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C. E. 29 janv. 1954, INSTITUTION NOTRE-DAME DU KREISKER, Rec. 64

Publié le 01/10/2022

Extrait du document

« ,ACTES ADMINISTRATIFS-CIRCULAIRES C.

E.

29 janv.

1954, INSTITUTION NOTRE-DAME DU KREISKER, Rec.

64 (R.

P.

D.

A.

1954.50, concl.

Tricot; A.

J.

1954.II bis.5, ·chr.

Gazier et Lo�g) Sur la recevabilité de la requête : Cons., d'une part, que, par sa lettre du 25 févr.

1950, le sous-préfet de Morlaix s'est borné à inviter le.

directeur de l'institution Notre-Dame du Kreisker à compléter selon les prescriptions de la circulaire du ministre de l'éducation nationale, en date du Il janv.

1950, le dossier constitué à l'appui de la demande de subvention adressée à la com­ mune de Saint-Pol-de-Léon; qu'ainsi cette letti:e ne comporte pas de décision susceptible d'être déférée au Conseil d'Etat statuant au conten­ tieux; que, dès lors, les conclusions du pourvoi la concernant ne sont pas recevables; Cons., d'autre part, que par la circulaire du 11 janv.

1950, qui a pour objet l'application des dispositions de l'art.

69 de la loi du 15 mars 1850 en ce qui concerne les demandes de subvention adressées à des départe­ ments ou à des communes par des établissements privés d'instruction secondaire, le ministre de l'éducation nationale ne s'est pas borné à interpréter les textes en vigueur, mais a, dans les dispositions attaquées, fixé des règles nouvelles relatives à la constitution dès dossiers de ces demandes de subvention: que, par suite, ladite drculaire a, dans ces dispositions, un caractère réglementaire; que, dès lors, l'il'} stitution Notre­ Dame du Kreisker est recevable à déférer au Conseil d'Etat les prescription contestées de cette circulaire; Sur la légalité de la circulaire du 11 janv.

1950: Cons.

que l'art.

69 de la loi du 15 mars 1850 prévoit que les établissements libres d'enseignement seçondaire pourront obtenir des communes, des départements et de l'Etat des subventions sans que celles-ci pussent excéder le dixième des dépenses annuelles des établis­ sements en cause et à condition que les conseils académiques.

aient été appelés « à donner leur avis préalable sur l'opportunité de ces subven­ tions»; Cons.

que la circulaire du 11 janv.

1950 soï.mÏet à l'avis préalable du Conseil supérieur de l'éducation nationale toutes les demandes de subvention qui sont adressées par les établissements libres d'enseignement secondaire à des départements ou à des communes et auxquelles les assemblées départementales ou municipales se proposent de donner une suite favorable; que, le pouvoir de prendre une décision définitive sur lesdites demandes appartenant aux conseils généraux et aux conseils municipaux, le ministre de l'éducation nationale ne peut légalement subordonner l'exercice par les assemblées locales de leur pouvoir à l'intervention d'avis non prévus par la loi; que la loi du 27 févr.

1880 sur le Conseil supérieur de l'instruction publique a abrogé tant l'art.

5 de la loi du 15 mars 1850 que l'art.

4 de la loi du 19 mars 1873 qui exigeaient une telle consultation; que, dans son art.

5, cette loi du 27 févr.

1880 n'a pas repris la disposition concernant « les secours et encouragements à accorder aux établissements libres d'enseignement secondaire»; qu'il en est de même de la loi du 18 mâi 1946, relative au Conseil supérieur de l'éducation nationale, · dont l'art.

11 garde le silence sur ce point; que, dans ces conditions, l'institution requérante est fondée à soutenir que la disposition sus-analysée de la circulaire attaquée est entachée d'excès de pouvoir; Cons.

qu'il appartient au ministre de l'éducation nationale, de qui dépendent les conseils académiques, de dresser la liste des renseignements qui doivent permettre à ces conseils de donner utilement leur avis sur l'opportunité de la subvention sollicitée; que ledit ministre n'a, par suite, pas commis d'excès de pouvoir en prévoyant la production par les établissements d'instruction secondaire des pièces énumérées sous les rubriques dont la légalité est contestée par l'institution requérante, sauf ce qui sera ci-après constaté en ce qui concerne la rubrique n° 14; qu'il appartient également au recteur de veiller à ce que l'instruction des dossiers soit faite avant la prochaine session du conseil académique; mais que, la procédure devant aboutir, après avis émis sur · chaque affaire par le conseil académique, à une décision de l'assemblée locale statuant sur la demande de subvention, le recteur ne saurait, sans fair obstacle illégalement au déroulement normal de la procédure susvisée, s'abstenir de soumettre un dossier audit conseil académique; que, dès lors, l'institution requérante est fondée à soutenir que les prescriptions de la circulaire attaquée sont entachées d'excès de pouvoir en tant qu'elles ont pour effet d'exiger les renseignements qu'elle prévoit à peine d'irrecevabilité de la demande de subvention et qu'elles confirment au recteur le pouvoir de ne pas soumettre au conseil académique les dossiers jugés par lui irrecevables pour ce motif; Cons.

qu'aucune disposition de la loi du 15 mars 1850 ne prévoit un contrôle particulier de l'enseignement q.onné par un établissement libre d'instruction secondaire ou de sa gestio"n financière quand cet établissement bénéficie d'une subvention en vertu de l'art.

69 de ladite loi; que, lorsqu'un conseil général ou un conseil municipal, usant des pouvoirs que lui confère à cet égard l'art.

69 précité de la loi susvisée du 15 mars 1850, décide d'accorder une subvention à un de ces établissements, il ne saurait appartenir qu'à cette assembléè de subordonner, le cas échéant, !:octroi de cette subvention à l'acceptation par l'établissement d'un tel contrôle particulier; que, dès lors, l'in_stitution requérante est fondée à soutenir que le ministre de l'éducation nationale a commis un excès de pouvoir en prescrivant, par la circulaire attaquée, la production, par l'établissement qui forme une demande de subvention, d'un engage- ment du directeur de cet établissement d'accepter, au cas où la subvention serait accordée, le contrôle administratif et pédagogique dudit établissement, en ce qui concerne tant sa gestion économique et financière que l'enseignement, par les autorités universitaires investies du, pouvoir d'inspection;...

(Annulation partielle). OBSERVATIONS 1.

- Le directeur de l'institution Notre-Dame du Kreisker déférait au Conseil d'État, d'une part la circulaire du ministre de l'éducation nationale en date du 11 janv.

1950 concernant l'application des dispositions de la loi Falloux du 15 mars 1850 relatives aux subventions des départements et des communes aux établissements privés d'enseignement secondaire, d'autre part une lettre du sous-préfet de Morlaix exigeant que le dossier de demande de subvention présenté par cette institution soit constitué conformément aux prescriptions de ladite circulaire.

Le recours dirigé contre la lettre du sous-préfet ne posait pas de problème : cette lettre, qui se bornait à un rappel de la réglementation existante et à une invitation à compléter le dossier présenté, ne constituait pas, en vertu d'une jurisprudence constante, une décision faisant grief susceptible d'être attaquée par la voie du recours pour excès de pouvoir.

Le recours dirigé contre la ,circulaire de 1950 soulevait au contraire la question importante et délicate de la nature juridique des instructions de service : le problème n'était certes pas nouveau, mais l'arrêt de 1954 et les conclusions du -commissaire du gouvernement Tricot constituent un intéressant effort de clarifi~ cation d'une matière singulièrement complexe. Les circulaires et instructions de services adressées par les ~. ministres à leurs subordonnés sont généralement considérées ~ par la jurisprudence comme des documents intérieurs à l'administration et, par conséquent, comme des actes ne faisant pas grief aux tiers, lesquels ne peuvent ni les attaquer par la voie du recours pour excès de pouvoir ni invoquer leur violation à 1 \ l'appui d'un pourvoi.

Cette catégorie ne doit d'ailleurs pas être confondue avec celle des « mesures d'ordre intérieur» destinées à assurer la discipline et rorganisation de certains services particuliers, notamment l'armée et les établissements scolaires (C.

E.

11 juill.

1947, Dewavrin, Rec.

307; - 20 oct.

1954, Chapou, Rec.

541; A.

J.

1954.II bis.13, chr.

Long).

Mais à côté t des circulaires dont l'objet est de rappeler aux divers services /! les textes applicables ou de leur fournir une interprétation officielle et uniforme, il y a des circulaires qui créent des droits fi' ou des obligations pour les tiers et posent une règle juridique nouvelle, ressemblant ainsi à de véritables règlements.

Comme le dit M.

Tricot dans ses conclusions, « la circulaire est un pavillon qui peut recouvrir toutes sortes 'de marchandises : ordres du jour, conseils, recommandations, direçtives d'organisation et de fonctionnement, règles de droit».

Le juge se voit ., ainsi contraint à effectuer une distinction entre les circulaires :' purement interprétatives, contre lesquelles le recours est irreceva: ble et qui ne peuvent être invoquées à l'appui d'un pourvoi, et les circulaires réglementaires, contre lesquelles le recours est possible et qui peuvent être invoquées à l'appui d'un pourvoi. 1; Cette distinction pose un double problème.

D'une part, les \ ministres peuvent-ils créer des règles générales, alors qu'aucun f.texte ne leur accorde le pouvoir réglementaire? Cette question ~ est résolue par l'affirmative depuis l'arrêt Jamart * du 7 févr. 1936 : « même dans le cas où les ministres ne tiennent d'aucune disposition législative un pouvoir réglementaire, il leur appartient, comme à tout ch~f de service, de prendre les mesures nécessaires au bon fonctionne!'.llent de l'administration placée sous leur autorité».

Le pouvoir àinsi reconnu au ministre ne peut cependant « s'exercer que dans la mesure où les nécessités du service l'exigent, et ·envers les seules personnes qui se trouvent en relations avec le service, soit qu'elles y c0llaborent, soit qu'elles l'utilisent» (concl.

M.

Bernard sur C.E.

6 oct. 1961, U.

N.

A.

P.

E.

L., R.

P.

D.

1961.1279). D'autre part, quel sera le critère permettant de distinguer les circulaires interprétatives et les circulaires réglementaires? Comme le dit M.

Tricot, la position du juge est difficile.

« S'il refuse le caractère réglementaire à timte circulaire, il réduit les garanties des administrés.

Il les oblige à attendre la prise d'une décision individuelle alors que l'illégalité est déjà patente et qu'il serait opportun de la sanètionner sans attendre qu'elle ait sévi dans de nombreux cas particuliers.

Mais s'il décide trop souvent qu'il y a règlement, il consacre et renforce ce qui pouvait n'être encore que l'énoncé d'une tendance, une directive susceptible d'accomodement.

» Le problème est d'autant plus grave que « la tendance des administrations contemporaines est à promouvoir la circulaire dans la hiérarchie des actes \ administratifs.

L'interdépendance des problèmes, qui multiplie ,.,,, les ministres contresignataires d'un décret ou d'un arrêté, la, lourdeur des transmissions administratives, l'instabilité ministérielle qui oblige souvent à recommencer le circuit d'un texte exigeant plusieurs signatures, tous ces facteurs poussent aujour- · d'hui l'administration à inclure dans· la circulaire des règles qui auraient dû être énoncées par décret ou par arrêté...

On assiste ainsi à un recul de la règle de droit vers le précaire et le confidentiel». On comprend que la jurisprudence soit hésitante en cette matière et que le juge emploie des formules prudentes et un peu vagues.

En dépit de cette incertitude, le commissaire du gouvernement Tricot a tenté de dresser une synthèse de la jurispru- r dence et d'indiquer les signes auxquels on reconnaît le caractère, réglementaire ou non, d'une circulaire. Ne constituent pas des circulaires réglementaires : - celles qui recommandent aux subordonnés un certain comportement (C.

E.

28 juin 1950, Institut prophylactique, Rec. 381 : le ministre demande à ses services d'inciter les caisses de sécutj.té sociale à passer certaines conventions avec les départements); - celles.... »

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