C. E. 29 nov. 1912, BOUSSUGE, Rec. 1128, concl. Blum
Publié le 20/09/2022
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«
RECOURS POUR EXCÈS DE POUVOIR
TIERCE OPPOSITION
C.
E.
29 nov.
1912, BOUSSUGE, Rec.
1128, concl.
Blum
(S.
1914.3.33, concl.
Blum, note Hauriou;
D.
1.916.3.49, concl.
Blum;
R.
D.
P.
1913.331, concl.
Blum, note Jèze)
Cons.
que si, en vertu de l'art.
37 du décret' du 22 juill.
1806, toute
personne qui n'a été ni appelée ni représentée dans pnstance peut
former tierce opposition à une décision du Conseil d'Etat rendue en
matière contentieuse, cette voie de recours n'est ouverte, conformément à
la règle générale posée par l'art.
474 du code de procédure civile, qu'à
ceux qui se prévalent d'un droit, auquel la décision entreprise aurait
préjudicié;
Cons.
que l'art.
61 du règlement d'administration publique du 8 oct.
1907, tel qu'il avait été promulgué, portait que le carreau forain des
,Halles est réservé aux cultivateurs qui y amènent leurs produits pour les
vendre eux-mêmes et aux approvisionneurs vendant des denrées dont
ils sont propriétaires;
Cons.
qve, par la décision ci-dessus visée, en date du 7 juil!.
1911, le
Conseil d'Etat a annulé ledit art.
61, en tant qu'il admet sur le carreau
forrain des Halles de Paris, concurremment avec les cultivateurs- qui y
amènent leurs produits, les « approvisionneurs vendant des denrées
dont ils sont propriétaires »;
Cons.
que les requérants soutiennent qu'en leur qualité d'approvi
sionneurs, ils ont été personnellement privés, par la décision précitée,
d'un droit qu'ils tenaient de la loi du Il juin 1896 sur les Halles
centrales de Paris et du décret du 8 oct.
1907; que, dès lors, leur
requête en tierce opposition est recevable;...
(Requête en tierce opposi
tion des sieurs Boussuge et autres- déclarée recevable).
OBSERVATIONS
Un règlement d'administration publique du 8 oct.
1907 avait
été pris.
en exécution de la loi du, 11 juin 1896 sur le régime des
Halles.
Un arrêt du Conseil d'Etat du 7 juill.
1911 (Decugis,
Rec.
797, concl.
Blum; S.
1914.3.36, concl.
Blum) avait annulé
l'çtrticle de ce règlement qui admettait des approvisionneurs sur
le carreau forain, à côté des propriétaires cultivateurs vendant
116
LES GRANDS ARRfilS ADMINISTRATIFS
leurs produits.
Les approvisio nneurs· formèrent tierce opposition contre cet arrêt parce qu'il portait préjudice à leurs droits
et qu'ils n'avaient pas çté représentés à l'instance.
L'art.
37 du décret du·22 juil!.
1806 prévoyant la procédure
de tierce opposition devant le Conseil d'État s'appliquait-il au
recours pour exc~ de pouvoir?
Le Conseil d'Etat l'avait d'abord admis {28 avr.
1882, Ville
de Cannes, Rec.
3287), liant le droit de former tierce opposition
au droit d'intervention.
Puis un revirement de jurisprudence
(8 déc.
1899, Ville d'Avignon, Rec.
719, concl.
Jagerschmidt)
_avait exclu la tierce ,opposition en matière d'excès de pouvoir,
par le motif que l'excès de pouvoir ne créait pas un litige entre
parties.
Le commissaire du gouvernement Léon .Blum constata dans
ses conclusions que le caractère objectif du recours pour excès
de pouvoir est fortement atténué lorsque le recours est dirigé
contre des actes individuels : « En dépit de la forme extérieure
du recours, bien que l'acte attaqué soit un -acte de puissance
publique, le débat porté devant vous, dans toutes les espèces de
cette nature, est bien un litige entre des intérêts individuels.
»
Mais il estimait qu'il n'en est pas de même du recours dirigé
contre les actes réglementaires : « Le requérant disparaît, et
vous vous demandez simplement si l'acte réglementaire attaqué
est légal.
Les deux parties sont en réalité :.
le règlement, d'une
part, la loi ou les principes généraux du droit de l'autre ...
Vis-à-vis d'actes de cette nature, quel pourrait être l'effet de la
tierce opposition? Elle tendrait à faire revivre ,un règlement que
vous avez annulé, non parce qu'il méconnaissait des droits,
mais parce qu'il violait le droit.
Comment la justification d'un
droit individuel pourrait-elle jamais vous faire revenir sur votre
décision ...
» Il concluait en faveur de la recevabilité de la tierce
opposition contre les arrêts statuant sur des actes individuels,
mais l'estimait impossible s'agissant d'arrêts statuant sur des
actes réglementaires.
Il ne fut pas suivi, et le Conseil d'État a admis la recevabilité
de la tierce opposition formée par le sieur Boussuge contre
l'annulatio n d'un acte réglementaire.
La décision fit un certain bruit.
« Il.
y a quelque chose de
changé dans le contentieux administra tif français - écrivait
Hauriou - et le changement porte plus loin que la question
spéciale de la tierce opposition et de sa recevabilité...
Le
ci1angement, c'est que le recours pour excès de pouvoir pâlit, et
s'efface de plus en plus devant le recours contentieux ordinaire ...
» Cet arrêt ·entrait, en effet, pour lui dans le cadre de
l'évolution .historique qui emportait le caractère objectif du
recours pour excès de pouvoir.
En réalité, le Conseil d'État n'a pas encore admis que, d'une
façon générale, le contentieux de l'excès de pouvoir ait un
- __ ._
-
--~-----
...
__
__:_ ~~
...
29
NOV.
1912,
BOBSSUGE
117
caractère subjectif analogue à celui du contentieux de pleine
juridiction et se déroule, comme .celui-ci, entre des « parties »·
(C.E.
21 avr.
1944, Société Dockès frères, Rec.
120; - 19 avr.
1950, Villèle, Rec.
214).
Le recours pour excès de pouvoir
demeure essentiellement un procès de légalité fait à un acte
administratif; et la décision....
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