C. E. 29 janv. 1909, COMPAGNIE DES MESSAGERIES MARITIMES et autres, Rec. 120 (D. 1910.3.89, concl. Tardieu)
Publié le 20/09/2022
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CONTRATS ADMINISTRATIFS
FORCE MAJEURE
C.
E.
29 janv.
1909,
COMPAGNIE DES MESSAGERIES MARITIMES et autres, Rec.
120
(D.
1910.3.89, concl.
Tardieu)
1° esp.
- Compagnie des messageries maritimes.
Cons.
qu'aux termes de l'art.
35 du cahier des charges annexé à la
convention du 30 juip.
1886 et maintenu par la convention du 5 nov.
1894 passée entre l'Etat et la Compagnie des messageries maritimes
pour l'exécution des services maritimes postaux, tout retard au départ
des paquebots rend la Compagnie passible d'une amende, sauf le cas
de force majeure dûment constaté;
Cons.
que les grèves partielles ou générales, qui peuvent se produire au
cours d'une entreprise, n'ont pas nécessairement, au point de vue de
l'exécution du contrat qui lie l'entrepreneur au maître de l'ouvrage, le
caractère d'événements de force majeure; qu'il y a lieu, dans chaque
espèce, par l'examen des faits de la cause, de rechercher si la grève a eu
pour origine une faute grave de la part de l'entrepreneur, si elle pouvait
ê,re évitée ou arrêtée par lui, et si elle a constitué pour lui un obstacle
insurmontable à l'accomplissement de ses obligations;
Cons.
qu'à la suite de réclamations formulées par les inscrits mariti
mes contre plusieurs officiers de la marine marchande employés par
diverses compagnies de navigation· et de mises à l'index ayant eu pour
effet d'obtenir le débarquement de ces officiers, tous les états-majors
des navires de commerce du port de Marseille ont décidé de se
solidariser et de cesser le travail tant que les compagnies, qui avaient
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LES GRANDS ARR~TS ADMINISTRATIFS
cédé aux menaces des inscrits maritimes, n'auraient pas réintégré.
dans
leur emploi les officiers débarqués;
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Cons., d'une part, que la grève générale des états-majors de la
màrine marchande survenue dans ces circonstances, n'avait pas pour
origine une faute de la Compagnie des messageries maritimes; que cette
Compagnie, qui était étrangère au conflit existant entre les inscrits
maritimes et les états-majors, n'avait pas le pouvoir de la prévenir ni de
l'arrêter, qu'il n'est nullement établi qu'elle ait cherché à la favoriser, et
qu'il n'est relevé à sa charge aucun fait de nature à engager de ce chef
·sa responsabilité; qu'ainsi la grève générale des états-majors a eu à
l'égard de la Compagnie des messageries maritimes le caractère d'un
évènement indépendant de sa volonté, qu'elle était impuissante à
empêcher;
Cons., d'autre part, que la grève générale des états-majors avait pour
conséquence de rendre impossible le départ des paquebots de la
C9mpagnie et l'exécution du service postal qui lui était confié; que
l'Etat n'a, à aucun moment, offert à la Compagnie des messageries
martimes, ainsi qu'il l'a fait pour d'autres compagnies, le concours des
officiers de la marine nationale; qu'il -s'agissait pour elle, non d'une
simple gêne, mais d'un obstacle insurmontable;
Cons.
qu'il résulte de ce qui précède que la Compagnie des messageries maritimes est fondée à soutenir que la grève des états-majors a
constitué pour elle le cas de force majeure prévu par l'art.
35 de son
cahier des charges, et à demander à être exonérée des amendes mises à
sa charge pour l'inexécution de son service; qu'il y a lieu dès lors de
condamner l'État à lui rembourser la somme de 64 900 F, représentant
le montant de ces amendes, et à lui payer les intérêts de ladite somme à
p~rtir du jour où le pré!èvement a été indûment effectué; ...
(Annulation, condamnation de l'Etat).
2° esp.
- Compagnie générale transatlantique et Compagnie de navigation mixte.
Cons.
qu'aux termes des art.
24 et 100 du cahier di;_s charges annexé
à la convention du 16 déc.
1896 passée entre l'Etat et les deux
Compagnies générale transatlantique et de navigation mixte pour
l'exécution des services maritimes postaux, tout retard au départ des
paquebots rend les Compagnies passibles d'une amende, sauf les cas de
force majeure dûment constatés;
Cons.
que la grève générale des .états-majors de la marine marchande
du port de Marseille n'a pas eu pour effet de rendre impossible pour
les deux Compagnies l'exécution du service postal qui leur était confié
entre la France d'une part, et, d'autre part, l'Algérie, la Tunisie, la
Tripolitaine et le Maroc; qu'en effet, dès le début de la grève, l'Etat
leur a offert de mettre à leur disposition, pour assurer les services qui
étaient menacés d'être interrompus, des officiers et des mécaniciens de
la marine nationale en nombre suffisant pour combler les vides
ex:stants dans l'état-major des paquebots à la veille de partir; que la
Compagnie générale transatlantique a, en ce qui la concerne, opposé à
l'offre de l'administration un refus formel; qu'en ce qui touche la
Compagnie de l!avigation mixte, la prétention émise par elle de faire
supporter par l'Etat la responsabilité générale et absolue de toutes les
conséguences pouvant résulter pour elle de la substitution des officiers
de l'Etat à son propre personnel, sans aucune distinction entre les
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divers risques possibles, qu'elle qu'en fût la nature, avait pour effet de
subordonner son adhésion à une condition inacceptable pour l'Etat, et
devait la faire regarder comme équiyalant, de la part de ladite Compagnie, à un refus; que l'offre de l'Etat, tout en laissant subsister des
difficultés sérieuses pour les deux Compagnies de navigation, n'en avait
pas moins pour effet, étant donné la navigation à accomplir, de faire
disparaître l'empêchement absolu qui s'opposait au départ des paquebots; que, si les Compagnies ont cru devoir refuser cette offre en raison
de la gêne et des responsabilités éventuelles qui pouvait en découler
pour elles, elles l'ont fait à leurs risques et périls; qu'elles ont perdu par
là même le droit de soutenir que la grève des états-majors de la marine
marchande a créé un obstacle insurmontable à l'exécution de leur
service, et d'invoquer le cas de force majeure pour se soustraire à
l'application des clauses pénales qu'elles ont encourues en exécution
des art.
24 et 100 de leur cahier des charges; ...
(Rejet).
OBSERVATIONS
I.
- L'État, concédant, avait infligé, en application des
cahiers des charges, des amendes pénales à la Compagnie ·des
messageries maritimes, à la· Compagnie générale transatlantique
et à la Compagnie de navigation mixte, toutes trois concessionnaires de transports maritimes, pour interruption de leur service.
Les Compagnies soutenaient que cette interruption était
due à la grève des états-majors, qui constituait un cas de fçrce
majeure les exonérant de toute responsabilité.
Le Conseil d'Etat
devait donc dire si la grève du personnel du concessionnaire
constituait un cas de force majeure l'exonérant de ses obligations.
Le commissaire du gouvernement Tardieu posa les principes
suivants : la grève est un cas de force majeure :
- si elle est indépendante de la volonté du contractant;
- si elle le met dans l'impossibilité absolue de remplir ses
obligations;
- s'il n'a pu la prévenir ou la faire cesser.
Puis il passa à l'examen des faits.
En l'espèce les états-majors
s'étaient mis en grève pour protester contre des mises à l'index....
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