Arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 23 novembre 1988. Commentaire d'arrêt
Publié le 17/01/2022
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Dans l'intention des rédacteurs du code civil, l'article 1384 alinéa 1er n'avait aucune valeur propre. Pourtant la jurisprudence interpréta cet article comme une règle à part entière, introduisant un régime général de responsabilité. En effet, à la fin du 19ème siècle avec la Révolution Industrielle, la Cour de cassation, dans un arrêt du 30 mars 1896 « TEFFAINE «, admet la notion de responsabilité civile du fait des choses. Elle fonde cette dernière sur l'article 1384 alinéa 1 qui dispose que «On est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde «. C'est ce principe qui a été réitéré dans l'arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation rendu le 23 novembre 1988.
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une chose inanimée dont elle n'est pas la gardienne, est nuancé par la Cour de cassation qui reste restrictive.
II) Le rôle de la chose délimitéAvant de mettre l'arrêt dans un contexte récent afin d'en dégager les enjeux et les critiques (B), il est judicieuxd'exposer au préalable quelle position adopte la Cour de cassation face au jugement de la Cour d'appel (A).A) L'imprudence retenue au sens de l'article 1383 du code civilCe texte avait été considéré comme un simple préambule annonçant les dispositions relatives à des systèmes deresponsabilité plus spécifiques.
La jurisprudence et la doctrine ont pourtant estimé qu'il posait le principe de laresponsabilité du fait des choses.
C'est également sur lui que la nouvelle jurisprudence de la Cour de cassation s'estappuyée dans le domaine de la responsabilité du fait d'autrui.
En l'espèce, la Cour de cassation énonce que la Cour d'appel viole l'article 1384 alinéa 1er du code civil enn'argumentant pas sa décision selon laquelle le ciment à la base de la croix affectait le bien-fondé de la rechercheen responsabilité du fait des choses dont elle est saisie.
De plus, la Cour d'appel viole ce même article en y faisantune fausse interprétation et un refus d'application.
En effet, elle déboute le père de la victime en déduisant queKatia ne peut pas être la gardienne de la croix du fait de son âge et du poids du monument de nature immobilière.Enfin, la Cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau code de procédure pénale dans la mesure où son jugementn'était pas motivé au regard de la Cour de cassation.La Cour de cassation en déduit donc que les moyens de la Cour d'appel ne sont pas fondés.
Elle justifie sa décisionsur le fondement de l'article 1383 du code civil qui dispose que « chacun est responsable du dommage qu'il a causénon seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence ».
À partir de là, la Cour d'appelviole cet article puisqu'elle montre que Katia n'est pas responsable de la chute de la croix de pierre, mais que c'estle monument qui était au départ dangereux.C'est pourquoi la cour de cassation casse et annule l'arrêt rendu le 27 novembre 1986 par la cour d'appel de Nancy,et décide de remettre la cause et les parties dans l'état où elles étaient avant ledit arrêt, et les renvoie devant laCour d'appel de Besançon.
B) Enjeux et critiques de l'arrêt du 23 novembre 1988De manière générale, nos principes sont ainsi faits que l'enfant mineur peut être tenu responsable civilement de sesactes et en supporter les conséquences par-delà sa majorité dans l'intérêt même de la victime.
Sur le terrain dela responsabilité civile, l'enfant peut être reconnu très tôt responsable de ses faits et des choses qu'il a sous sagarde, dont il à l'usage, la direction et le contrôle.
Peu importe que son jeune âge l'ait empêché d'être conscient deses gestes ou l'ait privé de discernement.
Il y a donc ici une réelle séparation entre le régime juridique civil et pénal.A priori, les parents sont tenus de supporter les conséquences des actes dommageables commis par leur enfant.L'article 1384 alinéa 6 du code civil leur fait supporter une présomption de responsabilité qui découle des pouvoirsd'autorité dont ils disposent sur l'enfant et de la mission éducative qu'ils assurent.Cependant, dans ce cas, il faudrait prendre davantage en compte la capacité de discernement d'une fillette de 11ans.
En effet, les mineurs, en raison de leur âge, ne présentent pas un degré de maturité suffisant pour que le droitpuisse attribuer à chacun de leurs comportements des effets juridiques.
Ici, la fillette, du fait de son âge, n'a pas lafaculté d'agir raisonnablement et de réfléchir aux conséquences de son acte en s'appuyant sur une croix de pierre.Par ailleurs, le propriétaire de la chose pourrait voir sa responsabilité remise en cause étant donné qu'il a pourobligation d'entretenir les biens qu'il a sous sa garde, et donc en l'espèce de sceller sa croix avec du ciment.Face à cette réflexion, il est nécessaire d'aborder une appréciation in abstracto et donc se demander ce qu'auraitfait un bon père de famille dans la même situation..
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