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Un théâtre de l'amour Les Romantiques n'ont pas chanté l'amour comme s'il s'agissait d'une donnée simple et naturelle de la...

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« Un théâtre de l'amour Les Romantiques n'ont pas chanté l'amour comme s'il s'agissait d'une donnée simple et naturelle de la vie. Au contraire.

ils ont souvent mis l'accent sur les résis­ tances qui s'opposent à la réalisation complète et harmo­ nieuse de la relation amoureuse.

Les romans de Balzac montrent combien l'amour sincère est rare.

Et Vigny pro­ phétise la guerre des sexes1 .

Certes l'amour est souvent valorisé dans la littérature romantique, mais peut-être parce qu'on le considère comme une exception. Sentiment complexe, l'amour apparaît dans les drames romantiques comme un thème omniprésent et comme une valeur fondamentale de l'existence.

Mais les obstacles qu'il rencontre, et surtout sa liaison intime avec la mort, font du sentiment amoureux un thème tragique. UN THÈME OMNIPRÉSENT, UNE VALEUR ESSENTIELLE Diversité de l'amour L'amour prend, dans le drame romantique, des formes infiniment variées.

Sous un même mot combien de réali­ tés diverses! L'amour de dorïa Sol pour Hernani est une donnée absolue, une évidence qu'elle ne peut expliquer mais dont elle ne saurait douter une seule seconde (voir .par exemple H.

1, 2, v.155).,En revanche, dans Lorenzaccio, l'amour de la marquise Cibo pour le duc de Florence est un amour « de tête», un sentiment peu réel qu'elle s'in­ vente pour se déguiser à elle-même son véritable désir: , 1.

« Et, se jetant, de loin, un regard irrité.Iles deux sexes mour­ ront chacun de son côté» (« La Colère.de Samson», dans Les Destinées). avoir une influence politique {Il, 3 et 111, 6).

L'amour;dé" Cœlio, le héros des Caprices de Mari(!nne, est un amour ti-, mide et mélancolique, qui n'a pas foi en lui-même (1, 1 ).

;.,, \' Au contraire, l'amour est chez le roi don Carlos (H) ou , chez le duc Alexandre de Médicis (L) le sentiment conqué­ rant d'un «moi» fort, qui n'imagine même pas qu'on puisse lui résister.

Hugo rappelle en outre, avec don Ruy Gomez dans Hernani et don Guritan dans Ruy Blas, qu'il n'y a pas d'âge pour aimer 1 .

Évoquons aussi, dans Les Caprices de Marianne, l'amour maternel d'Hèrmia pour son fils Cœlio, qui fait dire au serviteur: «Ne dirait-on pas que notre maîtresse a dix-huit ans, et qu'elle attend son si­ gisbée2 ?» (1, 2).

Et dans cettë même pièce, Octave avoue à la dernière scène qu'il n'a jamais aimé et n'aimera jamais · que son ami Cœlio (Il, 6). � , -' � La dimension physique du sentiment amoureux est -ex­ primée p�r le drame romantique bien plus directement que pàr ses prédécesseurs.

«Tu as une'jolie jambe», dit Alexandre à' la marquise (L, 111, ·6).

Lorenzo vante ·1es charmes de Gabrielle, «jamais je n'ai humé dans une at­ mosphère enfantine plûs exquise odeur de courtisanerie3» (L, 1, 1).

Certes, l'amour réduit au seul désir physique n'est qu'un sentiment dégradé.

Mais l'amour le plus vrai n'ignore pas la chair.

Dans Hernani (V, 3), le dialogue et les jeux de scène disent le frémissement ·des jeunes 'époux au seuil de leur union cha�rnelle.

Le duo d'amour final qui réunit la reine et Ruy Blas s'exprime aussi par l'étreinte de deux cor�.

attitude scénique inimaginable dans I.e théâtre classique, même le plus passionné (RB, V, 4).

Sentiment du cœur et de l'esprit, l'amour est aussi et toujours, dans le drame romantique, une émotion du corps. L'amour au cceÙr du drame ' Les personnages du drame romantique sont souvent: caractéri�és par la manière don! ils éprouvent et vivent le 1.

Le motif du vi�illard arii��reux d'�ne.jeune femme n'est pas sys­ tématiquement comique.

Il peut être tragique, ou tout au moins. pathétique·{voir les très belles tirades de Ruy Gemez dans H, Ill, 1). 2.

Son chevalier servant, son amoureux. 3.

Une « courtisane » est une prostituée de luxe. sentiment amoureux, sous ses diverses formes.

Dans Les Caprices· de Marianne, Cœlio est un mélancolique qui aime en mélancolique: non seulement son amour est doulou­ reux, ,mais en aimant il devient « insensible à tout ce qui [l']entôure » (1, 2); Octave èst un homme pour qui l'amour des femmes est sans valeùr aucune, dont les sens mêmes sont blasés (Il, 6); ·Marianne la capricieuse est une jeune femme qui ne comprend ni ne maîtrise son désir naissant, parce qu'elle s'est à priori défendu d'aimer.

Même le per­ sonnage obscur et complexe qu'est Lorenzaccio s'éclaire quelque peu quand on se pose la question de son rapport à 'l'amour.c Chez lui, l'énergie du désir amoureux semble s'être convertie dans le désir du meurtre politique.

Racon­ tant cette nuit où il a fait le sermént de tuer un tyran, il ajoute: « Peut-être est-ce là ce qu'on éprouve quand on devient amoureùx » (L, Ill, ,3t _. !:amour constitue souvent l'un des principaux moteurs de l'intrigue.

Ainsi, l'amour de trois hommes pour une même femme1 réunit, dans Hernani, les fils d'une action complexe, mettant en jeu également le pouvoir et la vengeance familiale. Même dans Lorenzaccio, drame pourtant surtout poli­ tique, l'amour joue un rôlé non négligeable.

Certes l'entre­ prise politico-amoureuse de la marquise Cibo ne produit aucun résultat tangible: elle ne parvient pas à faire parta­ ger ses projets-·politiques à Alexandre, et, vite abandonnée par cëlui-ci, elle retrouve tout simpler,:ient son mari (111, 6; IV, 4 et-V, 3).

En·revanche, le désir grossier de Salviati, courtisan du duc, pour Louise Strozzi (1, 2), s'avère lqurd de conséquences.

Il provoque d'abord la colère du frère de Louise, Pierre (Il, 1 et Il, 7), puis celle de toute la grande famille républicaine des Strozz� y compris de son chef Philippe qui s'engage un moment dans la révolte (Ill, 2,3 et 7).

Enfin, c'est en espérant séduire Catherine Ginori qu'Alexandre,trouve la mort: Lorenzo l'attire dans sa propre chambre en lui faisant croire que Catherine va venir, et, là, le tue (IV, 11).

Ainsi l'amour et le désir jouent un rôle, au moins indirect, dans chacune des intrigues qui constituent l'action de Lorenzaccio. 1.

Hugo avait envisagé de donner pour sous-titre à ce drame Tres, para una, c'est-à-dire «Trois pour une», en espagnol. Valeur de l'amour vrai Quand il est sincère, partagé, et ne se limite pas au strict désir charnel, l'amour est dans le drame romantique une valeur, plus encore qu'une passion.

C'est très net chez Hugo.

Roi tout-puissant, don Carlos envie le misérable Hernani: « Que cet homme est heureux [ ...] / Qu'il fait bien d'être pauvre et proscrit, puisqu'on l'aime!» (H, Il, 2, v.

517-518).

Don César, libre et insouciant, comprend fort bien ce que souffre Ruy Blas depuis qu'il aime la reine. Pourtant, lui qui n'a « pas souffert, n'aimant personne», se compare à un « pauvre grelot vide où manque ce qui sonne», et lance à son malheureux compagnon: « pour cet amour (...] / Mon frère je t'envie autant que je te plains!» (RB, 1, 3, v.441-442).

L'amour est une valeur sans laquelle la vie n'est pas digne d'être vécue. C'est vrai aussi chez Musset.

Seul l'amour, l'amour véri­ table, peut sauver du mal et de la déchéance.

Lorenzaccio rêve pour sa jeune tante Catherine un avenir de tendresse et de pureté matrimoniales et maternellès, (L, IV, 5t Le héros de On ne badine pas avec l'amour, Perdican, amou­ reux de sa coùsine Camille, ajoute après avoir stigmatisé les vices des hommes et des femmes: « il y a au monde une chose sainte et sublime, c'est l'union de deux de ces êtres si imparfaits et si affreux» (Il, 5).

Malheureusement, le drame ne confirme pas vraiment ces discours.

L'avenir de bonheur et de pureté rêvé pour Catherine demeure un rêve, certes possible, mais fragile.

Et Camille et Perdican ne s'uniront pas. , " LES OBSTACLES A L'AMOUR Valeur, idéal ou rêve,.

l'amour s'inscrit difficilement dans la réalité.

Le bonheur des amants romantiques se heurte à de multiples obstacles. Hugo : la société contre l'amour Dans le théâtre de Hugo, l'amour est presque toujours un défi aux lois de la société.

Dans Hernani, la nièce d'un duc aime un chef de bande, un condamné à mort. Dans Ruy Blas, un misérable homme du peuple, un la­ quais, ose aimer la reine d'Espagne.

L'amour apparaît ainsi comme une force qui transgresse les hiérarchies social�s. Force éminemment subversive: l'amoureuse dona Sol lance au roi d'Espagne: « le bandit, c'est vous! » (H, Il, 2, v.

489).

Mais ce combat contre la société èmpoisonne la relation amoureuse.

Hernani est jaloux parce qu'il a peine à croire que gona Sol soit prête -aux sacrifices que cet amour exige (1, 2).

Rassuré sur la détermination de celle qu'il aime, il se demandè s'il a le droit de lui imposer un tel destin (Il, 4; 111; 4).

Et l'amour de Ruy Blas èt de la reine n'est vivable qu'au prix du mensonge.

Quand le laquais aura avoué son id��tité, il lui faudra mourir. Musset: l'indiv,du c�ntre l'amou'r Ce n'est pas principalement la société qui, dans le théâtre de Musset, empoisonne la relation amoureuse: ce sont souvent les amoureux eux-mêmes:· Ainsi, dans On ne badine pas avec l'amour, ce sont Camille et Perdican qui rendent leur amour impossible, et non le baron, repr� sentant de l'autorité familiale et sociale mais qui ne de­ manderait pas mieux que de les voir s'aimer.

L'orgueil/ la vanité, le mensonge à soi-même, le refus d'accepter et d'assumer son désir, voilà ce qui condamne l'amour.

Ils sont rares, somme toute, ceux qui, dans ·1e théâtre de Musset, aiment vraiment.

Et ce sentiment sincère efpro­ fond n'est guère payé de retour: le noble et mélancolique Cœlio (CM), la naïve paysanne Rosette (8) sont trompés dans leur amour, et en meurent.

La société n'est sans doute.... »

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