C. E. 3 févr. 1911, ANGUET, Rec. 146
Publié le 20/09/2022
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«
RESPONSABILITÉ
FAUTE PERSONNELLE ET FAUTE DE SERVICE
CUMUL
C.
E.
3 févr.
1911, ANGUET, Rec.
146
(S.
1911.3.137, note Hauriou)
Cons.
qu'il résulte de l'instruction que la porte affectée au passage
du public dans le bureau de poste établi au numéro I de la rue des
Filles-du-Calvaire a été fermée, le Il janv.
1908, avant l'heure
réglementaire et avant que le sieur Anguet qui se trouvait-à l'intérieur
de ce bureau eût terminé ses opérations aux guichets; que ce n'est
que sur l'invitation d'un employé et à défaut d'autre issue que le sieur
Anguet a, effectué sa sortie par la partie du bureau réservée aux
agents du service; que, dans ces conditions, l'accident dont le
requérant a été victime, par suite_ de sa brutale expulsion de cette partie
du bureau, d,oit être attribué, quelle que soit la responsabilité personnelle
encourue par les agents, auteurs de l'expulsion� au mauvais
fonctionnement du seryice public; que, dès lors, le sieur Anguet est
fondé à demander à l'Etat réparation du préjudice qui lui a été causé
par ledit accident; que, dans les circonstances de l'affaire, i! sera fait
une équitable appréciation de ce préjudice en condamnant l'Etat à
payer au sieur Anguet une somme de 20 000 F pour toufe indemnité,
tant en capital qu'en intérêts;...
(Annulation; indemnité accordéé).
OBSERVATIONS
Le sieur Anguet était entré à 8 heures et demie du soir, le
ll janv.
1908, dans le bureau de poste de la rue des FillesduCalv_aire pour y encaisser un mandat.
Lorsqu'il voulut sortir;
la porte normalement réservée au passage du public était
fermée et, sur les indications d'un employé, il traversa les
locaux réservés au personnel pour gagner une autre issue.
Deux employés occupés à classer les valeurs postales,
trouvant sans doute qu'il n'évacuait pas assez vite les lieux
et le prenant
102
LES GRANDS ARR~TS ADMINISTRATIFS
peut-être pour un malfaiteur, 1e poussèrent si brutalement dans
la rue qu'il se cassa la jambe.
A la dell!ande d'indemnité formée ,par le requérant devant le
Conseil d'Etat, le ministre des postes et télégraphes répliqua
que, si les agents coupables des brutalités exercées sur le sieur
Anguet avaient engagé à son égard leur responsabilité personnelle, les conséquences de leur faute ne devaient pas être mises
à la charge de l'État.
La doctrine pensait à cette époque, en l'absence de décision
du Conseil d'État, que « la responsabilité de l'administration et
celle de l'agent ne se cumulent pas; non seulement ils ne sont
pas responsables solidairement, mais ils ne le sont pas en même
temps· et à raison du même fait » (Hauriou, La jurisprudence
administrative· de 1892 à 1929, t.
1, p.
631).
L'arrêt Anguet
apporte à ce principe une première entorse encore timide, mais
qui ouvre la voie à l'arrêt Lemonnier* (C.E.
26 juill.
1918) et à
la jurisprudence çlite du « cumul des responsabilités».
Le Conseil d'Etat admet en effet que si la cause directe et
matérielle de l'accident était la faute personnelle des agents,
cette faute n'avait été rendue possible que par une faute du
service : le bureau avait été fermé avant l'heure réglementaire et
avant que le sieur Anguet eût terminé ses opérations.
L'existence de cette faute du service suffit à rendre l'administration
, responsable du dommage.
Du moins, dans l'espèce Anguet, la faute du service gardet-elle quelque indépendance par rapport à la faute personnelle :
le dommage est dû à deux faits distincts, dont l'un constitue
une faute de service et l'autre une faute personnelle.
Bientôt la
jurisprudence se bornera à subordonner la responsabilité du
,service au simple défaut de surveillance qui a permis la faute
personnelle.
Ainsi l'accident survenu à un....
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