Article « Guerre », Dictionnaire philosophique, Voltaire Commentaire composé

L’ironie de Voltaire consiste précisément à parler de façon légère d’un sujet particulièrement grave, d’où par exemple le recours à des périphrases satiriques où l’auteur remplace un mot aux connotations valorisantes – soldats, uniforme – par un groupe nominal connoté de façon dépréciative : « hommes qui n’ont rien à perdre «, « gros drap bleu à cent dix sous l’aune «. Mais le jeu s’avère une bataille où les joueurs sont des assassins, et aux expressions qui évoquent l’insouciance s’oppose un champ lexical qui dit sans détours l’horreur de la guerre : s’acharner, se détester, faire tout le mal possible, exterminer. Enfin, c’est dans la dernière phrase de l’article où s’exprime de façon la plus évidente l’ironie voltairienne, sous la forme de l’antiphrase. L’expression « le merveilleux de cette entreprise infernale « repose sur le décalage entre la réalité de la guerre – « infernale « suggère l’image de l’enfer – et ce que l’auteur en dit : il est évident que pour Voltaire, la guerre n’a rien de « merveilleux «, bien au contraire. Et l’ironie du philosophe de se tourner vers une autre de ses cibles favorites : l’Eglise. Alors que la religion chrétienne prône l’amour du prochain – rappelons le commandement « Tu ne tueras point « - les princes belligérants se tournent tous vers le même Dieu « avant d’aller exterminer (leur) prochain «. Voltaire souligne le paradoxe : comment Dieu peut-il bénir ces frères ennemis ? Mais surtout il dénonce le fanatisme : les hommes se cachent derrière la religion pour tuer impunément, la religion n’est rien d’autre qu’un alibi.