Une grande richesse de thèmes Pièce d'une grande complexité de construction, œuvre toute bruissante de symboles, Lorenzaccio est riche d'une...
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«
Une grande
richesse
de thèmes
Pièce d'une grande complexité de construction, œuvre
toute bruissante de symboles, Lorenzaccio est riche d'une
autre richesse : les thèmes se succèdent, se mêlent sou
vent, montrant, une fois encore, l'ampleur de la réflexion,
des préoccupations et des interrogations de Musset.
LA RELATIVITÉ DES CHOIX
RELIGIEUX ET MORAUX
A de multiples reprises, dans Lorenzaccio, apparaissent
des positions diverses face à la religion et à la morale.
Mus
set en dresse comme le panorama : il expose ainsi le fruit de
ses hésitations, sa difficulté à opérer un choix.
Une religion pervertie
Dans ce domaine les personnages de la pièce adoptent
des attitudes variées.
Une première distinction s'impose.
Alors que Musset ne porte pas de jugements de valeur sur
les laïcs, il est beaucoup plus sévère pour le clergé : son rôle
dirigeant et les conséquences morales que ses perversions
peuvent avoir lui confèrent une grande responsabilité, et
rendent particulièrement dangereuses ses actions contes
tables.
Il s'attaque violemment aux ministres du culte.
Ce
qu'il reproche au pape, c'est son intervention dans le
domaine temporel, alors qu'il ne devrait jouer qu'un rôle spi
rituel (acte 1, scène 2); c'est aussi son immoralité qui ne
l'empêche pas de vouloir donner des leçons aux autres
(acte 1, scène 4).
Ce qu'il réprouve chez le cardinal Cibo,
c'est l'utilisation hypocrite qu'il fait de ses fonctions pour
satisfaire son goût de l'intrigue (acte Il, scène 3); c'est éga
lement la perte de tout sens moral qui, au mépris de la per-
sonne humaine, l'amène à considérer que tous les moyens
sont bons: détournement de correspondance, malgré les
protestations d'Agnolo qui s'indigne, en vain:« Hélas ! Émi
nence, c'est un péché» (acte 1, scène 3); excuse du geste
sacrilège du duc, qui, au cours d'une fête, s'était déguisé
en religieuse (acte 1, scène 3) ; véritable chantage à la
confession (acte Il, scène 3); appel implicite à la prostitution
(acte IV, scène 4).
Certes, quelques ecclésiastiques demeurent dans le droit
chemin, comme Valori, homme intègre, auquel le duc
adresse ce compliment:« Vous êtes, pardieu, le seul prêtre
honnête homme que j'aie vu de ma vie» (acte 1, scène 4);
ou comme le prieur, Léon Strozzi, tout de bonté (voir son atti
tude conciliante, à la scène 1 de l'acte Il).
Mais, de façon générale, on assiste à une dégénéres
cence de la foi et de la morale.
La religion tombe dans la
superstition (voir les explications du marchand qui place la
mort du duc sous le signe du chiffre six, acte V, scène 5).
Elle
n'est plus qu'un prétexte à réjouissances (voir le pèlerinage
de Montolivet qui est devenu davantage l'occasion d'une
foire qu'un acte de piété, acte 1, scène 5) ou à spectacles
(acte Il, scène 2).
Affaiblie, elle a perdu sa capacité à
défendre les valeurs morales (acte 1, scène 1).
Des attitudes multiples
devant la foi
Dans ces conditions, la religion n'a plus cette unité qui fai
sait sa force.
Elle ne peut empêcher la multiplication des
interprétations divergentes du monde.
Et la pièce éclate en
attitudes multiples devant la foi, sur lesquelles Musset se
garde bien de porter jugement.
Est-ce le duc qui a raison
dans son refus des pratiques religieuses que la marquise
constate en ces termes lourds de reproches: « Toi qui ne
vas pas à la messe [ ...] » (acte 111, scène 6) ? Est-ce plutôt la
marquise, lorsque, s'adressant au duc, elle exprime sa
conception déiste d'un Dieu omniprésent: « [ ...] es-tu sûr
que !'Éternité soit sourde, et qu'il n'y ait pas un écho de la vie
dans le séjour des trépassés ? Sais-tu où vont les larmes des
peuples, quand le vent les emporte? » (acte 111, scène 6)?
Philippe serait-il dans le vrai, lorsque, mettant en doute la
justice divine, il évoque un Dieu cruel, auprès duquel il pro
teste: « Dieu de justice ! Dieu de justice ! que t'ai-je fait ? »
(acte Ill, scène 7)? Ou serait-ce Pierre, avec sa vision d'un
Dieu de vengeance qu'il évoque en ces termes aux prêtres,
ses représentants sur terre: « Écoutez-moi, prêtres ; si vous
êtes l'image de Dieu, vous pouvez recevoir un serment.
Par
tout ce qu'il y a d'instruments de supplice sous le ciel, par les
tortures....
»
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