25 MARS 2010 :COMMENTAIRE DE L’ARRET DE LA 1ERE CHAMBRE CIVILE DE LA COUR DE CASSATION
Publié le 17/01/2022
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Comment apprécier le devoir de loyauté du dirigeant social cessionnaire de titres sociaux ? La première chambre civile de la cour de cassation apporte ici quelques précisions quant à cette interrogation.
Des faits de l’espèce, il ressort qu’une cession d’actions a été effectuée entre un cédant associé et un cessionnaire gérant et dirigeant des sociétés dont les titres furent cédés par acte notarié du 20 septembre 1989. Afin que la cession soit définitivement conclue, il fallait la réalisation de la condition suspensive qui consistait en la cession par le cessionnaire à un tiers des 50% des parts dans chacune des deux sociétés. Cette condition s’étant réalisée, la cession fut entièrement effective le 9 janvier 1990. Le cessionnaire a par la suite cédé la totalité de ses parts personnels à la société Tarmac. Cette dernière contrôlant ainsi les sociétés cédées. Le cédant assigna par la suite le cessionnaire au motif d’une réticence dolosive qui résidait dans les conditions financières avantageuses de cession accordées à la société Tarmac.
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La cour fait donc ici une extension du devoir d'information du dirigeant social cessionnaire.
La solution en l'espèce exige une information claire et parfaite.
Certes il ne s'agit pas de rapports entreprofessionnels et amateurs mais de rapports particuliers entre cédants et cessionnaires, le cessionnaire ayant unequalité non négligeable, celle de dirigeant social.
La cession d'actions qui n'est autre qu'une cession de titres n'a pas pour objet de priver le cessionnaire desobligations lui incombant dans tout rapport.
En premier lieu, le cessionnaire d'actions, considéré en cette seulequalité, n'est pas tenu d'informer le cédant de la valeur des titres vendus, ni des négociations parallèles qu'il mèneavec un tiers disposé à lui racheter les titres objet de la cession.
Le cessionnaire est donc autorisé à demeurersilencieux vis-à-vis du cédant au cours de la période précontractuelle .
En second lieu, tout dirigeant social, de par cette qualité, est au contraire tenu d'informer les associés de la sociétéqu'il dirige des éléments de nature à peser sur leur consentement lors d'une cession de droits sociaux.
Par cet arrêt,c'est donc le contenu des obligations incombant au dirigeant social qui se trouve définie par la cour de cassation.
Le demandeur au pourvoi avait considéré que de part les actes notariés le cédant avait pris connaissance du contenuréel de la cession.
La cour estime que ces informations étaient insuffisantes en l'espèce.
Ce devoir de loyauté quis'exprime dans la clarté de l'obligation d'information ( informations précises) n'est pas lié à la qualité de contractantà une cession de droits sociaux puisqu'il s'impose même à l'égard d'un dirigeant qui n'est pas partie à la transaction,mais uniquement à celle de dirigeant social, en charge d'intérêts collectifs dépassant les siens propres.
La solutionn'en est pas restée là puisqu'indirectement elle caractérise autrement le manquement au devoir de loyauté dudirigeant en lui imputant indirectement une réticence dolosive
B/ La réticence dolosive du cessionnaire retenue indirectement à travers la différence de prix
Le prix joue un rôle crucial dans la cession d'actions.
Le prix est important et doit être réel sérieux, déterminé etdéterminable.
Les articles 1591 et 1592 du code civil exigent que le prix soit déterminé par les parties ou a tout le moins par untiers estimateur.
L'exigence d'un prix déterminé ou déterminable est sanctionné par la nullité de la cession.
La cession n'échappe pasaux règles de validité de tout contrat à savoir surtout les vices de consentement.
Il peut s'agir soit de dissimulation d'une information essentielle de nature à influer sur le consentement du cédant :vice de consentement constitutif d'une manœuvre dolosive, soit de réticence dolosive ; le fait de retenir uneinformation essentielle à la validité du contrat de telle sorte que si cette information est connue par l''autre partie,elle n'aurait pas contracté.
L'information ici porte surtout sur la différence de prix ce qui accorde certainement une plus value énorme aucessionnaire.
Cette décision nous rappelle un autre arrêt rendu en 1996 : l'arrêt Vilgrain.
Une cour d'appel a pu retenir l'existenced'une réticence dolosive à l'encontre d'un dirigeant de société, à l'égard d'un associé lorsque, intermédiaire pour lereclassement de la participation de ce dernier, elle relève qu'au cours des entretiens ce dirigeant a caché avoirconfié à une banque la mission d'assister les membres de sa famille détenteurs du contrôle de la société en causedans la recherche d'un acquéreur de leurs titres, ne lui a pas soumis le mandat de vente au prix minimum de 7 000 Fl'action qu'en vue de cette cession il avait établi à l'intention de certains actionnaires minoritaires de la société, d'oùil résulte qu'en intervenant dans la cession par l'associé de ses actions au prix fixé après révision de 5 650 F et enles acquérant lui-même à ce prix, tout en s'abstenant d'informer le cédant des négociations qu'il avait engagéespour la vente des mêmes actions au prix minimum de 7 000 F, il a manqué au devoir de loyauté qui s'impose audirigeant d'une société à l'égard de tout associé en particulier lorsqu'il en est intermédiaire pour le reclassement desa participation.
La cour reste fidèle ici à sa jurisprudence ; la cour civile étonnamment qui a rendu l'espèce se fie à la jurisprudencede la chambre commerciale.
Mais en conférant à la cour d'appel l'appréciation souveraine des manœuvres ellemarque ainsi son empreinte à la décision.
La solution sur le terrain du caractère dolosif reste critiquable car la cour de cassation ne s'est pas livrée àl'appréciation de l'article 1116 du code civil.
Elle a déduit de l'ignorance du cédant, le dol de l'acquéreur de titresalors que le cédant n'ignorait pas que les titres seraient revendus.
Pour éviter que la solution ne soit donc fondéeuniquement sur le soi disant caractère dolosif la cour s'est donc refusée à toute confrontation de la règle de droitaux faits de l'espèce assez particulier vu la relation d'affaire existant entre les parties .
Ne voulant pas s'ériger en juridiction commerciale elle a préférée s'en tenir à caractériser la déloyauté du dirigeant avec les outils de droitcommun ; Néanmoins il est donc certain que la décision démontre l'élargissement et les interférences du devoir deloyauté contractuel..
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