C. E. 11 déc. 1970, CRÉDIT FONCIER DE FRANCE c. Demoiselle GAUPILLAT et Dame ADER, Rec. 750, concl. Bertrand.
Publié le 30/09/2022
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«
ACTES ADMINISTRATIFS
CIRCULAIRES - DIRECTIVES
C.
E.
11 déc.
1970, CRÉDIT FONCIER DE FRANCE
c.
Demoiselle GAUPILLAT et Dame ADER,
Rec.
750, concl.
Bertrand.
(D.
1971.674, note Loschak; R.
D.
P.
1971.1224, note Waline;
A.
J.
1971.196, cht.
H.
T.
C.; J.
C.
P.
1972.11.17232, note Fromont)
Cons.
que le décret du 26 oct.
1945, portant règlement d'administra
tion publique relatif au Fonds national d'amélioration de l'habitat,
confie à une commission nationale et, suivant certaines conditions, à
des commissions départementales d'amélioration de l'habitat l'emploi
des disponibilités du Fonds national; -que l'art.
5 de l'arrêté du 27 avr.
1946 du ministre de la reconstruction et de l'urbanisme, pris en
application de l'art.
7 dudit règlement d'administration publique, pré
cise qu'il appartient à chaque commission « suivant les directives et
sous le contrôle de la commission nationale d'apprécier, selon les
besoins régionaux ou locaux, tant au point de vue économique que
social; le degré d'utilité des travaux auxquels peut être accordée l'aide
financière du Fonds national»;
Cons.
que, pour refaser l'allocation mentionnée à l'art.
6 du règlement
général du 27 avr.
1946, la commission nationale s'est référée aux normes
contenues dans une de ses propres directives, par lesquelles elle entendait,
sans renoncer à exercer son pouvoir d'appréciation, sans limiter celui des
commissions départementales et sans édicter aucune condition nouvelle à
l'octoi de l'allocation dont s'agit, définir des orientations générales en vue
de- diriger les interventions du fonds; que la demoiselle Gaupillat et la
dame Ader n'invoquent aucune particularité de leur situation au regard
des normes susmentionnées, ni aucune considération d'intérêt général de
nature à justifier qu'il y fût dérogé et dont la commission nationale auràit
omis l'examen; qu'elles ne soutiennent pas davantage que la directive
dont s'agit aurait méconnu les buts envisagés lors de la création du
Fonds national d'amélioration de l'habitat; que, dans ces conditions,
une telle référence n'entachait pas la décision de refus d'une erreur de droit;
que le Crédit foncier de France, gestionnaire dudit Fonds en vertu de
l'art.
292 du Code de l'urbanisme et de l'habitation, est, dès lors, fondé
à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal
administratif de Paris a annulé la décision que la commission natio
nale;...
(Annulation du jugement; rejet de la demande de la demoiselle
Gaupillat et de la dame Ader; dépens à la charge de ces dèmières).
11
DÉC.
1970,
551
CRÉDIT FONCIER DE FRANCE
OBSERVATIONS
Un décret du 26 oct.
1945 prévoyait que l'emploi des disponibilités financières du Fonds national d'amélioration de l'habitat (remplacè depuis lors par I' Agence nationale de l'habitat)
serait effectué par une commission nationale et des commissions départementales et renvoyait, pour la détermination des
conditions d'attribution et de versement de l'aide financière, à
un règlement général établi par le ministre de la reconstruction;
ce règlement, édicté par un arrêté du 27 avr.
1946, précisait
qu'il appartiendrait à chaque commission départementale,
« suivant les directives et sous le contrôle de · la commission
nationale, d'apprécier selon les besoins régionaux ou locaux,
tant au point de vue économique que social, le degré d'utilité
des travaux auxquels peut être accordée l'aide financière du
Fonds national».
Les conditions de fond de l'octroi de l'aide
se trouvaient ainsi définies par les directives successives de la
commission nationale en fonction des disponibilités du Fonds,
du montant des revenus des propriétaires et de la nature des
travaux.
C'est en application de l'une de ces directives, qui
limitait à un prêt - exclusif de toute subvention - l'aide du
Fonds en cas de travaux de ravalement portant sur des immeubles à usage mixte d'habitation et de commerce lorsque le
produit des loyers commerciaux atteindrait le double du produit des loyers d'habitation, que la commission nationale, par
une décision du 2 oct.
1964, n'accorda à la demoiselle Gaupillat et à la dame Ader, pour le ravalement de leur ipimeuble,
qu'ùn prêt et leur refusa la subvention demandée.
Les intéressées ayant déféré ce refus de la subvention au tribunal administratif de Paris, celui-ci annula cette décision au motif que la
directive en question avait subordonné l'octroi des subventions
à une condition plus rigoureuse que cènes qui étaient prévues
par la réglementation en vigueur et n'avait pu fournir une base
légale à la décision at'"..aquée, laquelle se trouvait dès lors
entachée d'erreur de droit.
Le Crédit foncier de France, chargé
de la gestion du Fonds national d'amélioyation de l'habitat,
,porta l'affaire en appel devant le Consejl d'Etat.
- Ainsi se trouvait posée au Conseil d'Etat, comme l'indiqua le
commissaire du gouvernement Bertrand, « la question de savoir
quelle valeur doit être reconnue aux circulaires, instructions ou
directives, par lesquelles une autorité administrative investie du '\
- pouvoir de prendre de façon discrétionnaire des décisions ,
individuelles soumet elle-même l'exercice de ce pouvoir à des
règles de fond».
1: - La question n'était pas entièrement nouvelle.
Dans le
cadre de sa jurisprudence relative aux circulaires, le Conseil
d'État avait eu depuis longtemps à s'interroger sur la valeur
'
juridique des circulaires par lesquelles un ministre se fixait à
lui-même, ou fixait à ses subordonnés, la doctrine à la lumière de laquelle les cas individuels devaient être réglés.
Le problème n'était pas aisé à résoudre.
Si le principe de
l'égalité des citoyens devant la loi et la nécessité de la cohé
rence de l'action administrative conduisaient · à autoriser le
ministre à fixer d'avance, par voie générale, les conditions
auxquelles seraient p_ris les actes individuels relevant de sa
compétence ou de celle de ses subordonnés, il n'était possible
en revanche, ni de passer outre au principe selon lequel
l'administration doit procéder à un examen particulier de
chacun des cas sur lesquels elle est appelée à' se prononcer, ni
de reconnaître au ministre un pouvoir réglementaire qu'il ne
détient, en dehors d'une disposition constitutionnelle ou législa
tive expresse, que dans le cadre de la jurisprud�nce Jamart (v.
nos observations sous les arrêts du Conseil d'Etat des 7 fév.
1936, Jamart * et 29 janv.
1954, Institution Notre-Ddme du
Kreisker *).
Pour concilier ces exigences contradictoires, le Conseil d'État
avait adniis que le ministre élabore des directives destinées à
fixer les principes dont il entend s'inspirer dans l'examen des
cas individuels mais à la condition qu'il ne s'estime pas lié par
ces directives et que chaque situation particulière soit examinée
séparément.
C'est ainsi qu'à propos d'une circulaire du ministre de la
défense nationale précisant qu'en principe un officier devrait,
pour pouvoir bénéficier d'un avancement au choix, posséder
une ancienneté minimum dans les services d'officier, un arrêt
du 13 juill.
1962, Arnaud (Rec.
474; A.
J, 1962.545, chr,
Galabert et Gentot) avait décidé « qu'aucune disposition légis
lative ou réglementaire ne fait obstacle à ce que, dans l'intérêt
'd'une bonne administration de l'armée, le ministre détermine
des critères de caractère général destinés à fixer les principes
dont il entend s'inspirer dans l'examen de la situation indivi
duelle de chaque officier pour l'élaboration du tableau d'avan
cement dès lors, d'une part, que ces principes ne présentent pas
un caractère impératif, et, d'autre part, qu'ils ne sont contraires
à ·aucune règle de droit »; sans doute le ministre avait-il
introduit une notion non prévue par les prescriptions législati
ves relatives à l'avancement dans l'armée, mais « ces prescrip
tions ne sauraient faire obstacle à ce que, en vue de guider son
choix parmi le grand nombre d'officiers satisfaisant auxdites
prescriptions, le ministre s'inspire de certains principes qu'il
estime, en vertu du pouvoir d'appréciation qu'il détient en la
matière, particulièrement adaptés, dans les circonstances de
l'époque, à une bonne administration de l'armée>>, L'arrêt
prenait soin de relever que la circulaire n'avait eu « d'autre
objet que de donner aux généraux commandants de régions
militaires des directives générales pour l'établissement du tra
vail d'avancement, le ministre se réservant d'apprécier les
mérites des officiers...
» et que « si...
le ministre s'est en fait
très généralement inspiré des principes généraux qu'il avait
énoncés dans la circulaire..., il ne s'est à aucun moment regardé
comme lié par lesdits principes, auxquels 'd'ailleurs il a dérogé
dans certains cas particuliers pour tenir _compte de la situation
individuelle de certains officiers».
Les conclusions dirigées
directement contre ' la circulaire furent rejetées comme
irrecevables : n'étant pas impérative et n'édictant pas de règle
nouvelle, cette circulaire n'avait pas de.
caractère réglementaire
et constituait une simple mesure d'ordre intérieur.
Quant aux
conclusions dirigées contre le tableau d'avancement établi en
vertu de cette circulaire, le Conseil d'État estima que le fait que
dans l'établissement de ce tableau l'administration s'était inspi
rée des directives contenues dans la circulaire n'était pas de
nature à le faire regarder comme illégal dès fors que le ministre
ne s'était pas considéré comme lié par ces directives et qu'il
avait été procédé à un examen particulier de la situation, de ·
chaque officier.
II.
- Ces solutions présentaient des inconvénients graves en
matière économique.
A partir du moment où l'intervention
nisme économique....
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