Un espace mobile et labyrinthique Autant d'actes, autant d'espaces. La scène se démultiplie par la variété, l'abondance et même. à...
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Un espace mobile et labyrinthique
Autant d'actes, autant d'espaces.
La scène se démultiplie par la variété,
l'abondance et même.
à l'origine, selon les témoignages, le faste de ses
décors.
Nous savons que l'action se déroule en Sicile qui vit sous tutelle
espagnole depuis le XIIIe siècle.
Cette couleur locale est un moyen de
sortir les enjeux périlleux de la pièce hors de France, de les déplacer
prudemment sous un climat plus lointain, vaguement exotique, impliquant
moins directement les mœurs de la France« louis-quatorzienne ».
Nous
sommes donc transportés dans une Sicile brûlante de soleil et orageuse,
sous la lumière incandescente des bougies du théâtre, qui s'associe si bien à
la chaleur.
du désir et plus tard aux feux de l'Enfer, une Sicile réputée pour
préserver à tout prix l'honneur de ses femmes et un pays de séducteurs.
Mais l'Italie est aussi la patrie de la commedia dell'arte* dont Sganarelle
assume l'héritage.
Enfin, peut-être, cette Sicile, à peine évoquée dans la pièce, lieu vide de
pittoresque est-elle surtout une aire mythique ; elle est une île et un
ailleurs que le théâtre présente ici, sur sa scène, et qui fait réfléchir sur cet
Autre absolu, marginal et hors-la-loi qu'est Don Juan.
La Sicile pourrait
ainsi figurer le lieu de l'altérité, une sorte de pays de l'inconscient où se
meut Don Juan tout à son plaisir, et, à l'inverse, un lieu qui réprime cette
altérité.
Le public qui voyage en Sicile au rythme des escapades de Don
Juan, voyage· aussi en lui : proche et lointaine, la Sicile tend un miroir au
spectateur, à ce qui, en lui, est source d'altérité (le principe de plaisir) et de
répression (la conscience morale contre les attaques et la poussée du désir).
L'acte I a lieu dans un palais très certainement en, ville (cf.« et depuis
quand est-il dans cette ville?».
li), plus précisément dans une galerie, une
corn,: ou un jardin attenants au pclais.
Non dans le lieu mais au-dehors : Don
Juan et Sganarelle se situent par rapport à un espace transitoire, provisoire
car le maître est à la fciîs en chasse d'aventure et il fuit, Elvire et sa famille
à ses trousses.
Ce lieu matinal n'est pas un asile, il est trop ouvert sur
l'extérieur, il ne protège pas du retour menaçant du passé.
Le palais
rappelle que Don Juan est un noble mais rien ne dit qu'il est sa propriété.
Sganarelle se montre le premier dans ce décor, le valet avant le maître.
En
fait, il n'est pas de lieu qui, pour l'heure, appartienne en propre au seigneur;
Don Juan est sans lieu, il ne fait jamais que passer en partance pour
d'autres plaisirs et peut-être est-il déjà devant ce palais qui suggère un
certain pouvoir en place et figé dans la pierre, un personnage en marge,
hors de sa caste, hors du monde, à sa bordure tant lui-même est extrême
dans ses valeurs et ses désirs.
L'acte II plante son décor d'après-midi à la campagne, près de la mer
ainsi que l'annonce un programme publié après 1665:
dernier acte : le théâtre de mer et de rochers succède au superbe
palais du premier acte.
Élargissant l'espace du premier acte, le deuxième acte inaugure les
entreprises de séduction.
Associé à la mer, le décor se déploie en plein air,
sur le champ de bataille du séducteur au combat, en campagne.
La terre
marque aussi une limite à la mer : elle offre aux rescapés du naufrage un
point d'ancrage mais elle indique du coup que la séduction en cours a
manqué son but.
Qu'importe ! Mal à l'aise sur l'eau, Don Juan sera le maître
sur terre : il envoûte Charlotte et Mathurine, se débarrasse du fiancé gênant,
Pierrot, en l'assommant...
C'est sans compter que cet endroit très passant (il est constamment
alimenté de jolies filles) peut de lieu de plaisir devenir lieu de menace:
douze cavaliers sont sur la piste du mari sacrilège.
Une fois encore:-Don
Juan doit quitter les lieux, sans en garder le contrôle.
À l'acte III, en fin d'après-midi, Don Juan vêtu d'habits de campagne et
Sganarelle déguisé en médecin arrivent dans une forêt.
Le lieu est
inquiétant, déjà plus labyrinthique que les autres: les deux personnages se
sont égarés ; ils sont de surcroît, à en croire les avertissements du pauvre,
exposés aux dangers des voleurs.
Enfin c'est dans la forêt que Don Juan
aide Don Carlos aux prises avec trois adversaires et qu'ainsi, sans le savoir,
il rejoint ses poursuivants.
Un deuxième espace, en abîme, s'inscrit dans ce décor mal ouvert de la
forêt (toute la question est d'en sortir): le tombeau du commandeur,
« superbe édifice [ ...] entre les arbres».
Les protagonistes pénètrent dans
le tombeau et leur apparaissent un mausolée et la statue du commandeur :
dans la forêt, riche de dangers, surgit pour Don Juan son plus terrible
adversaire.
Lieu dans le lieu, le tombeau introduit le retour funèbre du
passé (l'assassinat du Commandeur) dans le présent.
Non seulement Don
Juan a du mal à quitter la forêt infestée d'opposants à son désir mais il s'y
trouve surtout piégé.
D'une certaine manière, il y sombre ne sachant pas
encore que le tombeau marque une limite infranchissable à son désir et
préfigure sa propre mort.
À l'acte IV, nous pénétrons dans un espace totalement investi par Don
Juan : son appartement où, le soir venu, on lui sert à dîner.
Dans ce lieu où
il détient tout pouvoir, le libertin attend qu'on satisfasse....
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