.
que, d'une manière générale, s'il appartient aux ministres,
lorsqu'une décision administrative ayant créé des droits est entachée
d'une illégalité de nature à en entraîner l'annulation par la voie conten
tieuse, de prononcer eux-mêmes d'office cette annulation, ils ne peuvent le
faire que tant que les délais du recours contentieux ne sont pas expirés;
que, dans le cas où un recours contentieux a été formé, le ministre peut
encore, même après /'expiration de ces délais et tant que le Conseil d'Etat
n'a pas statué, annuler lui-même l'acte attaqué dans la mesure où il a
fait l'objet dudit recours, et en vue d'y donner satisfaction, mais qu'il ne
saurait le faire que dans les limites où l'annulation a été demandée par le
requérant et sans pouvoir porter atteinte aux droits définitivement acquis
par la partie de la décision qui n'a dans les délais été ni attaquée ni
rapportée;
Cons.
qu'il y a lieu de faire application de ces principes généraux à
la procédure toute spéciale instituée par la loi du 9 mars 1918;
Cons.
qu'en vertu de l'art.
30, § 4 de la loi du 9 mars 1918, les
demandes en indemnités formées par les propriétaires désignés à cet
article doivent être adressées dans chaque département au directeur de
l'enregistrement, et qu'aux termes du § 8 dudit article ce fonctionnaire
fixe le montant de l'indemnité « par délégation du ministre»; que dans
la quinzaine de la notification de cette décision au propriétaire inté
ressé, celui-ci pourra adresser un recours au ministre qui statuera dans
le mois, sauf recours au Conseil d'État;
Cons.
que la décision du directeur de l'enregistrement ayant un
caractère de décision exécutoire et ayant créé des droits ne pouvait être,
par application des principes généraux rappelés ci-dessus, modifiée
d'office par le ministre que pour un motif de droit et seulement dans le
délai de quinze jours susmentionné;
Cons.
qu'il résulte de l'instruction que la décision du directeur de
l'enregistrement du 30 nov.
1920, accordant à la dame Cachet une
indemnité de 121 fr.
50, avait été notifiée à cette propriétaire depuis
plus de quinze jours lorsqu'est intervenue, à la date du 25 mai 1921, la
décision du ministre des finances; que, par suite, la dame Cachet avait
un droit définitivement acquis au bénéfice de l'indemnité de 121 fr.
50
à elle allouée par le directeur de l'enregistrement et que le ministre des
finances n'a pu légalement lui prescrire d'en opérer le remboursement;
Sur les conclusions de la· dame Cachet tendant à l'obtention d'une
indemnité plus élevée
Cons.
qu'il résulte de l'intruction que la propriété de la dame Cachet
constitue dans son ensemble un bien rural; que, par suite, la conven
tic,n intervenue entre la dame Cachet et le sieur Bramas, son locataire,
avait le caractère non d'un bail à loyer, mais d'un bail à ferme non visé
par les dispositions de la loi du 9 mars 1918; qu'ainsi c'est avec raison
que le ministre des finances a, par ce motif, refusé de faire droit aux
conclusions de la demande dont il était saisi;...
(Décision du ministre
annulée en tant qu'elle a ordonné le reversement de la somme de
121 fr.
50; surplus des conclusions de la dame Cachet rejeté).
OBSERVATI ONS
La darne Cachet possédait à Lyon une propriété comprenant
une maison d'habitation et des jardins potagers, louée à un
jardinier qui avait été exonéré du paiement de ses loyers par
application de la loi du 9 mars 1918.
Conformément aux
dispositions de cette loi, la propriétaire réclama une indemnité
pour perte de loyers au directeur de l'enregistrement; celui-ci
ne lui ayant donné que partiellement satisfaction, elle en
appela au ministre, qui, non seulement ne porta pas l'indem
nité à un taux plus élevé, mais encore retira la décision qui
l'accordait, en estimant que la propriété constituait un bien
rural ne rentrant pas dans le champ d'application de la loi.
Sur
recours de la dame Cachet contre la décision ministérielle, le
Conseil d'État jugea que l'administration n'avait pu légalement
retirer, après l'expiration des délais du recours contentieux, un
acte ayant un caractère exécutoi_re et ayant créé des droits.
Par cet arrêt, le Conseil d'Etat a fixé les conditions dans
lesquelles l'administration peut retirer elle-même les mesures
illégales qu'elle a prises.
La matière comporte des exigences
contradictoires : d'une part, il semble souhaitable que des actes
illégaux puissent être librement rapportés par l'administration
lorsque cette dernière s'aperçoit de l'illégalité commise; d'autre
part, la sécurité juridique serait compromise si des droits
acquis, même irrégulièrement, par des particuliers pouvaient à
tout moment être remis en cause par l'administration.
La jurisprudence, dont l'arrêt Dame Cachet constitue la pièce
maîtresse, peut être systématisée de la manière suivante :
A.
- Lorsqu'il s'agit, non pas d'un retrait proprement dit
(c'est-à-dire d'un retrait rétroactif), mais d'une simple abroga
tion pour l'avenir, les règles sont très simples.
Les actes
réglementaires peuvent toujours être abrogés (ou modifiés) par
l'autorité compétente : il n'y a jamais droit acquis au maintien
d'un règlement (cf.
C.E.
25 juin 1954, Syndicat national de la
meunerie à seigle, Rec.
379; D.
1955.49, concl.
Jean Donnedieu
de Vabres; - 27 janv.
1961, Vannier, Rec.
60, concl.
Kahn;
A.
J.
1961.74, chr.
Galabert et Gentot).
Quant aux actes indivi
duels, il faut distinguer selon qu'ils ont été ou non générateurs
de droits : si la mesure n'a pas fait naître de droits ou n'a pas
conféré de droits définitifs (acte de pure faveur, proposition de
caractère provisoire, autorisation précaire et révocable par
nature), son abrogation est toujours possible : tel est le cas en
règle générale des permissions de voirie (C.E.
5 mai 1944,
Compagnie maritime de l'Afrique orientale *) et des mesures de
police (C.
E.
4 juill.
1958, Graff, Rec.
414; R.
D.P.
1959.315,
concl.
Long; A.
J.
1958.1 1.314, chr.
Fournier et Combarnous);
lorsque, au contraire, la décision a fait naître un droit au profit
d'un particulier, son abrogation n'est possible que par la voie
d'un « acte contraire» nouveau, soumis aux conditions requi
ses par la loi; ainsi l'abrogation d'une nomination ne peut se
faire que par voie de révocation, mise à la retraite, etc.
(sur le
principe du « parallélisme des formes» et ses limites, v.
C.E.
10 avr.
1959, Fourré-Cormery, Rec.
233; S.
1959.98, concl.
Heumann; D.
1959.210, concl.
Heumann; R.
D.
P.
1959-1223,
note Waline; A.
J.
1959.1.111, chr.
Combarnous et Galabert; 28 avr.
1967, Fédération nationale des syndicats pharmaceuti
ques de France et autres; Rec.
180; A.
J.
1967.401, concl.
Galabert).
B.
- Dans le cas d'un retrait proprement dit, c'est-à-dire
d'une suppression rétroactive de l'acte, il faut distinguer selon
qu'il s'agit d'un acte régulier ou d'un acte irrégulier.
a) Le retrait, pour simple opportunité, d'un acte régulier est
impossible lorsque cet acte a....
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