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ACTES RÉGLEMENTAIRES CHANGEMENT DE CIRCONSTANCES C.E. 10 janv. 1930, DÉSPUJOL, Rec. 30

Publié le 26/09/2022

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« ACTES RÉGLEMENTAIRES CHANGEMENT DE CIRCONSTANCES C.E.

10 janv.

1930, DÉSPUJOL, Rec.

30 (S.

1930.3.41, note Alibert; D.

1930.3.16, note P.

L.

J.) En ce qui concerne la requête n° 97.623 : Cons.

qu'il appartient à tout intéressé, dans le cas où les circonstances qui ont pu motiver légalement un règlement municipal ont disparu, de saisir à toute époque le maire d'une demande tendant à la modification ou à la suppression de ce règlement et de se pourvoir, le cas échéant, devant le Conseil d'État contre le refus ou le silence du maire; mais que, s'il entend former devant ledit Conseil, un recours direct tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du règlement lui-même, il doit présen­ ter ce recours dans le délai de deux mois à partir de la publication soit de l'arrêté attaqué, soit de la loi qui serait venue ultérieurement créer une situation juridique nouvelle; Cons.

que les conclusions du sieur Despujol, qui, bien que n'étant p:is habitant de la commune, a qualité pour contester la légalité de .l'arrêté du maire à raison du procès-verbal dressé contre lui pour infraction audit arrêté, tendent à l'annulation pour excès qe pouvoir de cet acte réglementaire; que ce recours rentre, dès lors, dans la dernière · catégorie des réclamations susmentionnées et' est soumis, par suite, aux conditions de délai y relatives; Cons.

qu'ayant été enregistrée au Conseil d'État le 5 oct.

1926, alors que les deux arrêtés attaqués ont été publiés le 22 mai 1926, il a été 10 JANV.

1930, DESPUJOL 1 1 195 formé en dehors du délai fixé par la loi du 13 avr.

1900 (art.

24); que si le requérant invoque les dispositions de la loi du 13 août 1926 comme ayant créé une situation juridique nouvelle et ayant, par suite, ouvert un nouveau délai au recours pour excès de pouvoir, ladite loi ne vise ni les pouvoirs conférés au maire par l'art.

98 de la loi du 5 avr.

1884, ni ceux que l'art.

133, § 7, de la même loi attribue au conseil municipal; que, dès lors, étant sans application dans l'espèce, elle n'a pu ouvrir ce nouveau délai : qu'ainsi, la requête n° 97.623 doit être rejetée comme non recevable; En ce qui concerne la requête n° 5.822 : Cons.

que si, à la date du t•r juill.

1929, le conseil municipal de Chaumont-sur-Loire a décidé qu'il ne serait plus perçu de taxes de stationnement sur les voitures automobiles, il n'a pas rapporté sa délibération en date du 15 mai 1926, et ·n'a renoncé à ladite taxe gue pour l'avenir seulement; que, dès lors, il y a lieu pour le Conseil d'Etat de statuer sur la requête; Cons.

qu'il appartient au conseil municipal d'établir, par l'application de l'article 133, § 7, de la loi du 5 avr.

1884, une taxe de stationnement sur les occupations de la voie publique excédant l'usage normal de ce domaine, à la condition que la taxe ainsi créée vise indistinctement toutes occupations de même nature; qu'aux termes de la délibération du conseil municipal de Chaumont-sur-Loire, en date du 15 mai 1926, la taxe créée par ledit conseil vise toutes les voitures de tourisme séjournant plus d'un quart d'heure sur les lieux de stâtionnement; Cons.

qu'il résulte de l'instruction, que, eu égard à l'afflux des touristes venant visiter le château de Chaumont-sur-Loire et à la largeur insuffisante des voies d'accès, la réglementation du stationnement aux abords du château est nécessaire pour assurer la liberté de la circulation sur les voies publiques'; que l'obligation de ne stationner qu'en certains endroits déterminés a pu, dès lors, être légalement imposée aux véhicules n'ayant à desservir spécialement aucune maison d'habitation ou de commerce de la localité, lesdits véhicules, dans les conditions particulières des difficultés de la circulation à Chaumontsur-Loire, étant représentés par les voitures automobiles qui amènent les touristes pour visiter le château; que, en raison du nombre et de la durée prolongée des stationnements effectués par ces voitures, lesdits stationnements excèdent l'usage normal de ce domaine; que, dès lors, le con'.seil municipal a pu régulièrement établir la taxe susvisée, qui s'applique indistinctement aux véhicules dont le stationnement présente en fait le même caractère exceptionnel; ...

(Rejet). OBSERVATIONS I.

- En mai 1926, le conseil municipal et le maire de Chaumont-sur-Loire ont décidé de réglementer et de taxer le stationnement des voitures automobiles dans l'agglomération : les voitures des touristes venus pour visiter le château devaient être garées dans des lieux déterminés, et donnaient lieu à la perception d'une taxe si elles y séjournaient plus d'un quart d'heure.

Quelques mois plus tard, un procès-verbal fut dressé à l'encontre d'un automobiliste, le sieur Despujol, pour infraction à ces dispositions régli:mentaires.

Le sieur Despujol forma alors devant le Conseil d'Etat deux requêtes, qui étaient dirigées, • l'une contre les arrêtés du maire, l'autre contre la délibération du conseil municipal. Ces deux requêtes ont fait l'objet d'une même décision; la seconde était recevable, le délai de recours ayant été conservé par un recours administratif au préfet; le Conseil l'a rejetée au fond, en considérant qu'en raison de leur nombre et de leur durée, les stationnements des voitures des touristes excédaient l'usage normal de la voie publique, et que le conseil municipal de Chaumont avait pu ainsi légalement les soumettre à la perception d'une taxe.

Mais c'est le rejet de la première requête pour forclusion qui a donné à !'.arrêt son importance et sa valeur de principe. Les actes ·administratifs ne peuvent être attaqués pour excès de pouvoir que dans un délai de deux mois à compter de leur publication ou de leur notification.

Passé ce délai, les intéressés n'ont pas la possibilité d'en demander l'annulation, et l'admi­ nistration n'a pas le droit de les rapporter.

Cette règle a pour objet d'assurer la sécurité- des relations juridiques et la sauve­ garde des droits acquis; dans le cas des actes réglementaires, toutefois, son application rigoureuse peut présenter de.

sérieux inconvénients; il serait fâcheux, en effet, qu'un règlement, illégal dès l'origine, ou devenu illégal en raison d'une circons­ tance nouvelle, puisse demeurer indéfiniment en vigueur, et s'imposer sans restrictions aux administrés, dès lors qu'il n'a pas été attaqué dans les deux mois suivant sa publication. Ces considérations ont conduit le juge à rechercher des procédés permettant d'atténuer la rigueur des principes et de limiter leurs effets.

C'est ainsi que les juridictions administrati­ ves, comme les tribunaux judiciaires, admettent que l'illégalité d'un acte réglementaire devenu définitif peut toujours être invoquée à l'occasion des mesures individuelles prises sur son fondement; le règlement demeure ainsi théoriquement en vigueur, mais son application effective.

peut être paralysée par la voie de l'exception d'illégalité.

L'arrêt Despujol se situe dans la même.

ligne; consacrant une évolution amorcée par certaines décisions antérieures (v.

notamment D.

1929.3.52, note P.

L.

J.), il pose deux règles nouvelles- : - d'une part, dans le cas de changement dans les circonstan­ ces de fait qui ont motivé légalement le règlement, les intéressés peuvent, à tout moment, demander à l'auteur du règlement de l'abroger ou de le modifier pour l'avenir, et déférer éventuelle­ ment au juge de l'excès de pouvoir le rejet de cette demande: - d'autre part, dans le cas de situation juridique nouvelle créée par une ·loi ultérieure, les intéressés peuvent, dans un délai de deux mois à partir de la publication de la loi, demander l'annulation pour excès de pouvoir du règlement lui-même. 10 JANV •. 1930, DESPUJOL 197 Le changement dans les circonstances de fait ou de droit permet aux administrés de remettre en cause un règlement qui, légal ou illégal à l'origine, était en principe devenu définitif.

La portée de l'arrêt Despujol dépasse ainsi largement le domaine de la simple procédure et l'application des règles du délai. Transposant dans le domaine des règlements administratifs la clause rebus sic stantibus, il pose le principe de l'adaptation des règlements aux circonstances, et il fonstitue une nouvelle manifestation de la tendance du juge administratif à favoriser l'évolution des règles juridiques ·en fonction des situations nouvelles.

Cette tendance s'est exprimée, par exemple, dans le domaine des contrats : interprétation des contrats de concession destinée à faciliter la mise eri œuvre de procédés techniques nouveaux (10 janv.

1902, Compagnie nouvelle du gaz de Déville-lès-Rouen*); octroi d'indemnités d'imprévision dans le cas de circonstances bouleversant l'économie d'un contrat (30 mars 1916, Compagnie générale d'éclairage de Bordeaux*); suppression des services qui ont cessé d'être viables (9 déc.

1932, Compagnie des tramways de Cherbourg'.*).

De même les services industriels et commerciaux doivent disparaître avec les circonstances particulières qui ont autorisé leur création, et les dérogations aux règles juridiques normales doivent cesser en même temps que les circonstances exceptionnelles qui avaient pu les justifier (v.

nos observations sous les arrêts Chambre syndicale du commerce en détail de Nevers* du 30 mai 1930, et Heyriès * du 28 juin 1918). II.

- Pendant longtemps, la portée pratique de la jurisprudence Despujol n'a 'pas été à la mesure de son importance doctrinale; elle fut rarement invoquée par ·les requérants, et ne donna lieu qu'à un nombre infime d'applications positives. Jusqu'.en 1964, l'on ne trouve que quelques arrêts relatifs à la deuxième des hypothèses visées par la décision Despujol celle d'une si~ation juridique nouvelle créée par une loi postérieure au règlement; et dans tous ces arrêts, le Conseil a rejeté les recours pour le motif que les textes invoqués n'avaient eu ni pour objet ni pour effet d'impos~r une modification de la réglementation ou de priver cette dernière de sa base légale (par ex.

12 févr.

1954, Soc.

Roger Grima, Rec.

97; - 3 juill.

1959, Fédération des syndicats de marins, Rec.

433). Si la notion de changement dans les circonstances de fait a fa~ plus souvent appliquée, elle n'en a pas moins été cantonnée, durant la _même période, dans des domaines restreints.

Le Conseil d'Etat n'acceptait en effet de la faire jouer que dans le cas où les pouvoirs de l'autorité réglementaire se trouvent entièrement conditionnés par l'existence d'une certaine situation de fait; c'est seulement dans une telle hypothèse que,.... »

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