arrêt du 25 juin 2014 (n°13-16.529)
Publié le 17/10/2023
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«
Correction de l’arrêt du 25 juin 2014 (n°13-16.529) :
(Accroche) « Pacta sunt servanda ».
Cette locution latine signifiant « les conventions
doivent être respectées » consiste à dire que tout accord entre deux ou plusieurs personnes
destiné à produire des effets de droit doit être respecté.
Encore faut-il pour cela que
l’acceptation du bénéficiaire soit parvenue à l’offrant avant le décès de ce dernier.
C’est ici que
se trouve tout l’enjeu dans cet arrêt rendu par la 1ère chambre civile en date du 25 juin 2014.
(Faits matériels) En l’espèce, par un acte unilatéral sous seing privé datant du 22 juillet
2005, un offrant a déclaré vendre à son frère, ayant la qualité de bénéficiaire, la moitié indivise
des immeubles qu’ils ont recueillie dans la succession du de cujus.
Toutefois, l’offrant est
décédé le 6 novembre 2005.
Il laisse alors deux enfants dans sa succession en tant qu’héritiers
et des difficultés se sont élevées concernant le sort des biens litigieux.
(Procédure) Face à cette situation, le bénéficiaire de l’offre de vente assigne les héritiers
du défunt afin que les biens litigieux soient considérés comme lui appartenant.
Par un arrêt de
la cour d’appel de Besançon rendu le 30 mai 2012, il n’est pas fait droit à cette demande au
motif que l’acte unilatéral sous seing privé constituait une offre qui n’avait pas été acceptée
avant le décès du pollicitant.
Le bénéficiaire de l’offre forme alors un pourvoi en cassation.
La
première chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt du 25 juin 2014, doit répondre à
la question suivante.
(Problème de droit) En effet, le décès du pollicitant avant la conclusion de l’offre, qui
n’est pas assortie d’un délai, est-il une cause de caducité de l’offre ?
(Solution) La première chambre civile de la Cour de cassation répondit de manière
positive.
La haute juridiction retient que « l'offre qui n'est pas assortie d'un délai est caduque
par le décès de celui dont elle émane avant qu'elle ait été acceptée ; qu'ayant relevé qu'aucun
délai de validité de l'offre n'avait été fixé la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une
recherche qui ne lui était pas demandée, en a, à bon droit déduit, que l'offre était caduque en
raison du décès de Philippe X...
».
(Annonce de plan) Pour répondre à cette question, les juges énoncent explicitement une
conception dualiste de la notion de l’offre (I) tandis qu’ils prononcent de manière impérative
d’une sanction sévère à l’égard de l’offre (II).
1
I.
Une conception explicitement dualiste de la notion de l’offre
(Chapeau) Cette conception se manifeste par l’influence contestable de l’absence d’un délai
sur la nature juridique de l’offre (A) mais aussi par la prise en compte manifeste du caractère
intuitu personae de l’offre (B).
A.
L’influence contestable de la présence d’un délai sur la nature juridique de l’offre
(Citer) Dans le présent arrêt, la première chambre civile de la Cour de cassation
commence par rappeler que l’offre n’est pas, en l’espèce, assortie d’un délai.
Autrement dit, les
juges émettent une distinction selon laquelle l’offre peut être assortie d’un délai ou non.
(Expliquer) A priori, le premier réflexe pourrait consister à affirmer que c’est en toute
logique que la Cour de cassation émet cette distinction.
En effet, l’absence de stipulation de
délai au sein de l’offre a une importance capitale ici.
Si l’offre devait être maintenue à compter
d’une certaine date, le décès du pollicitant aurait pu ne pas être pris en compte au regard de la
sanction infligée.
C’est ce que laisse penser cette distinction émise par les juges en l’espèce.
Dès
lors, a contrario, avec la prudence que mérite une telle interprétation, les héritiers auraient dû
respecter la volonté du défunt.
La Cour de cassation s’appuie ainsi sur cette circonstance pour
confirmer l’arrêt rendu par les juges du fond et convenir que le décès de l’offrant entraîne
nécessairement la caducité de l’offre.
De par une telle distinction, il est possible d’en déduire
que la nature juridique de l’offre dépendrait de la stipulation d’un délai au sein de celle-ci.
Assortie d'un délai, l'offre serait assimilée à un acte juridique transmissible en tant que tel aux
héritiers.
(Critiquer) L’arrêt commenté paraît simple en apparence.
Pourtant, il sème le doute sur
certains points concernant la notion de délai.
En effet, de quel délai s’agit-il ici ? S’agit-il d’un
délai raisonnable imposé par la jurisprudence ? En l’espèce, la Cour de cassation ne laisse rien
paraître quant à cette question.
Si cette dernière souhaitait mettre en œuvre un délai
raisonnable en prenant en compte le délai laissé au bénéficiaire pour accepter l’offre, celle-ci
l’aurait manifesté clairement.
De plus, à première vue, les effets tirés d’une telle distinction par
le juge sont curieux.
Il est rare de constater en droit français, et encore plus lorsqu’il s’agit d’un
contrat, une différence de nature juridique d'une opération en fonction du point de savoir si
cette opération est ou non prévu une limite temporelle.
2
B.
La prise en compte manifeste du caractère intuitu personae de l’offre
(Citer) Dans la suite de sa solution, la première chambre civile de la Cour de cassation
évoque le décès de l’offrant tout en rappelant que l’offre n’avait pas encore été acceptée.
En
d’autres termes, les hauts magistrats de la Cour de cassation se fondent sur deux éléments
essentiels pour considérer que l’offre est caduque : le décès de l’auteur et la prise en compte de
la situation des héritiers.
(Expliquer) Les juges prennent indéniablement en compte ici le lien unissant les parties
au litige.
Le caractère intuitu personae d’un contrat est aisément démontrable au regard de
l’identité de la personne du cocontractant selon divers critères et éléments.
Il est possible par
exemple de prendre en compte le lien familial entre les contractants ou encore la qualité
professionnelle du cocontractant qui est le seul à pouvoir réaliser la prestation attendue.
Le
contrat est alors conclu en considération de cette personne et uniquement celle-ci.
Ici, les juges
prennent ce caractère en compte en considérant que le décès de l’offrant constitue un cas de
caducité de l’offre.
C’est parce que le pollicitant décède que l’offre prend fin et non
particulièrement en raison de l’absence d’acceptation qui n’a pas encore été prononcée par le
bénéficiaire bien que cet élément entre indéniablement en compte.
Or, une telle position peut
paraître bienvenue car de cette façon les juges respectent dans un certain sens la volonté des
héritiers qui étaient de ne pas être lié par cette offre dont l’initiative ne provenait pas d’eux.
(Critiquer) Toutefois, malgré cette prise en compte des liens familiaux entre les parties
au litige, cette position peut être critiquée.
Il pourrait être opposé à cette solution que la
volonté du défunt n’est pas respectée ici.
En effet, ce dernier souhaitait vendre la moitié
indivise de l’immeuble à son frère.
Or, son décès étant intervenu avant que l’acceptation du
bénéficiaire ne lui soit parvenue, l’offre est considérée comme caduque.
Néanmoins, ne serait-il
pas logique de prolonger la volonté du défunt en la personne des héritiers ? D’autant plus que
l’offre n’est pas limitée dans le temps par une quelconque stipulation.
La notion de délai
raisonnable aurait pu être énoncée et mis en œuvre ici par la Cour de cassation pour respecter
la volonté du défunt et....
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