:Vhistoire du réalisme BALZAC ET STENDHAL : RÉALISTES SANS LE SAVOIR Une idée reçue est d'opposer brutalement réalistes et roman...
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:Vhistoire
du réalisme
BALZAC ET STENDHAL :
RÉALISTES SANS LE SAVOIR
Une idée reçue est d'opposer brutalement réalistes et roman
tiques.
Mais le réalisme au x1x• siècle, avant même l'apparition d'un
mouvement officiel, est illustré par des écrivains contemporains de
l'époque romantique: Victor Hugo et surtout Stendhal et Balzac.
1 Le réalisme de Stendhal
La prise en compte du réel
Stendhal est le premier écrivain français à avoir lié le roman et
l'histoire contemporaine.
Une société nouvelle naît de la révolution
de 1789 et Stendhal met en scène des personnages ébranlés par les
forces qui régissent la société : Julien Sorel {Le Rouge et le Noir) et
Fabrice del Dongo (La Chartreuse de Parme) n'arrivent pas à se
débarrasser du rêve impérial et à s'insérer dans une société sans
idéal et sans beauté.
Stendhal se rapporte constamment au réel prô
nant les « petits faits vrais ,, qui cautionnent le texte.
Le Rouge et le Noir (1830) est inspiré d'un fait divers paru dans La
Gazette des tribunaux en 1828 et relatant l'histoire d'un séminariste
condamné à mort pour avoir tué en pleine église sa maîtresse, chez
qui il était précepteur.
Stendhal durant toute son œuvre romanesque
invente peu, s'inspirant de chroniques historiques, de souvenirs
autobiographiques et de faits divers.
Le réalisme subjectif
Plus peut-être que la réalité, c'est la vérité des sentiments qui inté
resse Stendhal.
C'est pourquoi il délaisse souvent la position de
narrateur omniscient*, position très appréciée par un romancier réaliste comme Balzac, et il préfère laisser place à la vision subjective
des personnages en utilisant la focalisation* interne.
Ainsi, dans la
description de la bataille de Waterloo de La Chartreuse de Parme,
Stendhal délaisse l'écriture épique attendue, pour décrire la guerre
par l'intermédiaire du regard de son héros qui, naif, ne comprend pas
les événements qui l'entourent.
La guerre apparaît alors non pas
comme une situation héroïque mais comme une boucherie régie par
l'aléatoire et le hasard.
C'est ce qu'on a appelé le réalisme subjectif.
Mais Stendhal est-il pour autant un réaliste convaincu?
Le roman comme miroir du réel
Dans une citation très célèbre, Stendhal a
«
théorisé » le réalisme
romanesque et la nécessité de refuser l'idéalisme.
Eh, monsieur, un roman est un miroir qui se promène sur une
grand-route.
Tantôt il reflète à vos yeux l'azur des cieux, tantôt la
fange des bourbiers de la route.
Et l'homme qui porte le miroir
dans sa hotte sera par vous accusé d'être immoral ! Son miroir
montre la fange, et vous accusez le miroir ! Accusez bien plutôt le
grand chemin où est le bourbier, et plus encore l'inspecteur des
routes qui laisse l'eau croupir et le bourbier se former.
STENDHAL, Le Rouge et le Noir,
deuxième partie, chapitre XIX.
Mais malgré cette prise de position extrême, Stendhal aime le romanesque.
Ses héros, même issus de couches populaires, mus par le
désir et les passions, sont nobles d'esprit et côtoient tous les milieux
sociaux.
I.:héroïsme reste une valeur essentielle dans un monde où les
péripéties sentimentales, militaires, politiques sont encore nombreuses.
Stendhal n'est pas, comme Balzac ou les réalistes de 1856,
attiré par la description du quotidien et l'écriture du banal.
1Le projet balzacien
Plusieurs mondes pour un monde
Honoré de Balzac est sans doute le véritable précurseur du mouvement réaliste et peut-être même le seul écrivain réaliste.
La
Comédie humaine - Balzac a donné ce titre à l'ensemble de son
36
LE
RÉALISME
(
)
œuvre - comprend 91 romans achevés, écrits entre 1826 et 1850.
Selon le projet balzacien, elle devait représenter l'ensemble de la
société de son temps.
Effectivement, Balzac, à travers ses 2 000 personnages, dépeint l'ensemble des classes sociales, depuis la paysannerie (Les Paysans) jusqu'à l'aristocratie (La Duchesse de
Langeais), en passant par la petite bourgeoisie (César Birotteau).
Seule la classe ouvrière est délaissée.
Il décrit la géographie française en mettant à l'honneur la province traditionnellement délaissée
par le roman : il situe ainsi des romans à Tours (Le Curé de Tours), à
Angoulême (Illusions perdues), à Sancerre (La Muse du département) ...
Il fait un retour en arrière historique sur plusieurs régimes: la
Révolution (Les Chouans), l'époque impériale (Le Colonel Chabert), la
Restauration (Le Père Goriot), la monarchie de Juillet (!:Envers de
l'histoire contemporaine).
« Faire concurrence à l'État-Civil »
En 1842, pour l'avant-propos qu'il établit à l'édition de son œuvre
complète, Balzac écrit qu'il désire peindre les espèces sociales
comme Buffon a dépeint les espèces animales et, dans une vaste
fresque, se faire le secrétaire de l'histoire de la société française.
Il
spécifie qu'il a l'ambition de« faire concurrence à l'État-Civil».
Mais
ce manifeste esthétique est aussi une profession de foi politique :
« J'écris à la lueur de deux Vérités éternelles : la Religion, la
Monarchie, deux nécessités que les événements contemporains proclament, et vers lesquelles tout écrivain de bon sens doit ramener
notre pays.
,, Mais ce conservatisme revendiqué disparaît dans
l'œuvre derrière la vision prophétique.
Le règne de l'argent
Balzac met en évidence dans La Comédie humaine les grandes
transformations sociales de la première moitié du XIXe siècle : le
déclin de l'aristocratie et de ses valeurs et la montée d'une bourgeoisie d'affaires.
Il est sensible à la complexification des marchés
économiques et financiers.
Il met en scène de manière crue et
détaillée les effets pervers de certaines pratiques : l'endettement, le
billet à terme ...
L'immensité de la société qu'il dépeint et le retour de
LE
RÉALISME
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certains personnages dans plusieurs romans lui permettent de
mimer sur une grande échelle la circulation des biens et des fonds.
L'argent fait irruption sur la scène romanesque et devient un des
moteurs essentiels des ambitions.
Sans idéalisme, Balzac montre
l'apparition de nouveaux types sociaux liés aux mutations de l'économie : le paysan cupide Oe père Grandet dans Eugénie Grandet), le
banquier sans scrupules Oe baron de Nucingen dans Splendeurs et
Misères des courtisanes), le commerçant naïf et ruiné (César
Birotteau, héros éponyme*), le journaliste vendu (Lousteau dans
Illusions perdues).
La vision balzacienne montre....
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