Vers la simulation des essais nucléaires
Publié le 06/12/2018
Extrait du document
Une arme thermonucléaire (« bombe
H ») est constituée de trois « étages » : un explosif chimique déclenche une amorce de matière fissile, généralement du plutonium, qui provoque à son tour la fusion des atomes lourds d'hydrogène composant le cœur de la bombe, ou « l'étage de puissance ». L’une des caractéristiques de ce processus de quelques milliardièmes de seconde - temps pendant lequel la chaleur dégagée atteint des centaines de millions de degrés - est son extrême sensibilité aux variations des matériaux qui entrent dans la composition de la bombe et aux aléas de sa fabrication. Jusqu'à présent, les tirs en grandeur réelle permettaient de vérifier le bon fonctionnement des armes nucléaires. La France ne pourra dorénavant compter que sur la simulation numérique pour garantir la sûreté et la fiabilité de son arsenal lors du renouvellement de ce dernier. La simulation associe des ordinateurs extrêmement puissants à toute une panoplie d'expériences en laboratoire, réalisées au moyen de lasers et d'accélérateurs de particules. Les paramètres recueillis lors de ces expériences sont introduits, comme autant de pièces d'un puzzle, dans un modèle
La France, qui s'est engagée à signer à la fin de 1996 un traité d'interdiction totale des essais nucléaires (Comprehensive Test Ban Treaty, ou CTBT), mise sur la simulation par ordinateur pour garantir à l'avenir la fiabilité et la crédibilité de sa force de dissuasion. Toutefois, elle ne disposera de tous les instruments nécessaires qu 'au début du prochain millénaire.
«
politique
internationale
Désarmement :
l'interdiction
des essais nucléaires
Le 24 septembre 1996,
les cinq principales puissances nucléaires
ont signé à New York un traité d'interdictibn complète
des essais nucléaires (CTBT-Comprehensive Test Ban Treaty).
À cette occasion, le secrétaire général de l'ONU a souligné l'importance de l'événement,
aussi bien.
pour la consolidation du régime de non-prolifération
que pour la poursuite du désarmement.
Toutefois, le refus de l'Inde d'apposer sa signature au bas du traité
réduit considérablement la portée de l'accord
et laisse planer 1111 doute quant à l'eff icacité des mesures prises
pour empêcher le perfectionnement des armements existants,
verrouiller les portes du « club nucléaire »
et relancer les négociations en vue de la réduction,
voire de l'élimination des armes de destruction massive.
A l'origine, ce sont les pays du tiers
monde,
réunis au sein du mouve
ment des non-alignés, qui demandè
rent instamment l'arrêt des expé
riences nucléaires auxquelles les États-Unis ct
l'URSS procédaient dans l'atmosphère et sous
l'eau.
L'objectif poursuivi était double : il s'agis
sait, d'une pa.rt, de freiner, voire de mettre un
terme à la course aux armements, et, d'autre
part, de protéger l'espèce humaine contre les
Mettre en place
un système
de surveillance
international retombées
radioac-
tives qui mena
çaient d'atteindre
un seuil critique.
Le
premier appel dans
ce sens fut lancé par
le Premier ministre
indien, Jawaharlal
Nehru, en 1954, et la question fut débattue au
cours des années suivantes dans le cadre de la
conférence du désarmement de Londres.
Un
moratoire fut même proclamé en 1958 par les
trois puissances nucléaires de l'époque, mais, à
l'automne 1961, il fut rompu par l'Union sovié
tique, qui procéda alors à une série d'essais
nucléaires d'une puissance inégalée dans le
passé (plus de 50 mégatonnes) ; désireux de ne
pas se laisser distancer dans la compétition, les
États-Unis s'y mirent à leur tour.
Après la crise des fusées soviétiques à Cuba L'obstruction
de l'Inde risque
de vider de sa substance le traité
sur l'interdiction totale des essais.
Ci·comre : l'armée indienne
un jour de parade d New Delhi.
(octobre 1962), les deux adversaires prirent
conscience de la nécessité de négocier des
accords visant à stabiliser l'équilibre sur lequel
reposait la dissuasion réciproque et à prévenir la
guerre nucléaire.
À cet effet, le 5 août 1963, à
Moscou, ils conclurent un traité qui interdisait
les essais dans l'atmosphère, dans l'espace ct
sous l'eau.
Celui-ci avait surtout pour objet de
freiner la prolifération des armes nucléaires,
puisque les États qui le signeraient s'interdi
raient de procéder aux expérimentations néces
saires à la mise au point de cet armement.
En
revanche, les États-Unis et l'URSS ne s'impo
saient aucun sacrifice dans la mesure où ils
s'étaient réservé la po.�sibilité d'effectuer des
essais souterrains a lin de moderniser leurs arse
naux, ce dont ils ne se privèrent pas au cours
des décennies suivantes.
En dépit de l'engagement pris par les États
signataires du traité de Moscou de poursuivre
des négociations en vue d'une interdiction tota
le des essais, les efforts déployés dans ce sens
ne produisirent d'abord que des résultats
modestes.
Il fallut attendre la fin de la > et la dissolution de l'Union soviétique
pour que Russes et Américains envisagent de
renoncer à toute forme d'explosion nucléaire
expérimentale.
Quant aux pays ne disposant pas
de l'arme nucléaire, ils n'étaient prêts à souscri
re à la prorogation du traité de non-prolifération (TNP)
que si des progrès réels étaient enregis
trés sur la voie du désarmement, à commencer
par l'interdiction des essais.
La négociation, amorcée en 1994, reprit
activement au début de l'année 1996, après que
la France eut mis un terme à son ultime série
d'essais dans le Pacifique et se fut ouvertement
prononcée pour une interdiction totale, concer
nant aussi bien les explosions de faible amplitu
de que les explosions dites « pacifiques >>.
Pen
dant l'été, un certain consensus s'est fait sur la
plupart des questions litigieuses (champ d'ap
plication du traité, interprétation des données
recueillies par le système de surveillance inter
national, modalités des inspections sur place,
etc.) ; toutefois, l'Inde exigeait que le traité fût
assorti d'un calendrier de mesures précises qui
aboutiraient à l'élimination complète des armes
nucléaires.
Les puissances détentrices de ces
armes n'étant pas disposées à prendre un tel
engagement, l'Inde s'opposa donc à l'adoption
du projet de traité au cours de la conférence du
désarmement de Genève.
En définitive, c'est
lors d'une session spéciale, le 10 septembre
1996, que l'Assemblée générale de l'ONU a
recommandé la signature du traité à une forte
majorité (158 voix contre 3 et S abstentions).
On est en droit de s'interroger sur la signifi
cation et la portée d'un traité gui, s'il a rallié les
suffrages de la majorité des Etats, risque de ne
jamais entrer en vigueur du fait de l'obstruction
de l'Inde.
Celle-ci ayant clairement fait savoir
qu'elle ne le signerait pas, il est probable que la
Russie, la Chine et le Pakistan en tireront pré
texte pour ne pas le ratifier.
Dans ces condi
tions, on peut craindre que le régime institué par
le lNP subisse les contrecoups du semi-échec
de cette négociai ion et que Jes « objectifs de la
non-prolifération et du désarmement nuclé
aire » inscrits dans le document final de la
conférence d'examen du TNP demeurent lettre
morte.
Toutefois, certains observateurs esti
ment que la signature du traité par les cinq prin
cipales puissances nucléaires et par deux puis
sances nucléaires du > (Pakistan ct
Israël) permettrait la mise en place d'un système
de surveillance international et se traduirait par
une interdiction de facto des essais.
Il est pos
sible aussi que le perfectionnement des arme
ments des puissances nucléaires officielles en
serait rendu plus difficile, voire imposs ible, et
que l'accession des pays du seuil à une capacité
nucléaire militaire significative se heurterait
ainsi à des obstacles accrus.
Cependant, la
situation actuelle, guère satisfaisante, suscite
d'ores et déjà les réserves de ceux qui y voient
une renonciation au désarmement que l'inter
diction totale des essais était censée amorcer.
Jean KLEIN
NOMBRE D'ESSAIS
NUCLÉAIRES EFFECTUÉS
ENTRE LE 16 JUILLET 1945
ET LE 30 SEPTEMBRE 1996
États· Unis :
URSS/Russie :
Royaume-Uni :
France:
Chine: Inde: 1052
715
45
210
45
1.
»
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