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URSS (1984-1985): La "relève" politique Le 10 mars 1985, la mort de Constantin Tchernenko, élu secrétaire général du Parti communiste...

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« URSS (1984-1985): La "relève" politique Le 10 mars 1985, la mort de Constantin Tchernenko, élu secrétaire général du Parti communiste de l'Union soviétique (PCUS) en février 1984, et chef de l'État soviétique trois mois plus tard, a mis fin au "règne" le plus bref de toute l'histoire soviétique.

Avec cette disparition, c'est, sauf accident imprévisible, la fin des "règnes" de courte durée: quinze mois pour Andropov, treize pour Tchernenko. Mais c'est surtout la fin de la vieille garde soviétique.

En 1938, les purges staliniennes avaient éliminé les hommes qui avaient fait la révolution, animé la guerre civile, et ouvert la voie du pouvoir à de nouveaux venus, encore enfants lors du grand bouleversement de 1917 et que le système soviétique avait rapidement formés à toutes les tâches de direction.

Durant près d'un demi-siècle (de 1938 à 1985), cette génération s'est maintenue au pouvoir, donnant de l'Union soviétique dans la dernière décennie l'image d'un pays de vieillards figés dans une apparente immobilité.

Le 10 mars 1985, ce n'est pas seulement le premier de ces dirigeants qui est mort, mais avec lui tous les survivants de la vieille garde, condamnés à s'effacer dans un avenir proche. La rapidité de la succession témoigne à la fois du bon fonctionnement des mécanismes politiques, et de la hâte de la génération montante à prendre le pouvoir.

Le 11 mars, à peine la mort de Tchernenko était-elle annoncée, qu'un plenum extraordinaire du Comité central du PCUS élisait Mikhaïl Gorbatchev secrétaire général du Parti.

En cinq heures, le chef de 73 ans a fait place à un chef de 54 ans derrière lequel toute une génération qui piétinait d'impatience va se ruer vers le pouvoir.

La fin de la "vieille garde", la relève qui ne peut être que totale, compte tenu de la structure d'âge de la direction soviétique, la venue au pouvoir de la première génération qui soit le pur produit du système soviétique arrivé à maturité, sorti de ses hésitations, de ses tragédies et de ses choix, la probabilité enfin que le nouveau guide de l'URSS, Mikhaïl Gorbatchev, sera encore aux commandes de son pays à l'aube du XXIe siècle: tout atteste de l'importance de l'événement.

Ce n'est pas "le roi est mort, vive le roi", c'est un adieu à l'URSS des temps de faiblesse, c'est l'arrivée en force de la génération produite par la superpuissance soviétique.

Pour en suivre les premiers pas, en évaluer les projets, il faut d'abord prendre en compte l'héritage, c'est-à-dire "l'année Tchernenko". L'ère Tchernenko: continuité et attentisme Élu en 1984 pour retarder l'heure de la relève - cette volonté de survie de la vieille garde s'est aussi manifestée en décembre 1984, lorsqu'elle a remplacé le ministre de la Défense, Dimitri Oustinov, âgé de 76 ans, par son adjoint, le maréchal Sokoloff, âgé de 73 ans -, Tchernenko a été le produit d'un compromis entre ceux qui voulaient la stabilité pour se maintenir encore, et ceux qui souhaitaient poursuivre l'oeuvre de changement commencée par Andropov et qui avait ouvert quelques portes à une nouvelle génération.

L'année Tchernenko reflète ce marché ambigu.

La stabilité s'est traduite dans le fait que ni le Politburo, ni le secrétariat n'ont élu de nouveaux membres pour remplacer les disparus.

Les instances dirigeantes, réduites en nombre, peuplées pour l'essentiel de septuagénaires, en ont été profondément marquées.

A l'esprit collégial et dynamique de l'ère Brejnev - du moins jusqu'à la fin des années soixante-dix - a succédé une quasi-paralysie renforcée de dissensions ou de dispersion des initiatives.

Faute d'un arbitre respecté, ce que fut Brejnev, ce que la maladie empêcha Andropov d'être, le système décisionnel s'est délité. Sur des points décisifs pour l'avenir de l'URSS - économie, politique extérieure - la dérive du système saute aux yeux.

En économie, Andropov avait à la fois engagé des réformes destinées à libérer quelque peu les chefs d'entreprise de la tutelle des planificateurs, pris des dispositions pour accroître la productivité et la responsabilité des travailleurs (loi sur les collectifs de travailleurs de juin 1983, et campagne sur la discipline de novembre 1983), et surtout lancé un débat sur la réforme de l'économie. De cet effort, rendu vain par la maladie, qu'a maintenu Tchernenko? Les expériences économiques au sein des entreprises se sont poursuivies, elles ont même été étendues à de nouvelles entreprises et à de nouveaux centres.

Mais les responsables économiques, s'ils ont eu plus de latitude pour définir leurs tâches et répartir les ressources, moduler salaires et primes, sont restés prisonniers d'un système où la décision centralisée n'a jamais été soumise à révision.

Plus encore, le débat sur le problème fondamental de la réforme économique - décentralisation, retour au moins partiel à la libre entreprise - a tourné court.

Si en avril 1984, l'un des plus éminents économistes soviétiques, E.

Abartsoumov, pouvait plaider (dans Volprosy Istorii) pour ce type de réforme, en invoquant l'exemple de la nouvelle politique économique (NEP), en novembre 1984, l'organe théorique du PCUS, Kommunist, condamnait solennellement ses propositions et exposait par ailleurs les qualités de l'économie stalinienne autoritaire et ultra-centralisée des années de guerre, concluant que son efficacité en faisait un modèle aussi pour le temps de paix. Le conservatisme économique de Tchernenko s'est accompagné d'un conservatisme idéologique.

Incapable - Andropov avait déjà fait ce constat - d'obtenir un sursaut des travailleurs pour l'amélioration de leur productivité, Tchernenko a multiplié les discours sur la nécessité du travail, de l'effort, du dévouement. Les slogans ont fait office de mesures réelles, et cela explique que la productivité n'ait guère progressé.

En décembre 1984, Gorbatchev, qui, de plus en plus, se posait alors en dauphin, a violemment critiqué, l'échec des collectifs de travailleurs, lors d'une conférence idéologique du Parti réunie à Moscou.

L'autonomie accordée aux entreprises expérimentales, en janvier 1984, n'avait de sens que dans cette collaboration entre responsables de l'entreprise et travailleurs.

L'échec dénoncé par Gorbatchev, dans les dernières semaines de la vie de Tchernenko, suggère bien qu'à défaut de rendre vie et dynamisme à l'économie, il reste à exhorter et menacer. La lutte contre la corruption, poursuivie avec ténacité en 1984, a certainement été un élément de continuité reliant Tchernenko à Andropov.

Au chapitre des invocations à la discipline et à l'exemple, il faut noter aussi la campagne lancée pour célébrer le cinquantième anniversaire de la naissance du mouvement stakhanoviste, pour ranimer les notions d'émulation et de normes autoritaires et comptabilisées de production. Enfin, Tchernenko a poursuivi l'oeuvre de resserrement idéologique, proclamant les vertus du réalisme socialiste en matière artistique, et pratiquant les vertus du monolithisme idéologique par le renforcement des mesures de rigueur contre les dissidents: la condamnation d'Elena Bonner et l'isolement absolu à Gorki d'Andreï Sakharov en été 1984 ont témoigné de ce durcissement, sur une toile de fond d'arrestations multipliées et d'un quasi-arrêt des autorisations d'émigrer.

A l'heure de Tchernenko, les dispositions de la troisième corbeille de la conférence d'Helsinki sur la coopération dans le domaine humanitaire (1975) paraissaient bien irréelles.

Le Parti communiste lui-même n'a pas échappé à la reprise en main qui s'opérait.

La presse soviétique a multiplié les avertissements sur les dangers de division dans le Parti et a rappelé que les fractions étaient interdites.

Au même moment, le Politburo annonçait que Tchernenko avait proposé que certaines règles du Parti soient revues, et qu'une commission, créée à cet effet, préparait ces correctifs, en même temps que s'élaborait le nouveau programme du Parti, dont la nécessité avait été soulignée par Brejnev en 1981.

Les nouveaux règlements devaient à la fois définir de manière plus stricte l'accès au Parti, améliorer certaines structures, et rendre plus efficaces les rapports entre responsables du Parti et de l'économie.

Ici encore les motifs d'un tel projet étaient clairs: resserrer les contrôles idéologiques et rendre vie à l'économie. A l'extérieur, l'héritage, guère plus brillant, a été le fruit de l'incertitude. Dans la première partie de l'année 1984, l'URSS s'est repliée sur elle-même. Elle a perpétué la rupture du dialogue stratégique, fidèle ainsi à Andropov. Elle a refusé d'envoyer ses athlètes aux jeux Olympiques de Los Angeles et contraint ses alliés à la suivre.

La Chine même, objet de quelques ouvertures sous Andropov, semblait ne plus l'intéresser.

L'agressivité s'est manifestée en Afghanistan où l'URSS a accru ses effectifs et s'est engagée dans des bombardements dévastateurs. L'été 1984, en revanche, a modifié la politique soviétique.

Le rapprochement avec le monde occidental s'est amorcé.

Première étape, la visite de François Mitterrand à Moscou a annoncé la fin des réticences de la France et le désir de retrouver un marché nécessaire à son économie.

Après la France, l'Allemagne fédérale, malgré la décision prise d'accepter le déploiement des euro-missiles, s'est, elle aussi, engagée dans le processus de "normalisation" entre les deux Europes. Comme toujours lorsque reprennent ces dialogues, l'URSS a intégré l'Est européen dans ses calculs.

La rigueur polonaise, sans tomber dans l'oubli, fait désormais partie d'un paysage politique implicitement admis.

Invitant Erich Honecker à retarder son voyage à Bonn, l'URSS a marqué sa volonté de garder l'initiative des rapports avec la RFA pour elle, mais aussi pour ses alliés.

En cela aussi Tchernenko est resté fidèle à ses prédécesseurs, refusant de payer une amélioration des rapports avec le monde occidental par une perte de contrôle sur les pays du pacte de Varsovie.

En même temps, les négociations avec Pékin ont repris en décembre 1984 avec la visite à Pékin du Vice-Premier ministre de l'URSS, Ivan Arkhipov, à la tête d'une délégation de haut niveau, tandis que la presse soviétique débattait, sans excessive animosité, des réformes considérables tentées en Chine. Mais l'événement le plus lourd de conséquences pour l'avenir a été le retour à la table des négociations avec les États-Unis.

A la fin de 1984, l'URSS a été confrontée tout à la fois à la réélection de Ronald Reagan et à son projet spatial, l'Initiative de défense stratégique (IDS).

La course militaire dans l'espace est une obsession soviétique et une fois encore l'initiative américaine a rappelé aux dirigeants du Kremlin combien il leur sera difficile de combiner un tel défi avec une économie qui marque le pas.

La décision de reprendre le dialogue avec Washington a été, sans aucun doute, l'essentiel de l'héritage légué par Tchernenko à Gorbatchev.

Une politique étrangère hésitante et contradictoire d'où se dégage la conscience urgente d'affronter les États-Unis et leurs projets ; une stagnation économique invaincue ; la turbulence qui agite l'armée soviétique.... »

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